Somos

Avignon OFF

L’embarras du choix

 

Chaque année se pose la même question : « Qu’allons-nous aller voir cette année dans le Off ? ». D’autant que l’édition 2018 propose quelque 1538 spectacles, et même plus avec les rencontres et autres night shots. De fait, une autre inéluctable interrogation s’impose à nous : « Quels critères utiliser pour faire un bon choix ? ». Entre vitrines à peine déguisées de grands théâtres, lobbies de maisons de productions, bouche-à-oreille, coups de cœur trompeurs et articles en publireportage, comment s’y retrouver ?

 

Dès qu’arrive le mois de juin, vous guettez le facteur en espérant trouver dans votre boîte aux lettres le programme du Off. Mais vous avez compris depuis quelques années déjà que la canicule et les cigales arriveront bien avant le fameux graal qui vous ouvrira les portes du grand festival théâtral. Alors vous visitez régulièrement le site d’Avignon Festival et Compagnies pour n’y trouver que la mention « La programmation arrive bientôt ! ». Vous vous demandez chaque année pourquoi il n’arrive que fin juin, privant compagnies, journalistes et public d’une visibilité qui permettrait à chacun de s’organiser en amont. Mais bon, il vous reste Facebook où vous pouvez consulter les avant-programmes des lieux repérés comme le In du Off : la Manufacture, les Halles, le Théâtre des Doms, le 11 • Gilgamesh Belleville, l’Entrepôt, Artéphile, les Hivernales… et vous finissez par trouver la liste bien longue pour la garder comme seul critère. Vous cochez au passage trois spectacles au Théâtre des Doms même si tout a l’air comme d’habitude bien alléchant. Depuis la prise de direction d’Alain Confino Gomez, le texte y tient une place particulière. Cette année, il a choisi l’incontournable texte de Marguerite Duras La Musica deuxième, l’occasion de voir sur les planches Yoann Blanc, le héros de la série belge La Trêve qui vous a fait vibrer sur France 2, se confronter à Catherine Salée, l’une des actrices chéries des frères Dardenne et Joachim Lafosse. Mais aussi la jeune auteure Louise Emö, qui va faire beaucoup parler d’elle. Son écriture singulière, rythmique et surréaliste explose dans Mal de crâne de son collectif La PAC (LaParoleAuCentre), qui donne à voir le chassé-croisé improbable de deux mythes, Eminem et Hamlet. Collectif toujours avec le dynamique GROUP Nabla qui questionne la notion abstraite du bonheur dans J’abandonne une partie de moi que j’adapte (Théâtre national de Wallonie-Bruxelles).

Vous vous demandez dès lors si les Doms sont les seuls à présenter le meilleur de la scène belge et découvrez en même temps la disparition de l’Eldoradome au Collège de la Salle et la naissance du nouveau lieu made in Belgium, le Théâtre EpiScène (ex Ninon Théâtre). Avec eux, vous irez faire un tour au Bord de mer. Vous y retrouverez Magali Pinglaut, remarquée chez Fabrice Murgia (Notre peur de naître) dans cette adaptation du roman de Véronique Olmi mise en scène par Michel Kacenelenbogen. D’outre-Quiévrain toujours, le brillant chorégraphe Thierry Smits questionnera quant à lui, à la patinoire de la Manufacture, la masculinité en tant que construction sociale et in fine la féminité avec Anima Ardens.

Vous vous dites que chaque pays doit avoir son lieu-vitrine et vous intéressez alors à la sélection suisse. À l’affiche cette année, Christian Lutz, le photographe qui aime montrer du monde ce qui ne s’affiche pas. Il sera à la Collection Lambert avec Anatomies du pouvoir, une exposition à l’occasion des Rencontres d’Arles. Et avec la danseuse complice de Romeo Castellucci Cindy Van Acker pour son solo Knusa / Insert Coins (avec les Hivernales).

Les régions de France offrent elles aussi leurs productions en tête de gondole à Avignon. Le Grand Est, qui s’avère souvent un bon vivier créatif, sera là avec onze compagnies professionnelles. Plus au Sud, l’Occitanie fait son cirque, festival dans le festival installé sur l’Île Piot. Vous ne résisterez pas à la tentation de revoir le très beau Somos de la compagnie Nucleo, du cirque danse malicieux en langues des signes. Tentez aussi la fable immorale Deixe-me de Subliminati Corporation. En cherchant où voir encore plus de cirque, vous traverserez le pont et irez explorer le programme de Villeneuve en Scène. Tout y est bon, on s’arrêtera particulièrement sur une curiosité, Khoroto +, dans le premier camion théâtre du Maghreb, où la Compagnie SPT donne à voir le portrait fictionnel d’une fraction de la société marocaine d’aujourd’hui. Pour en avoir une vision dansée, vous serez retourné à la Manufacture retrouver Taoufiq Izeddiou, le dynamique directeur artistique du Festival On Marche de Marrakech. Avec Délire parfait, le troisième volet de sa trilogie commencée avec Aleef et En alerte, il poursuivra sa quête spirituelle, accompagné du musicien Mathieu Gaborit.

