Bilan Livres 2008

Bilan Livres 2008

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Roman

Niccolo Ammaniti – Comme Dieu le veut (Grasset)
Attention ! Lire Comme Dieu le veut fait l’effet d’un coup de poing, un de ceux que pourrait asséner Rino Zena, qui réveille son fils en pleine nuit afin qu’il descende le chien trop bruyant du voisin. Six jours suivent pendant lesquels le destin de ces deux-là va basculer. Six jours haletants dans une Italie désolée, où il ne fait pas bon vivre lorsqu’on est sur le bord de la route. Six jours enfin où se côtoient la bêtise, la méchanceté, la violence, l’horreur… et l’amour le plus féroce. Troublant.

Howard McCord – L’homme qui marchait sur la lune (Gallmeister)
Ou l’histoire d’un tueur à gage retraité de la CIA, William Gasper, vieux randonneur solitaire hanté par les souvenirs de la guerre, dont la vie bascule sitôt qu’un homme se lance à ses trousses… Tour à tour western et roman policier, jouant avec un fantastique onirique, L’homme qui marchait sur la Lune nous entraîne dans une méditation sur le vide, les délicates notions de bien et de mal, la juste place de l’homme dans son environnement et l’infinie fragilité de l’un comme de l’autre.

Jean Echenoz – Courir (Editions de Minuit)
Ouvrier perdu au fond de la Tchécoslovaquie pendant l’occupation allemande, Emile devient au fil des pages champion olympique de course, héros national et outil de propagande du communisme. Courir narre l’ascension et la chute de ce demi-dieu modeste et généreux, coureur singulier et attachant. L’écriture d’Echenoz est à l’image de la course : rythmée, cadencée par des petites foulées qui s’enchaînent mécaniquement, ne laissant d’autre choix au lecteur que de poursuivre le parcours avec délectation.

Eugène Green – La Reconstruction (Actes Sud)
Quand Jérôme Lafargue, professeur de littérature à la Sorbonne, rencontre un certain Launer, les rouages de sa petite vie bien construite s’enrayent… Via son journal intime, le lecteur embarque pour un voyage entre l’Autriche de 1940, le Munich de 68 et le Paris d’aujourd’hui, se laissant guider avec plaisir dans les méandres de la vie de ces hommes. Premier roman du cinéaste Eugène Green, La reconstruction est une vraie réussite — sensible, intelligemment construite et parfois surprenante.

Horacio Castellanos Moya – Là où vous ne serez pas (Les Allusifs)
Les protagonistes de ce livre en deux parties — un ancien ambassadeur salvadorien et le détective enquêtant sur sa mort — cultivent l’ambiguïté, creusant peu à peu une histoire qui dévoile une vérité intenable. « Là où vous ne serez pas » est l’endroit de cette indicible vérité où les personnages se réfugient tout en provoquant leur perte. C’est aussi un roman sombre et drôle, où les personnages se débattent avec l’alcool et les femmes à l’intérieur d’une société sans espoir et d’un cynisme effrayant.

BD

Boulet – Notes, T1 : Born to be a larve (Delcourt)
Depuis juillet 2004, Boulet (bien connu des minots pour sa série Raghnarok) publie sur son blog tout ce qui passe par sa tête de trentenaire un peu geek sur les bords : billets d’humeur et anecdotes en vrac, réflexions et « sagas » de la vie quotidienne (Boulet contre la SNCF, Boulet contre Surcouf, Boulet et la raclette mutante…). Dévoilant une grande palette de styles, ce recueil papier souvent hilarant, qui regroupe le meilleur de la saison 1 entrecoupé de quelques strips inédits, fait mouche.

Marie Saur & Nylso – Jérôme et l’arbre (Flblb)
Jérôme d’Alphagraph fait partie de ces séries qui ne cessent de surprendre et prouvent qu’il est encore possible d’être interpellé, secoué, ému. Ce nouveau tome — dans lequel Jérôme quitte sa librairie pour partir sur les routes en roulotte avec son fidèle Bourrique — entremêle désir de voyages et impossibilité de réaliser ceux-ci, réflexions sur soi-même et sur la pratique de l’écriture… La profondeur et le goût pour la flânerie poétique n’ont pas déserté ces pages, bien au contraire. Incontournable.

Hélène Bruller – Hélène Bruller est une vraie salope (Vent des Savanes)
Façon one woman show (autobio)graphique, cette BD raconte la rupture, puis la convalescence d’Hélène, jusqu’à sa rencontre avec « le Suisse » (Zep, le « père » de Titeuf), avec un humour décapant, étayé par un trait forcé (personnages tordus) et des couleurs pétaradantes. Mais ce qui fait surtout le charme de ce nouvel opus, ce sont les digressions intercalées une page sur deux, galeries de portraits et de situations qui dissèquent les rapports humains avec une verve cynique absolument délectable.

Antoinette Portis – Pas du tout un carton ! (Kaléidoscope)
Au fil des pages de ce drôle d’album carré tout en kraft, nous découvrons le lapin-enfant dans des situations simples. Le texte ne dit rien, l’illustration nous emmène dans la tête de l’enfant, là où se tisse son univers : un sommet montagneux, une voiture de course, une montgolfière… Pas du tout un carton ! ouvre une porte sur cet imaginaire enfantin. Voilà un joli album dont l’universalité de l’histoire nous touche et nous amuse et qui tient par la simplicité et l’efficacité de son graphisme.

De Radiguès – Jacques Delwitte – Little White Jack (L’employé du Moi)
Ancien musicien reconnu ayant dû interrompre brutalement sa carrière, Jacques joue désormais de la guitare dans les rues de Bruxelles. Doux, tendre et ouvert sur la vie quotidienne la plus prosaïque, ce conte rock’n’roll parvient à rendre évidente la magie de la musique, évoquant les drames qui rongent parfois la vie des musiciens et la perception quelque peu romantique que l’on peut en avoir tout en évitant les clichés. Ce faisant, ce petit bijou d’une grande sensibilité procure de beaux frissons.