Bilan Cinéma 2011

Bilan Cinéma 2011

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Black Swan (Etats-Unis – 1h43) de Darren Aronofsky
Longtemps perçu comme un réalisateur atypique et pas bankable, un peu arty (?, Requiem for a Dream) ou drôle à l’insu de son plein gré (The Fountain), Aronofsky a depuis redressé la barre. Via The Wrestler, dans un premier temps, qui racontait le combat de trop d’un catcheur et, en creux, les dégâts de la chirurgie esthétique de Rourke, et Black Swan, cette année, son sommet (provisoire). Si ce petit bijou noir traite le même sujet que The Wrestler, la passion destructrice, il s’accomplit dans sa version psychotique et hystérisée, où le réalisme laisse place au fantastique, outrancier, baroque, dans la lignée des films de Polanski ou De Palma.

Drive (Etats-Unis – 1h40) de Nicolas Winding Refn
Petit ami d’Eva Mendes, fraîchement élu l’homme le plus sexy de la planète, accessoirement leader du groupe pop Dead Man’s Bones, Ryan Gosling aura également marqué l’année en illuminant les trois films dans lesquels il a joué, Blue Valentine, Crazy, Stupid, Love et Drive, qui nous aura scotchés au plus haut point. Véritable choc esthétique et leçon de mise en scène (récompensée à Cannes), Drive dresse aussi le sublime portrait de l’anti-héros contemporain, flottant et fonceur, incertain et sentimental, de Vic Mackey à Jason Bourne, de Jack Bauer à Dom Cobb. Un chef-d’œuvre de plus à mettre l’actif du réalisateur de Valhalla Rising

Hors Satan (France – 1h49) de Bruno Dumont
Le cinéma de Bruno Dumont atteint film après film une forme plus approfondie encore de transfiguration visuelle, cherchant à éliminer le moindre espace de langage superflu, jusqu’à parvenir au dénuement le plus total. A l’instar d’Hadewijch, il se dégage de ce dernier opus une puissance mystique, sans qu’il y ait pourtant la moindre trace de religiosité. Les errements des personnages, dans ce paysage morne du nord de la France, se passent tellement de commentaires que le film en devient quasi-muet, à l’exception de quelques souffles de vent venant rappeler cette désolation. C’est plus que l’essence même de l’être que filme le cinéaste, c’est l’essence du cinéma.

Il était une fois en Anatolie (Turquie/Bosnie – 2h37) de Nuri Bilge Ceylan
Le cinéaste turc signe l’un de ses meilleurs films, troublante ronde de nuit aux confins de l’Anatolie. Mettant en retrait le parti pris très esthétique de ses deux derniers opus, le réalisateur fait preuve d’une grâce visuelle épurée et se joue de la temporalité dans un langage cinématographique particulièrement inspiré. La fluidité du regard, ajoutée à une densité romanesque hors du commun, permet dans cet espace-temps de développer un climat particulièrement chargé, où se mêlent l’humour (voire la bouffonnerie), le tragique, le réalisme, voire le spirituel. La plus belle leçon de cinéma de cette fin d’année.

L’Apollonide (France – 2h02) de Bertrand Bonello
Ses précédents films (Le Pornographe et The Doll is Mine en tête) nous avaient déjà interpellés sur les talents du cinéaste, plutôt bien placé au cœur d’une production hexagonale franchement désolante. L’Apollonide enfonce le clou. Le film orchestre une partition ciselée, où les déclinaisons du thème de la prostitution sont multiples. Au cœur de cette maison close, le désespoir côtoie le raffinement, la morale se frotte au cauchemar. Bonello fait preuve d’une maestria touchant au sublime, sans abandonner le film dans ses décors pourtant somptueux. La fragilité des êtres se dessine avec une élégance rare, sans que le regard ne porte le moindre jugement.

Melancholia (Danemark/Suède/France/Allemagne – 2h10) de Lars von Trier
Malgré les remous qui ont suivi une conférence de presse cannoise plus stupide que méchante, il n’est qu’une chose à retenir : Lars Von Trier est décidemment l’un des plus grands cinéastes de notre époque. Il signe ici une œuvre crépusculaire, qui résonne de manière troublante avec l’époque. Le film est d’ailleurs à décrypter à la lumière d’Antichrist, son opus précédent. Difficile de ne pas voir, dans ce mariage secoué par l’annonce d’une fin du monde, la propre dépression dont souffre le cinéaste, comme l’impossible échappée à toute forme de bonheur. Le symbolisme pictural ne plombe jamais le film, le portant au contraire dans des espaces d’expression rarement foulés.

Pina (Allemagne/France – 1h43) de Wim Wenders
Entre Wim Wenders et Pina Bausch, le désir de réaliser une œuvre commune fomentait depuis de nombreuses années. Mais le cinéaste ne se sentant pas prêt, le temps a filé, jusqu’à la disparition récente de la chorégraphe-danseuse. Alors que Les rêves dansants de Pina Bausch se focalisaient sur les danseurs, Pina est tout entier dédié au personnage, avec un souci esthétique particulier. Une démarche prenant toute son importance dans la version 3D qui, une fois n’est pas coutume, élève remarquablement le travail du réalisateur. Au-delà de l’aspect documentaire, Wenders s’interroge également sur le corps en mouvement au cinéma, jusqu’à l’hommage aux maîtres du genre.

The Artist (France – 1h40) de Michel Hazanavicius
Du Grand Détournement aux OSS 117, en passant par des collaborations avec Les Nuls, Michel Hazanavicius a su creuser son sillon dans la comédie française. L’emballement médiatique sur la Croisette avait de quoi laisser sceptique : en quoi un film muet, noir et blanc de surcroît, pourrait-il s’avérer captivant, ses effets plastiques mis à part ? Une question à laquelle le réalisateur répond avec brio, par une histoire certes entendue (grandeur et déchéance croisées de deux stars), mais qui confirme le talent comique — et physique — de ses acteurs principaux, et, surtout, dans laquelle le silence joue un rôle à part entière, grâce à une écriture habile.

The Tree of Life (Etats-Unis – 2h18) de Terrence Malick
Il est surprenant de constater que les meilleurs films de l’année ont pour beaucoup le même intérêt pour la symbolique, la transfiguration, voire le mysticisme. Le dernier film de Malick opte pour une interrogation assumée de la place de l’homme sur terre. Doublé d’un panthéisme familier dans son œuvre, The Tree of Life se construit en triptyque, dont le meilleur, et le plus important, reste cette tranche de vie d’une famille américaine moyenne dans les 50’s, qui répond aux deux autres et leur donne sens. Si le film a largement divisé, c’est bien parce que le paradigme développé ici ne fait appel qu’à la subjectivité des sens, et à sa propre vision du monde.

Une séparation (Iran – 2h03) d’Asghar Farhadi
Asghar Farhadi n’a pas son pareil pour représenter les (res)sentiments qui habitent ses personnages, et les raisons, plus ou moins rationnelles, qui les poussent à s’entre-déchirer. Le succès surprise du film, à la fois critique et public, tient sans doute au fait qu’il traite d’un sujet universel (une séparation, doublée d’un drame inextricable) avec pudeur, et une grande justesse dans le jeu des acteurs. La caméra se substitue à l’œil du spectateur, qui vit les drames des protagonistes et partage l’incompréhension qui les habite. Une œuvre subtile et poignante, qui ne laisse pas indifférent. Une divine comédie humaine.

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