À voyager ainsi, vous serez peut-être atteint de Jetlag. Allez donc le comparer avec celui de Sicaire Durieux, Loïc Faure et Sandrine Heyraud au Théâtre des Lucioles. Irrésistible et poétique !

Dans la série « les théâtres parisiens se décentralisent à Avignon le temps du festival », on ira piocher quelques jolis spectacles qui se rodent du côté du Théâtre des Béliers. Notamment la belle prestation de Robin Causse, un des protagonistes déjantés de L’Ubu d’Olivier Martin-Salvan. Il joue tour à tour tous les personnages du poignant Quand j’avais cinq ans je m’ai tué d’Howard Buten, en gémellité corporelle avec un jeune danseur. Un Deschiens confirmé s’y produira aussi, Olivier Roche. Dans Penser qu’on ne pense à rien c’est déjà penser quelque chose de Pierre Bénézit, Paulbert et Gérald écrivent et vendent des conversations originales puisque tout a déjà été dit !

Si vous érigez la nouveauté comme critère de votre choix, des lieux sont à découvrir cette année : la Factory, la Salle Tomasi, l’Hôtel d’Europe, Humanum 149…

Et si, fatigués de tous ces calculs pour trouver Le bon spectacle, vous décidez d’aller en voir un dernier, on ne saurait trop vous conseiller Petit cheval hors du temps enfui au Théâtre Le Cabestan. Un seul en scène mathématique et poétique signé Émilie Hamm et co-écrit avec Erwan Rodary qui vous éclairera sur les fractales du cosmos et les trous noirs de la vie que l’on préfère ne pas voir.

Bref, si l’on peut vous donner un conseil dans votre chasse au trésor théâtrale du Off, sachez que nous n’en avons pas ! Car ici, la subjectivité, le hasard et la chance sont rois.

Le spectacle est vivant et même si à Avignon il est marchand, laissez-vous guider par le plaisir…

 

Marie Anezin

 

Avignon Off : du 6 au 29/07 à Avignon.
Rens. : 04 90 85 13 08 / www.avignonleoff.com

 

  • Mal de crâne par la PACet J’abandonne une partie de moi que j’adapte par le Théâtre National Wallonie-Bruxelles :
    du 6 au 27/07 au Théâtre des Doms (1B Rue des Escaliers Sainte-Anne).
    Rens. : 04 90 14 07 99 / www.lesdoms.eu

  • Bord de mer par le Théâtre Le Public :
    du 6 au 29/07 au Théâtre EpiScène  (5 rue Ninon Vallin).
    Rens. : 04 90 01 90 54 / www.episcene.be

  • Anima Ardens par la Cie Thor :
    du 6 au 15/07 à la Manufacture (2 bis, rue des Écoles).
    Rens. : 04 90 85 12 71 / https://lamanufacture.org

    Somos par la Cie Nucleo et Deixe-me par Subliminati Corporation (L’Occitanie fait son cirque) :
    du 9 au 21/07 sur l’Île Piot (22 chemin de l’île Piot).
    Rens. : 04 90 83 66 09 / polecirqueverrerie.com/Avignon

  • Khoroto + par la Cie SPT :
    du 10 au 22/07 à la Plaine de l’Abbaye.
    Rens. : 04 32 75 15 95 / http://spectaclepourtous.ma/khoroto-plus/

    Délire parfait de Taoufiq Izeddiou :
    du 8 au 15/07 à La Manufacture (2 bis, rue des Écoles).
    Rens. : 04 90 85 12 71 / https://lamanufacture.org/

  • Jetlag par la Cie Chaliwaté :
    du 6 au 29/07 au Théâtre des Lucioles (10, rempart Saint Lazare).
    Rens : 04 90 14 05 51 / www.theatre-des-lucioles.net/

  • Quand j’avais 5 ans je m’ai tué d’Howard Butenet Penser qu’on ne pense à rien c’est déjà penser quelque chose de Pierre Bénézit :
    du 6 au 29/07 au Théâtre des Béliers (53, rue du Portail Magnanen).
    Rens. : 04 90 82 21 07 / http://theatredesbeliers.com/

    Petit cheval hors du temps enfui d’Émilie Hamm et Erwan Rodary :
    du 5 au 29/07 au Théâtre Le Cabestan (11, rue du Collège de la Croix).
    Rens. : 04 90 86 11 74 / http://lecabestan.canalblog.com/