Botero, dialogue avec Picasso © Culturespaces - S. Lloyd

Botero, dialogue avec Picasso au Centre d’Art Caumont

Doubles maîtres

 

La nouvelle exposition du Centre d’art Caumont, Botero dialogue avec Picasso, offre à l’artiste colombien une place plus juste, dépassant son étiquette de peintre populaire naïf. Une scénographie très inventive met en exergue la prédominance de leur travail respectif sur la couleur et la réappropriation des œuvres de leurs illustres aînés.

 

Le musée d’Orsay a énormément pratiqué les expositions en regards croisés, mettant en parallèle deux artistes. L’Hôtel de Caumont s’essaye pour la première fois à l’exercice avec un double focus Botero-Picasso imaginé par la commissaire Cecilia Braschi. Dans le cadre du projet « Picasso-Méditerannée 2017-2019 » initié par le Musée Picasso-Paris, Culturespaces a pris le pari de placer les œuvres monumentales de Botero dans l’écrin précieux de Caumont. Un défi à la mesure de ceux que les deux artistes se sont lancés au cours de leurs carrières respectives afin de se réapproprier les œuvres des plus grands. Un challenge identique : la volonté de dépasser les maîtres. Chacun, en regardant les autres artistes, cherche ce que lui-même est en train de réaliser dans son parcours. Excluant la simple copie, ce sont donc des tableaux « à la manière de » qui voient le jour, comme ces sublimes pièces inspirées par Les Ménines de Vélasquez. Ainsi que cette femme au chapeau de Cranach que l’on retrouve chez Picasso avec le Portrait d’une dame et chez Botero avec D’après Cranach. Une illustration parfaite de la façon dont chacun, puisant dans les mêmes intérêts pour un artiste, vise les différents aspects de l’œuvre (la composition, la touche picturale…) pour la « déformer » avec style. Garder la forme en projetant un autre mouvement.

Cette exposition est donc un double hommage. Celui de Botero et Picasso à leurs aînés admirés, et celui de Botero pour Picasso, par le biais d’un dialogue d’œuvres, a posteriori d’une rencontre physique qui n’a jamais pu avoir lieu. Loin de toute soumission, Botero porte un regard mature sur Picasso en tentant de s’en approcher, sans pour autant renier sa posture.

Cecilia Braschi a judicieusement mis en avant cet aspect du travail des deux artistes, loin d’un banal comparatif de tableaux, ni d’un réel face-à-face. Le travail réalisé avec la brillante scénographe Laurence Fontaine (Centre Beaubourg) a l’ingéniosité de mener le spectateur à se laisser guider par le regard que Botero porte sur l’œuvre de Picasso. Ainsi, tandis que les œuvres du Colombien prennent place sur les cimaises du Centre Caumont, celles de l’Espagnol se retrouvent dans des petites boîtes ou des niches avec des ouvertures, conçues comme des chapelles où se mettent en place des vis-à-vis. On ne voit jamais dans la même salle les tableaux des deux peintres, mais une espèce de cache-cache permet à tous de construire sa propre exposition.

La scénographie, sobre, avec pour seules couleurs du blanc et du gris, laisse enfin les œuvres exposées afficher leur beauté sans être écrasées par un décor trop théâtral. Cette approche moderne de l’espace, travaillant sur les lignes et la perspective, stimule ainsi l’imagination du visiteur.

L’aspect ludique et attractif de l’exposition — qui balaie les thèmes communs aux deux artistes : la corrida, le cirque, le nu, la nature morte… — incite à traîner longtemps dans les salles afin d’en comprendre les différents effets de miroir et trouver les détails d’un tableau qui rapprochent ou éloignent les deux artistes. Un jeu de piste qui donne un caractère joyeux et frais à cette exposition, renforcé bien sûr par l’humour et l’éclat des toiles sensuelles de Botero.

Ainsi, une attention particulière est-elle portée sur la lumière par la curatrice afin de reconstituer au plus proche celle de l’atelier de Botero. En maniaque de la couleur, l’artiste se révèle en effet intraitable sur la façon dont ses peintures sont éclairées.

N’oubliez pas en sortant d’aller dire bonjour au monumental cheval de Botero qui se trouve dans la cour et prenez quelques minutes pour voir le soleil jouer sur le métal. Un moment suspendu…

Au final, une exposition approuvée par Botero, présent lors du vernissage, et que ne renierait pas Picasso tant elle rend hommage à ce qu’ils ont toujours défendu : l’art pour la société.

 

Marie Anezin

 

Botero, dialogue avec Picasso : jusqu’au 11/03/2018 au Centre d’Art Caumont (Aix-en-Provence).

Rens. : www.caumont-centredart.com