Bilan Disques 2011

Bilan Disques 2011

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Battles – Gloss Drop (Warp)
Devenu trio au départ de Tyondai Braxton, le fer de lance du math rock new-yorkais n’a pas passé l’arme à gauche, loin de là ! Ce troisième album doit beaucoup à ses productions originales, jouant sur le rapport dualiste simple/complexe qui a déjà fait recette par le passé, et permis au groupe d’entrer au panthéon Warp. Voici donc une pépite expérimentale — mais très accessible —, à consonance sucrée et exotique, quasi caribéenne… Et s’il figure dans ce top, c’est naturellement parce qu’il aura parfaitement su intégrer plusieurs niveaux de lectures, formant un tout massif, joyeux et extrêmement cohérent. Beau boulot.

Baxter Dury – Happy Soup (Regal / EMI)
Baxter Dury s’était déjà fendu, par le passé, de deux albums d’une qualité rare, ayant laissé un souvenir tenace à son public. Mais rien ne laissait présager que ce troisième effort, après six années d’absence, puisse s’avérer aussi enthousiasmant. Ces mélodies apaisées, cette décontraction maîtrisée, ce chant qui installe une proximité avec l’auditeur — entre spoken word et chœurs aériens — forment un ensemble de dix pistes délectables. Ne vous fiez pas à la pochette : malgré son air faussement idiot, on embrasserait volontiers l’habile Baxter.

James Ferraro – Far Side Virtual (Hippos in Tanks)
Méconnu du grand public, James Ferraro aura pourtant été l’un des artistes majeurs de ces dernières années pour bon nombre d’internautes en quête de nouvelles esthétiques. Inspiré par les aspects outranciers de la culture pop des années 80/90, il est l’instigateur de la fameuse « pop hypnagogique », composée à partir des sensations perçues au moment où l’on s’endort. Au-delà d’une écoute agréable, cet album en appelle aux confins de nos souvenirs : s’insinuant dans notre inconscient depuis l’enfance, la réalité augmentée nous ouvre en effet les portes de l’étrange. Ce chef d’œuvre en est le principal témoin.

Ford & Lopatin – Channel Pressure (Software)
Au moment où une grande partie de la sphère indie verse dans le lo-fi, le rock, la pop ou l’ambient, Joël Ford (Tigercity) et Daniel Lopatin (Oneohtrix Point Never), anciennement connus sous le pseudonyme Games, créent la surprise avec cette ode aux tubes synth-pop des années 80. Les références — de qualité — sont évidentes : Scritti Politti période 85, YMO… Mais loin du simple revival, ils construisent un pont entre les époques, rendant ainsi tout ce qu’il y a de plus actuel des sonorités jugées passéistes. Cet album est véritablement unique en son genre, hybride et scintillant, définitivement tourné vers le futur.

Girls – Father, Son, Holy Ghost (Turnstile)
A la première écoute, cet album se place dans la ligne droite du premier LP de Girls, paru en 2009 : brut, distillant autant de merveilles qu’il possède de temps morts, en fonction de l’humeur ou du degré d’acceptation de tant d’âpreté de la part de l’auditeur. Pourtant, comme son prédécesseur, s’il ne nous caresse pas toujours dans le sens du poil, ce nouvel opus sait prendre son temps pour nous hypnotiser, jusqu’à nous rendre accro. Lorsqu’arrive la triplette My ma, Vomit et Just a song, quand les frissons nous parcourent l’échine, alors les signes de se trouver pris dans les filets d’un grand disque sont évidents.

Metronomy – The English Riviera (Because)
En mai dernier, nous qualifions cet album de « taillé pour le printemps ». Sept mois plus tard, force est de constater que la dernière fournée des Anglais a passé l’épreuve du temps avec une classe folle. Sa ribambelle de pop songs à la fois bancales et évidentes— dont une bonne moitié font d’ores et déjà figure de classiques du genre — aura en effet accompagné chaque saison d’une année passée à se balader sous le doux soleil du Devonshire. Difficile de se lasser de cet objet aussi insaisissable qu’élégant, idéal sur les dancefloors comme lové sous la couette, et dont la légèreté (apparente) n’a d’égal que la profonde mélancolie.

Connan Mockasin – Forever dolphin love (Because)
Toux ceux qui ont eu la chance de croiser ce dauphin au printemps dernier en sont tout de suite tombés amoureux. Il nous a parlé de sa passion pour Syd Barrett et le psychédélisme anglais, les voyages immobiles de Robert Wyatt, les drogues récréatives et l’eau salée… On parle souvent du chant des sirènes, beaucoup moins du chant des dauphins. Pourtant, ce n’est pas seulement une affaire de sonar, ça va bien plus loin que ça. C’est de l’amour, et puis énormément de sensibilité. Ça nous dépasse.

Panda Bear – Tomboy (Paw Tracks)
Les Beach Boys en snowboard. Tout l’esprit de la Californie insouciante des années 60, le soleil, l’océan, les filles, mais transposé dans les méandres de notre ère technologique, fragmenté en autant de vignettes numériques squattant votre cortex. La filiation est inévitable, et le plus doué de la fratrie Animal Collective n’a nul besoin de ses camarades de jeu pour démultiplier à l’infini sa voix, couplant ses harmonies vocales avec des boucles insidieuses qui créent une pop ultra moderne. Soyons précis : les Beach Boys sur le même snowboard, en mode freestyle, coincés dans le « half-pipe » sans jamais pouvoir en sortir… Endless winter.

Maceo Plex – Life index (Crosstown Rebels)
Choisir un disque « club » pour résumer 2011 : pas une mince affaire. James Blake ? Très chouette, mais pour se coucher. Justice ? Bof. Birdy Nam Nam ? Et mon cul, c’est du cui-cui ? En 2011, ce qui fait danser les kids qui ont du goût, les filles les plus sexy et les quadras en pleine rechute, c’est la house, jamais disparue, toujours underground. Signe des temps : après avoir subi un bon lifting à Berlin, elle se régénère aujourd’hui à la source, dans les Amériques. Et Maceo Plex a juste sorti l’album parfait, de sueur, de sexe et de stupre.

Tahiti 80 – The Past, the Present and the Possible (Human Sounds/Discograph)
Tahiti 80 ou les éternels cocus de la pop française. Cependant que les Versaillais de Phœnix reçoivent depuis dix ans tous les honneurs et enfilent les récompenses par-delà les frontières via des albums surestimés, nos Rouennais chéris, énormes au Japon, continuent leur petit bonhomme de chemin hexagonal dans l’indifférence générale. Une tendance que n’aura pas réussi à inverser ce cinquième opus, le meilleur à ce jour, riche en tubes (Darlin, Gate 33, Easy), plus électronique (Crack up) que jamais, qui force le respect et les portes de ce bilan.