Andrea Chénier à l’Opéra de Marseille

Andrea Chénier à l’Opéra de Marseille

Froideur de lame

L’Opéra de Marseille donne en ce moment le Andrea Chénier d’Umberto Giordano. Une soirée divertissante qui nous laisse malheureusement assez loin de la terre promise et du paradis.

Andrea-Chenier.jpgUn sujet tel que Chénier (un poète !), un tel contexte (la Révolution !), un compositeur italien (Giordano)… : tout semblait promettre un moment de passion prompt à chavirer les cœurs et ravir les âmes. L’œuvre en elle-même est assez proche de la réalité historique, comme c’est souvent le cas avec le librettiste Luigi Illica. Elle s’ouvre le 26 Juin 1789, dans les salons de la comtesse de Coigny par une scène de fête au cours de laquelle s’installent les éléments historiques en même temps que se révèlent les trois personnages principaux : Charles Gérard, alors domestique (ce soir-là démissionnaire) de la comtesse, Andrea Chénier, qui est l’un des invités, et Irène, fille de la comtesse, qui deviendra enjeu entre les deux hommes jusqu’à l’issue, fatale pour elle-même et Chénier. Dans la réalité, Chénier a été guillotiné pour ses écrits hostiles envers Robespierre et la jeune femme qui lui a inspiré le poème A une jeune captive ne l’a pas accompagné sur l’échafaud, elle a même échappé à la mort suite à l’exécution de Robespierre, qui intervint deux jours après celle de Chénier. Finalement, le personnage le plus intéressant est celui de Gérard, qui a une incidence directe sur l’évolution de la situation, là où Chénier s’en remet à son destin. C’est aussi Gérard qui est la proie des tourments de l’âme. Il est tiraillé entre des sentiments contraires, l’amour, la jalousie et la tentation de vilenie et de vengeance qu’elle génère, son désir d’embellir son âme de nobles attitudes : son envie d’être libre au premier acte, son désir de couvrir Chénier suite au duel entre les deux hommes, l’aveu qu’il fait devant le tribunal où il revient en vain sur ses accusations mensongères. L’agitation de son âme, la palette et les nuances de sentiments par lesquels il passe sont traduites excellemment par la voix de Marco Di Felice et par la finesse de son jeu. C’est d’ailleurs lui qui touchera le plus le public, bouleversant un peu le crescendo convenu des applaudissements au moment des saluts. Hélas, ce fut insuffisant pour sauver Andrea Chénier.

Frédéric Marty

Andrea Chénier : jusqu’au 5/10 à l’Opéra de Marseille (2 rue Molière, 1er). Rens. 04 91 55 11 10 / www.opera-marseille.fr