Ausgang, le nouveau projet de Casey

Gang Reine

 

MC fantastique du rap des enfants déracinés et de toutes les minorités, Casey revient avec Ausgang, son dernier projet en quatuor : les riffs de Mars Sens, les machines de Manusound et les drums de Sonny Troupé épicent les punchlines coupantes de la « crapule ». Gangrène, sorti le 6 mars, nécrose nos tympans avec férocité, dans une souffrance exquise !

 

Avec ses albums Tragédie d’une trajectoire en 2006 puis Libérez la bête quatre ans plus tard, la « créature ratée » originaire de « cette toute petite partie du globe » qu’est la Martinique, célèbre ses racines, pose et transpose des rimes sur sa vie et ses ancêtres. Remarquable rappeuse, elle collabore avec des dizaines d’artistes et collectifs depuis plus de vingt ans. Un chemin semé de scènes et d’embûches. Le résultat : brillant, toujours au rendez-vous. Casey, c’est l’asociale du club qui refuse promptement qu’on la dise pionnière.

À l’origine du projet il y a trois ans, une simple envie de rejouer ensemble : la fusion déjà existante, Ausgang éclot : un mélange de rap et de rock, sans carcans, où la musique prime : « J’ai pas d’étiquette clinquante à donner, ni un truc marketing qui claquerait à l’oreille. » Celle qui constate souvent devoir fournir des justifications d’ordre politique, sexuel, racial ou religieux assume pleinement sa posture ; Casey persiste dans une ligne en marge, sanglante. Gangrène, c’est aussi le nom d’un des titres de l’opus. « Ce morceau, c’est quelqu’un qui est en train de devenir dingue et pour stopper ses souffrances, il va attendre que ça s’arrête : pour soigner, faut couper, c’est ça la gangrène. »

Dans le fabuleux recueil, l’artiste glisse dans la peau d’un tas de personnages. Les messages sont forts, déterminants, subtils et puissants. Chuck Berry, au clip survoltant, en est une excellente preuve. « Oui, c’est mon peuple qui portait les chaînes ». Les rimes scintillent, l’ascension rythmique prend le dessus. La souffrance est prégnante. Dans le morceau Crapule et la réalisation ironique de son clip par Anis Rhali, Casey choisit sa place sur un plateau de Monopoly : « C’est un jeu pour l’apprentissage du capitalisme dans ce qu’il a de plus sale ; si je devais me poser, je pense que la case prison serait la plus reposante ! »

Fidèle à ses textes, elle dénonce toutes les formes de discriminations et tacle le milieu de la musique. Elle ne s’affilie pas au rap d’aujourd’hui, question de génération : « Le rap actuel, il a la gueule que l’industrie veut bien lui donner. C’est très bien que des rappeurs aient pu s’embourgeoiser, je trouve ça un peu colonial de vouloir que ce soit toujours les mêmes qui bouffent à la gamelle. Il y a toute une machinerie derrière qui est là pour mettre en avant ce qu’elle décide : ce qui serait intéressant de savoir, c’est pourquoi ce rap-là est plus confortable à leurs oreilles ou à leurs portefeuilles ! » Les dés sont jetés.

Parallèlement à Ausgang, Casey brûle les planches aux côtés de Virginie Despentes et Béatrice Dalle dans Viril, pièce de lectures musicales mise en scène par David Bobée. À venir ? Elle annonce la sortie prochaine d’un album solo. Pas de date officielle, mais c’est dans les tuyaux. La rage la fait vivre !

 

Zac Maza