Bilan Arts du geste 2008

Bilan Arts du geste 2008

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Les Etonnistes (Mars à la Friche. Programmation : Marseille Objectif Danse)
Issus de l’écriture, qu’elle soit théâtrale (Pierre Meunier), chorégraphique (Stéphanie Aubin, Pascale Houbin) ou plastique (Christophe Huysman), quatre performers se rejoignent dans une performance visuelle et verbale, confiant leurs premiers « étonnements » esthétiques. En se transmettant via un ingénieux dispositif (chaque spectateur muni d’un casque n’entend pas le même récit que son voisin), l’art se fait expérience personnelle, acte sensible de résistance. Un acte libre, comme une nécessité.

Cie Peeping Tom – Le sous-sol (Avril au Pavillon Noir)
Au Sous-sol, dernière pierre de l’édifice en trois temps et trois lieux imaginé par la compagnie belge, se rêve un univers de mort. De la tourbe déversée sur le plateau du Pavillon Noir, des masses de corps surgissent : des corps vieux, jeunes, difformes… toujours beaux. Et de leurs déplacements se dégage une impression de vivre. Tout est à peine décalé — gestes, attitudes, paroles — et devient donc magique, irréel. De l’émotion pure remonte à la surface de cet outre-tombe somptueux et fascinant.

Martin Zimmermann & Dimitri de Perrot – Gaff Aff (Avril au Merlan)

Sur un plateau aussi tournant qu’une platine vinyle, le chorégraphe-circassien Martin Zimmerman et le compositeur Dimitri de Perrot se confectionnent une belle cour de récréation en carton tour à tour décor, costume, cachette ou mobilier. Vision humoristique et décomplexée des effets de la compétitivité et du capitalisme sur le corps de l’homme, à la croisée du cinéma muet, du music hall, du cirque et des arts plastiques, Gaff Aff crée un dialogue direct entre le corps et la performance musicale.

Cie T.R.A.S.H. – Isa (Juin au Théâtre Nono dans le cadre du Festival de Marseille)
Impossible manipulation mêlant grâce, horreurs et vérité, cette superbe chorégraphie hésite savamment entre expérimental et poème lyrique. Les tableaux proposés, bien délimités dans une sphère tracée d’amour et d’impuissance, orchestrés et chaotiques, s’entremêlent avec une force et une beauté si humaines qu’ils en explosent littéralement. Emportés dans un tourbillon tragique, les danseurs agissent, percutent, racontent, vivent, vibrent jusqu’à ce que la douleur, trop lourde, finisse par les anéantir.

Arnaud Aymard – L’Oiseau bleu (Septembre au Parc de l’Oasis dans le cadre de Petit Art Petit)
L’immonde corbeau Chasla vient d’envahir la Suisse avec son armée de chômeurs, mettant en danger le destin du monde. Accompagné d’un hérisson, l’Oiseau bleu va affronter tous les dangers pour tenter de libérer le pays. Dans une quête de l’idiotie absolue, Arnaud Aymard tisse un univers sans queue ni tête pour sauver l’humanité par le rire, écrivant ses spectacles au fil de ses pensées et des réactions du public. Certains se sauvent en courant. Les autres, pliés en quatre, sont bien obligés de rester.

James Thiérrée – Au revoir parapluie (Juin au Gymnase)

Petit-fils de Charlie Chaplin, à la fois musicien, danseur, comédien, magicien et acrobate, James Thiérrée baigne dans le monde du cirque depuis l’âge de quatre ans. On dit que ses spectacles ne se racontent pas mais se vivent. C’est le cas de ce quatrième opus (Molière du Théâtre en région), où l’on voit de multiples personnages se battre contre des éléments oniriques à un rythme soutenu, le tout rehaussé par les costumes signés Victoria Chaplin. On ressort enchanté de cette émouvante féerie.

Cirque Eloize – Rain, comme une pluie dans tes yeux (Octobre au Toursky)
Associant les arts du cirque au théâtre, à la danse et à la musique, le cirque Eloize nous offre un grand moment de créativité. Sous les yeux ébahis des spectateurs, acrobates en maillots de bains rétro, jongleurs, danseurs charleston et contorsionnistes se succèdent à une cadence effrénée dans un décor où tout est magnifié. Poétique et ludique, léger et empreint de sensualité, ce spectacle qui fait le tour du monde émerveille par son approche contemporaine du cirque. On en ressort trempé de bonheur.

Teatr Licedei – Semianyki (Octobre au Gymnase)
Bienvenue chez les Semianyki ! Gare aux pétards et aux batailles de polochons ! Dans ce Tex Avery tragi-comique, les clowns russes n’hésitent pas à faire rire du pire : l’alcoolisme, la famille nombreuse, le père absent, la mère débordée, les enfants monstres… Grâce à une scénographie « prolo » d’échelle familiale (un immense rocking-chair où l’on vient se rabibocher), le Licedei s’installe chez vous afin de célébrer les retrouvailles de cette famille déjantée et celle de toute la communauté théâtrale.

Cie La Zouze – Domestic Flight (Novembre aux Bernardines dans le cadre de Dansem)
Mesdames, Messieurs, méfiez-vous de l’homme qui prend soin de votre intérieur ! Il n’est peut-être pas celui que vous croyez et pourrait se rebeller contre sa condition d’homme moderne. Avec Domestic Flight, Christophe Haleb célèbre la sensualité et le corps comme opposition politique aux mots qui enferment. Les danseurs, acteurs et circassiens se livrent, en une douzaine de rounds, au tarissement des étiquettes sexuelles, objectales ou sociétales dont souffrent quelques-uns de nos contemporains.

Rachid Ouramdane – Loin… (Novembre au Théâtre d’Arles dans le cadre de Dansem)

De cette danse documentaire ne naît pas une œuvre documentée mais éprouvée. Dans un dispositif dépouillé, les gestes sont déposés, les mouvements rares, denses, conscients. Parlé, entendu, mis à l’écran, l’homme apparaît. Une apparition qui garde ses mystères, car Rachid Ouramdane ne veut pas se dévoiler : paradoxalement, ce n’est pas tant son histoire personnelle que sa pudeur qui est ici donnée à voir. Et de ce sentiment délicat, loin de toute démonstration, naît la virtuosité : celle du cœur.