Lipstrike de Chloé Desmoineaux

Annulation du festival Digital Dérives

Game over

 

Digital Dérives n’aura pas lieu. Motif : la crise sanitaire. C’est ce qu’annonçait la préfecture il y a quelques jours, à moins d’une semaine de l’ouverture du festival. C’est donc avec une certaine tristesse que la manifestation rejoint la longue liste des événements annulés.

 

« Nous sommes vraiment désolés de devoir tout annuler comme ça, à la dernière seconde, déplore Paul Destieu du Lab Gamerz. Nous avons une grosse pensée pour tous les participants qui s’étaient beaucoup impliqués, bénévoles, artistes et partenaires. Nous espérons les retrouver très vite dans un climat plus favorable. »

Chaque année, le festival organisé par M2F Création / Lab Gamerz — cette année co-produit par Anonymal — questionne le digital et les technologies par le prisme de l’art. L’occasion de montrer le travail d’artistes qui utilisent ces technologies pour mieux les mettre en perspective, en saisir les enjeux esthétiques et politiques. Pour le public, c’est un temps fort de rencontre et la possibilité, toujours, de mettre la main à la pâte. La pierre angulaire du festival ? Le jeu vidéo : une porte d’entrée privilégiée dans le monde du digital.

Pour s’adapter au contexte, les organisateurs avaient décidé de réduire la manifestation au strict minimum : un seul lieu, seulement trois jours, avec les restrictions en vigueur à l’heure actuelle, distanciation et couvre-feu. Ce ne serait pas tout à fait Gamerz, mais ce ne serait « pas tout à fait rien non plus ». L’édition porterait le nom de Digital Dérives, juste de quoi marquer une différence avec les autres années tout en disant l’essentiel. Mais non, même dans son plus simple appareil, le festival n’aura pas lieu cette année et c’est triste.

Avec cette idée de dérive, les organisateurs visaient pourtant juste. C’est précisément de cela qu’on manque : privés de tout que nous sommes, il nous faudrait dériver — dans le bon sens du terme, dans le sens situationniste. Pour le sociologue Guy Debord (1931-1994), l’un des pères de ce qu’on appelle « dérive urbaine » ou « dérive situationniste », il s’agissait de sortir du carcan de nos habitudes en termes de déplacements urbains et de se libérer pour un temps de la dualité travail/loisir. La méthode ? Sortir et se laisser happer par la ville, éventuellement s’y perdre, en somme dériver.

En attendant des temps plus cléments, c’est seuls que nous devrons nous adonner à la dérive digitale. Pour nous y aider, le programme du festival est encore visible et fourmille de pistes à suivre. On y retrouvera nombre d’artistes qui justement réinventent nos pratiques technologiques.

Pour n’en citer que deux, nommons le collectif Roberte Larousse qui, avec Wikifémia, révise le très usité Wikipédia en l’accordant au féminin pour un résultat un peu « dégenrant », et Chloé Desmoinaux, qui devait cette année réactiver une performance de 2016, Lipstrike, où elle joue à Counter Strike avec un rouge-à-lèvre-manette de sa fabrication. Ce dispositif lui permet de jouer en se maquillant, détournant ainsi les codes du FPS (First Person Shooter) tout en faisant écho à l’affaire du GamerGate, qui avait soulevé la question du sexisme dans le monde du jeu vidéo.

 

Frédéric Vaysse

 

Digital Dérives devait avoir lieu du 29 au 31/10 Patio du Bois de l’Aune (Aix-en-Provence).

Rens. : http://www.digital-derives.com/