Avec la langue, c’est mieux

Avec du retard sur leurs homologues européens, le 28 janvier dernier, les députés français ont majoritairement voté en faveur de la ratification de la Charte européenne des langues régionales. Il s’agit là d’une première étape, car une modification de la Constitution (qui reconnaît actuellement le français comme l’unique langue de la République) est aussi nécessaire afin de valider le texte en faveur des langues qui colorent la France. Evidemment, l’entreprise est surtout symbolique, d’autant que beaucoup n’ont pas attendu une pseudo reconnaissance étatique pour les faire vivre et les enseigner dans les écoles bilingues… Ces langues se meurent. Et avec elles, le multiculturalisme d’un pays qui les a de tout temps reniées, les reléguant au rang de « patois », de baragouinages, allant jusqu’à condamner et punir leurs locuteurs dans les salles de classe. Il y a à peine plus de cinquante ans, les élèves se voyaient affublés d’un sabot autour du cou lorsqu’ils utilisaient leur langue maternelle… La France, ce cher pays schizophrène, composé de peuples très différents mais soucieux d’uniformiser pour mieux régner. Engendrant la peur de l’éclatement du pays. Allant jusqu’à nier l’identité de ses peuples. Une langue n’est pas qu’une traduction sur un panneau ou un bête quota. Loin du simple outil de communication économiquement rentable, elle représente à elle seule toute une culture, avec ses richesses et ses particularismes, forgeant ainsi notre rapport à l’altérité. Il est donc malheureusement encore nécessaire de briser le tabou. Et cela passe par le dialogue. A Marseille, il semble occulté par les sphères culturelles : 2013 aura soufflé les bougies d’un révisionnisme orchestré. Les racines provençales et occitanes (la culture méditerranéenne, quoi) de Marseille ne font même pas partie des colonnes critiques des papiers recensant les grands oubliés de la « fête »… Certes, ce n’est pas nouveau, il y a « culture » et « culture ». Mais comment envisager de dialoguer d’égal à égal avec le monde lorsqu’on ne prend pas conscience de sa propre identité ? L’ironie n’en est que plus savoureuse lorsque l’on sait que jusqu’à la fin du XVIIIe, le français était encore enseigné ici en tant que langue étrangère… Et pourtant, vouloir délier les langues de France est loin d’être un seul devoir d’histoire, mais l’une des plus belles façons d’embrasser le futur.

Jordan Saïsset