Bilan Arts du geste 2011

Bilan Arts du geste 2011

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Gare centrale par la Cie Grenade
Du 13 au 15/01 au Pavillon Noir (Aix-en-Provence)
Dans un hall de gare, douze danseurs, des annonces, des bruits d’ambiance, l’attente et l’ennui. Les corps se cherchent, se rencontrent et se découvrent. Des mouvements mécaniques au son des messages de la SNCF, puis l’agitation devient chorégraphie jubilatoire quand la musique de Bach fait exulter les corps. Mêlant brillamment hip-hop, danse contemporaine et classique, avec une fraîcheur et une joie communicative, Josette Baïz exprime, dans une chorégraphie riche et métissée, les états d’âme des voyageurs, passant de la chaleur d’une rencontre au désœuvrement d’une solitude au milieu de la foule.

32, rue Vandenbranden par Peeping Tom
Du 3 au 5/02 au Théâtre du Merlan
Peeping Tom, c’est l’aventure d’un collectif qui revisite le quotidien pour le transposer dans des situations incongrues : le huis clos du jardin, l’exiguïté du salon, les fantômes du sous-sol et ici, le grand froid de l’Antarctique. Une manière de dire que même sur les territoires vierges, il existe une condition humaine avec ses querelles de voisinage, ses histoires d’inceste, ce regard méfiant sur l’étranger et la précarité du quotidien. Peeping Tom, ce sont les enfants d’Alain Platel et de Jan Lawers, le cri caustique d’une Belgique qui s’attaque aux problèmes dans un regard décalé et outrancier, parce que dans le grand froid, on met les mains dans le slip.

Nice night for an evening de Peter Shub
Les 6 & 7/05 au Daki Ling dans le cadre du Festival Tendance Clown #6
Peter Shub n’en est pas à son coup d’essai, bien que son nom résonne comme celui d’un illustre inconnu. De nombreuses collaborations et une reconnaissance par ses pairs en font même une référence en la matière. Ses axes de travail s’orientent vers la comédie, l’humain, l’improvisation et les rythmes du théâtre. Puisant dans ses expériences personnelles, le clown américain nous livre ici un solo loufoque et autobiographique sur la peur, la déception et le destin des objets qui font notre quotidien. Promener une laisse abandonnée, se suicider contre son gré… ou l’art de provoquer des situations embarrassantes et de s’en sortir maladroitement, de manière hilarante.

Singularités ordinaires par le GdRA
Du 5 au 7/05 au Théâtre du Merlan (et les 16 & 17/12 à Châteauvallon)
Le collectif d’artistes singuliers — un anthropologue, musicien et chanteur autodidacte ; un acrobate, danseur et voltigeur ; et un comédien bonimenteur — met en scène trois récits de vie à travers des bouts de films et extraits d’interviews. On découvre Arthur, 86 ans, musicien-guérisseur dans le Quercy rural, Wilfride, 64 ans, danseuse étoile retraitée de l’Opéra de Paris, et Michèle, 41 ans, pilier de bar « malvenue ». Alliant leurs techniques mutuelles, ils se font les passeurs de ces trois histoires exceptionnelles et ordinaires à la fois, créant, à travers une écriture foisonnante et inventive, un théâtre d’idées autant que de mouvements, de mots autant que de musique.

Mayday, Mayday, Mayday, This is… par le Ballet National de Marseille
Du 11 au 14/05 au TNM La Criée
Le BNM revient ici sur la catastrophe de Fukushima et propose aux danseurs un travail dans l’urgence où la gestuelle et le choix des costumes touchent à l’affectif. Le groupe se disloque et se resserre à la manière d’une tribu qui jongle entre peur et euphorie. La danse posée s’abandonne à des actes désordonnés qui, dans un élan de panique, nous dévoilent une énergie nouvelle. On est encore loin de l’intervention du scénario et du dialogue sur un corps qui tente de nous ressembler, mais on s’en approche. Le BNM continue lentement sa mue et commence à ressembler aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui.

