Bilan DVD 2011

Bilan DVD 2011

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Deep End (Royaume-Uni/Allemagne) de Jerzy Skolimowski (Carlotta)
C’était l’Arlésienne en matière d’édition ! Le plus beau film de Jerzy Skolimowski, lui-même cinéaste de génie trop peu cité, bénéficie d’une double sortie, par les bons soins de Carlotta : copie neuve en salles, film restauré en DVD, enrichi d’excellents bonus. Deep End nous plonge dans l’Angleterre pop art de la fin des 60’s, et offre l’un des plus beaux portraits au cinéma de l’adolescence, où un jeune homme un peu gauche, embauché dans un bain public, se retrouve confronté à un champ des possibles féminins. Il se dégage du film une atmosphère embuée, où l’intelligence du rythme le dispute à la qualité des plans : sublime !

Coffret Andrei Tarkovski – 8DVD – 3 courts et 7 longs-métrages (Potemkine)
Nous avons régulièrement vanté dans ces colonnes le travail de Potemkine, maison indépendante inspirée, à la ligne éditoriale exigeante. En cadeau de fin d’année, l’équipe nous gratifie ni plus ni moins d’une (quasi) intégrale de l’immense Andreï Tarkovski, où se côtoient ses plus grands chefs-d’œuvre, d’Andréï Roublev à Stalker, en passant par Solaris, Le Miroir ou Nosthalgia. Ce coffret incontournable est complété par un DVD bonus d’une richesse folle : de nombreux entretiens du maître, trois films d’études, le documentaire rarissime Tempo di Viaggio, tourné lors des repérages de Nosthalgia, ou un travail jusque-là inédit : Meeting Andréï Tarkovski.

Dexter, saison 5 – Série (Etats-Unis) de James Manos Jr. (Paramount)
Après l’ahurissante dernière scène de la saison 4, qui bouclait la boucle sanguinolente et aurait pu constituer la fin de la série, le cru 2010 était attendu avec autant d’excitation que de fébrilité, posant ces deux questions cruciales : comment notre expert sanguin/tueur en série allait-il surmonter la mort de (chut !) et surtout conserver sa double identité secrète, avec autant de flics à ses trousses, dont sa sœur pas très fute-fute ou dans le déni ? Si la première question est assez bien traitée avec la venue d’un nouveau personnage féminin (Lumen/Julia Stiles), la seconde nous apporte son lot de réponses abracadabrantes. Mais qu’importe le flacon…

Sons of Anarchy, saison 3 (Etats-Unis) de Kurt Sutter (20th Century Fox)
Arrêtez de croire ce qu’on vous dit : la meilleure série actuelle n’est ni Mad Men, ni Breaking Bad, mais bel et bien Sons of Anarchy, le « bébé » de Kurt Sutter à base de motards qui n’ont besoin de personne en Harley-Davidson©. Créée en 2008 sur les cendres de The Shield, show auquel le créateur avait grandement participé après avoir fait ses classes chez Les Soprano, SOA n’est pas qu’une série sur les bikers qui jouent aux cow-boys et aux Indiens avec les gangs rivaux. Il y est aussi question de faire cohabiter violence des situations et délicatesse des enjeux, mythologie de l’Amérique et nœuds furieusement shakespeariens. Magistral !

Coffret Youssef Chahine (4 DVD + 1 livret) 4 films inédits : Gare centrale + La Terre + Le Moineau + Le Retour de l’enfant prodigue (Pyramide)
Pyramide a connu cette année une activité dense, dont le point d’orgue est la sortie de quatre œuvres rares et sublimes du cinéaste égyptien. Ce coffret vient rappeler la vitalité du réalisateur et sa propension à développer un large panel de personnages, souvent issus du prolétariat égyptien. C’est avec bonheur qu’on y retrouve Gare centrale, sans doute le plus beau film de Chahine, qui lui ouvrit les portes d’une notoriété internationale, ainsi qu’une large présence dans les plus grands festivals de la planète. Ces quatre films tournés entre 1958 et 1976 témoignent de l’intelligence du regard vis-à-vis des gens simples qui fondent la société égyptienne.

