Bilan Cinéma 2008

Bilan Cinéma 2008

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Un Conte de Noël (France – 2h30) d’Arnaud Despleschin
Dans cette année marquée par les confirmations plus que par les découvertes, la plus enjouée fût sans doute celle de Desplechin, cinéaste le plus doué de sa génération, capable d’embrasser avec une amplitude littéraire des affaires familiales qui, partout ailleurs, nous ennuieraient ferme. Son Conte de Noël est une somme où toute l’œuvre passée semble s’entrechoquer pour former un film à la fois lyrique, burlesque et sensuel. La plus belle proposition de cinéma faite en 2008.

No Country for Old Men (USA – 2h02) de Joel et Ethan Cohen
Qui sait ? Peut-être est-ce parce que nous n’attendions plus rien des Coen que No Country for old men laissa une telle empreinte sur nos esprits critiques encore groggy par les fêtes. Peut-être est-ce aussi car ce polar géométrique et las, porté par le corps fantomatique de Javier Bardem, constitue une lecture moderne du genre. Fini le maniérisme piteux, place à une sécheresse proche de l’épure qui donne à l’ironie des frères un bel et large espace d’expression : l’Ouest, la légende. L’Amérique, en somme.

Entre les murs (France – 2h08) de Laurent Cantet

L’exploit de Cantet est double : succéder à Pialat au palmarès cannois et réussir, en deux heures de corps à corps entre documentaire et fiction, à sortir du carcan social qui plombe tout film français plongé en milieu scolaire. Entre les murs fait le bon choix, celui de l’économie narrative, du huis clos. Comme si l’énergie qui se dégage des élèves suffisait à irriguer le film et à le relancer. Du premier au dernier plan, il reste une impression : celle d’avoir été secoué, comme rarement au cinéma.

Soyez sympas, rembobinez (USA – 1h34) de Michel Gondry
Au-delà de l’indéniable efficacité comique du cinéma de Gondry, Soyez sympas… est une ode, magnifique et touchante, au cinéma dans ce qu’il a de plus humain et onirique. Analogique contre numérique, bricolage contre uniformisation : ici, la dimension éthique, presque politique, du film n’alourdit jamais le récit, qui reste toujours léger et poétique. La fin est tout simplement un grand moment de cinéma : les deux derniers plans resteront parmi les plus belles images vues cette année.

Les 7 jours (Israël – 1h48) de Ronit et Shlomo Elkabetz
Quatre ans après Prendre femme, la fratrie Elkabetz sortait cette année le deuxième volet tant attendu de sa trilogie consacrée à la famille. Se déroulant pendant la semaine de deuil imposée par la tradition juive, qui oblige les proches du défunt à rester cloîtrés, ces 7 jours de promiscuité et de querelles intestines posent cette question : « Comment vivre ensemble ? ». Même après la mort. Et offre un nouvel éclairage à l’excessive et sensuelle Ronit Elkabetz, héritière de la Callas et d’Anna Magnani.

Darjeeling limited (USA – 1h45) de Wes Anderson

Tous les fans de La famille Tennenbaum et de Steve Zissou attendaient le nouveau conte d’Anderson avec force excitation. Soyons honnêtes : si ce cinquième voyage, inspiré du Fleuve de Renoir, est moins surréaliste, barré, drôle et émouvant que La vie aquatique, le cinéaste désabusement décalé fait encore merveille via cette touchante histoire de fratrie contrariée incarnée par trois acteurs — Wilson, Brody et Schwartzmann — au top. Et continue de creuser le même sillon autour de l’absence de la figure paternelle.

Le silence de Lorna (Belgique – 1h45) de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Plus que son apparent réalisme social d’une profonde noirceur, le cinéma des frères Dardenne est une superbe et implacable mécanique du récit. Le silence de Lorna est en cela leur meilleur film : chaque chose est à sa place, rien ne manque, le film va à l’essentiel. Dans un final éblouissant, semblant sortir tout droit des Notes sur le cinématographe de Robert Bresson, le corps-marchandise se mue en corps-résistance dans une fuite désespérée, nous offrant quelques instants de pure magie.

Redacted (USA – 1h30) de Brian de Palma
Avec Redacted, c’est toute une partie du cinéma américain d’action qui verse d’un coup dans le vieillot et l’artifice : la guerre « en cinémascope » n’aura plus lieu, nous l’observerons désormais en numérique et en réseau. L’ère est nouvelle, les images aussi. Pour faire simple, on pourrait avancer l’équation suivante : Guerre + Internet = Redacted — entre l’écran de cinéma et nos propres écrans d’ordinateur, la différence devient mince.

Two Lovers (USA – 1h55) de James Gray
Two Lovers n’a, en apparence, rien à voir avec La Nuit nous appartient. Pourtant, cette histoire d’amour sans flingue, ni couronne, réussit à surprendre en restant fidèle à la forme minérale des œuvres passées. De l’amour des femmes comme de la violence des flics, il ne reste que les détails : signes du désastre à venir et d’une possible renaissance. Et s’il fallait encore une preuve de la grandeur de Gray, elle s’affiche lumineuse, sur le beau visage de Vinessa Shaw ou le sein en liberté, façon Delacroix, de Gwyneth Paltrow.

Juno (USA – 1h40) de Jason Reitman
Habituées le plus souvent aux rôles de freaks du lycée ou de cheerleaders en chaleur, les filles avaient une revanche à prendre sur le teen-movie. Voilà qui est fait avec ce tendre et caustique Juno, autour de la grossesse accidentelle d’une jeune fille de seize ans, déterminée à la mener comme elle l’entend. Porté par la délicieuse Ellen Page, des répliques savoureuses et une bande-son indie impeccable — Anyone else but you des Moldy Peaches —, Juno est un hymne cool à l’adolescence de la marge…