Nearly 902 de Merce Cunningham
Les 21 & 22/06 à la Salle Vallier dans le cadre du Festival de Marseille F/D/Am/M
Dans une scénographie épurée jusqu’à la seule projection de lumières colorées, cet ensemble de duos ne forme plus qu’une seule et même pièce, la dernière œuvre maîtresse de l’artiste le plus important de la danse contemporaine du XXe siècle. Faisant de la géométrie de l’espace la pierre angulaire de sa danse, Cunnningham déploie sur le plateau ses infinitésimales combinaisons de gestes qui, assemblées en un tourbillon sonore, nous emmènent dans un « ailleurs » intemporel. La minutie des interprétations et le foisonnement des compositions chorégraphiques donnent à voir un chant du cygne qui s’élève jusqu’à la perfection avec une étrange sérénité.

Small Is Beautiful
Du 5 au 16/10 à Marseille, Aubagne et Martigues
Avec cette cinquième édition du festival de création en espace public, Lieux Publics a frappé fort. Non contentes de faire appel à tous les registres du spectacle vivant, les œuvres et performances présentées font preuve d’une grande créativité et clament, en manifeste, que l’art doit rester partout, même — et surtout — dans la rue. Les spectateurs, ébahis, croisent des danseurs sur des tracteurs, participent à une balade sonore ou à la construction d’un gigantesque phare. Au regard de la motivation des équipes présentes et de l’écho favorable reçu auprès du public, on se réjouit déjà de la prochaine édition préfigurant celle, capitale, de 2013.

S’approcher et Mahalli de Danya Hammoud
Le 23/10 à la Chapelle des Pénitents noirs (Aubagne) et les 2 & 3/11 aux Bernardines, dans le cadre de Dansem
Danya Hammoud vient d’un pays en guerre, d’une terre rendue stérile par l’enlisement de ses oppositions, le Liban. Alors, elle décide d’oser et de S’approcher de ce qui pourrait bien changer son monde, si fragile et si féminin… Ne se contentant guère de revisiter son héritage culturel à la lunette de la danse contemporaine occidentale, avec Mahalli, elle invente plus qu’une danse : un autre monde. Résolument femme, elle a choisi le bassin de son corps comme origine de tout mouvement et de tout déplacement. De lascifs, ses gestes deviennent alors une oscillation de plus en plus ample, animale et puissante. Une ode à l’amour, comme un cri face aux déchirements du monde.

Nei Volti (Dans les visages) de Virgilio Sieni
Les 17 & 19/11 au Théâtre du Merlan dans le cadre de Dansem
Repenser aux personnes qui l’entourent, décrypter leurs gestes, les inviter à se rencontrer, ressentir leur présence et partager leur résistance, tel est ici le dessein du Toscan. Une intention décelée, des traits dessinés, des pas esquissés pour cette chorégraphie contemporaine qui appelle à la mémoire du geste, celui du quotidien. En quatre temps, comme une valse, le danseur et chorégraphe rend le banal onirique et le labeur léger, des visages évoquant la mémoire et les pages de Bach ou de Telemann soulignant les différents moments de la scène. Tout se concrétise et se lie quand, in fine, il retrouve sur scène Jean Berthet, 90 ans, ancien résistant et déporté à Buchenwald.

Exposition universelle de Rachid Ouramdane
Le 9/12 à la Minoterie dans le cadre de Dansem
Le corps figé sur un petit socle tournant, Rachid Ouramdane se fait accompagner sur scène du musicien virtuose Jean-Baptiste Julien, mais aussi de métronomes et de caisses réceptacles de portraits vidéo. Endossant tour à tour différentes identités avec force costumes et maquillages, le chorégraphe résolument engagé laisse le spectateur s’emparer des images de notre inconscient collectif, rapidement balayées l’une par l’autre, ne se satisfaisant jamais du confort d’un symbole univoque. La pièce est d’une hyper actualité déconcertante, où la danse puissante et toujours en métamorphose porte en elle l’enjeu politique identitaire et l’imminence des totalitarismes.

Crédits photos :
Josette Bai?z
Thierry Hauswald
Anna Finke
Pasquale Juzzolino
Herman Sorgeloos
Florence Delahaye
Artonik
Chris Van der Burght