San Remigio de William Guidarini

Amorces #4 à la Librairie Maupetit, Côté Galerie

Émules et images

 

La librairie Maupetit Côté Galerie livre une exposition plutôt profonde et presque secrète, Amorce #4. Flore Gaulmier a choisi quatre photographes pour cette quatrième édition : William Guidarini, Damien Guillaume, Camille Mauplot et Laurent Reyes, dont les œuvres sont à découvrir jusqu’au 18 février.

 

 

Parfois, l’occasion de déambuler à la recherche d’un nouveau livre, perdu parmi les rayons et leurs titres, laisse le temps filer pour avoir le plaisir de se décider, de douter et de choisir parmi les piles d’ouvrages sur les étagères. On ralentit le pas. À l’étage, l’exposition commence.

Les jeux d’ombre de William Guidarini y rencontrent les jeux de lumière de Camille Mauplot. On distingue des paysages, quelques visages parmi les ombres et le grain des photographies.

Les argentiques nous dévoilent plus que ce que l’on voit, on se pose pour comprendre. Les flous et les couleurs : ce sont des moments qui passent si vite mais qui reviennent si fort dans les souvenirs, à tel point qu’ils sont venus hanter quelques photos dans la série Tes Fantômes de Camille Mauplot. Les paysages étouffés, arrachés de leur naïve netteté pour se distordre dans les coulées de noir et blanc chantent en nous comme une mélodie qui appartient au passé, comme une sonate de Vinteuil visuelle. On reconnaît des palmiers, une rambarde et peut-être au loin la mer ; mais on se reconnaît aussi, presque assis là, à San Remigio, à contempler sans pour autant y avoir été. Puis vient le mouvement : Camille Mauplot joue avec la lecture de ses œuvres pour créer une scénographie cinématique autour d’elles. Que nous raconte cette mâchoire qui baigne dans une atmosphère d’or ? Est-ce une personne qui s’interroge sur son sort, qui se blâme ou s’encourage ? Les Variations en photos autour de ce personnage créent un dialogue interne et réduit à une mâchoire : on se demande de qui il s’agit.

Ce quatrième volet d’Amorce maintient le lien entre la photographie et le soi, ce qui, dans l’image, crée une ouverture à l’intimité et nous invite à se remémorer certaines de nos phases du passé.

Comme un support pour la mémoire, on retrouve des portraits, pensifs, en mouvement, presque pressés. Ce sont des hommes qui se laissent parler, qui dans l’intimité laissent la capture d’un instant saisir les fragments qu’ils ont accumulés, leurs tracas ou volontés, leurs rêves ou soucis, lovés dans des atmosphères colorées. C’est ainsi que s’interroge Damien Guillaume sur la solitude, ou comment capter dans des moments fugitifs la nature humaine, les doutes et la vie. Entre ses photographies et celui qui les regarde, le dialogue s’installe après quelques pas. L’intimité des photographies montrées et l’atmosphère qu’elles dégagent nous plongent dans l’introspection ; et l’intimité devient nôtre. La force visuelle de ses photos, c’est de capturer, dans ses paysages et portraits en mouvement, des moments existentiels. Chaque élément enfoui dans les ombres est une question à se poser.

L’exposition mêle au romantisme des sujets qu’elle révoque, le concret des ressentis qui donne à la vie ce petit grain d’imprévu. Et au loin, la mer et son ciel de cendre.

 

Mohamed Boussena

 

Amorces #4 : jusqu’au 18/02 à la Librairie Maupetit, Côté Galerie (142 La Canebière, 1er).

Rens. : www.maupetitlibraire.fr