Taking off (Etas-Unis) de Milos Forman (Carlotta)
Une fois de plus à l’honneur, Carlotta ressort le premier film américain de Milos Forman, qui en ce début des 70’s, décide de quitter sa Tchécoslovaquie natale pour se frotter aux grands studios hollywoodiens. Il choisit pour ce premier opus de se pencher sur le phénomène hippie, qui secoue alors toute la société américaine, mais vu du côté des parents. Un axe qui lui permet une peinture sans concession du pays fraîchement rejoint, saupoudrant son récit d’un humour et d’un cynisme assumé, sachant que le mouvement même des Flower Power n’avait que très peu d’intérêt à ses yeux. Le résultat est un film hybride, intelligent et espiègle, rattaché encore à sa jeune carrière tchèque.

Cochon qui s’en dédit (France) de Jean-Louis Le Tacon (Editions Montparnasse)
Soulignons ici le travail des Editions Montparnasse, qui continuent d’enrichir leur catalogue des plus grands documentaires. Ainsi de ce film peu connu mais éblouissant de Jean-Louis Le Tacon, parti filmer au milieu des 70’s un élevage de porcs au cœur de sa Bretagne natale. Elève de Jean Rouch, l’apprenti cinéaste signe une œuvre troublante et protéiforme où se mêlent l’héritage du cinéma direct, les références (Pasolini) et les expérimentations visuelles. Avec, en filigrane, un portrait de l’exploitation agricole qui connaissait dans cette région les prémisses de l’industrialisation et de la surproduction, pour arriver aux résultats catastrophiques que l’on constate aujourd’hui.

Cinéma Hors Capital(e) (France – Les édition communes / Film Flamme)
Marseille est dotée d’un laboratoire cinématographique unique en France : le Polygone Etoilé. La structure s’est dotée depuis peu d’une activité d’édition, incluant livre et DVD, un grand soin étant apporté à la réalisation. Pour ses deux premiers titres, le Polygone a opté pour deux cinéastes de l’équipe, qui participent grandement à faire vivre le lieu : Jean-François Neplaz (avec La Remontée du temps), et Aaron Sievers (Flacky & Camarades). Chaque édition est complétée d’un ensemble de textes sur les œuvres, la création, l’acte de filmer en liberté, aujourd’hui, dans un carcan économique castrateur. A découvrir sans tarder !

Filmer le monde – Festival Jean Rouch (France – Editions Montparnasse)
Jean Rouch est connu pour son œuvre documentaire exceptionnelle, construisant les bases d’un style dont l’influence est omniprésente aujourd’hui. Il est aussi le créateur d’un festival, l’un des plus dynamiques en France, permettant la diffusion d’œuvres centrées sur une observation vivante du monde, dépassant le cadre de l’ethnologie. Les éditions Montparnasse proposent ici, en dix DVD, de présenter une somme importante de films, tous primés lors de la manifestation. Cette vision kaléidoscopique de la planète et de ses habitants, outre la diversité de leurs langages cinématographiques, permettent une vision du monde à nulle autre pareille.

Je suis curieuse, édition bleue (Suède) de Vilgot Sjöman (Malavida)
L’érotisme et la pornographie au cinéma sont quasiment nés dans les pays nordiques, aux avant-postes de la libération sexuelle dès les 60’s. La Suède a notamment été l’un des premiers pays à légiférer sur la question, permettant au grand public d’avoir accès aux œuvres porno. Bien que considéré comme l’un des films ayant allumé la mèche, Je suis curieuse, malgré des scènes plutôt crues, ne ferait plus scandale aujourd’hui. Ce qui saisit ici, c’est le rapport direct qui existait dans les 60’s entre l’expression libre de son corps et de sa sexualité, et l’engagement politique qui y était rattaché, le sexe se mêlant aux discussions enflammées sur tous les sujets de société.