Quentin Destieu - Master/Slave

Arts multimédia. Dans le cadre de Chroniques - Biennale des imaginaires numériques

Les structures Diffusing Digital Art, OTTO-Prod et M2F Créations | Lab GAMERZ se mobilisent pour inviter Quentin Destieu – co-fondateur du festival GAMERZ et artiste-doctorant – à investir la Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine.

L’exposition master/slave rassemblera pour la première fois à Marseille, un corpus d’œuvres réalisées au cours de ces dix dernières années.

« Rien ne discrédite aujourd’hui plus promptement un homme que d’être soupçonné de critiquer les machines », écrivait Günther Anders dans L’Obsolescence de l’homme en 1956. Malgré les avancées positives suscitées par l’apparition des technologies numériques, nous voyons apparaître désormais différents symptômes représentatifs d’une société en crise dans laquelle ces technologies sont devenues incontournables et omniprésentes, entraînant à l’échelle mondiale de profonds bouleversements politiques, sociaux, économiques, écologiques et artistiques. Face aux pensées techno-positives qui animent les scènes politiques, industrielles et financières depuis plusieurs décennies autour des notions obsolètes de progrès et d’innovation, s’organisent des réflexions de la part d’une contre-culture où artisans, artistes et intellectuels dénoncent une forme de « dystopie orwellienne »1 actuelle dans laquelle l’individu perd peu à peu sa liberté et son autonomie au profit des machines et de l’élite qui les fabrique.

Cette vision critique d’une société d’ « hyper-contrôle », dont les objectifs principaux seraient le profit économique et le contrôle de l’individu, est à l’origine de nouvelles fabriques numériques qui défendent des utopies alternatives et égalitaires dans lesquelles elles proposent à l’humanité de renverser ce rapport de domination par son droit à une certaine ‘souveraineté technologique’ : intelligence collective, accès au savoir-faire commun, Do It Yourself. Quentin Destieu est de ces artistes qui, au-delà d’utiliser les technologies numériques comme matériaux de création, les utilisent comme supports de réflexion. Par son exposition éminemment politique « master/slave », dont le titre reprend une terminologie de programmation informatique aujourd’hui controversée2, il mêle avec humour actes psycho-magiques et détournement de technologies dites ‘numériques’ comme armes de subversion aux tendances techno-libérales dominantes : une reconquête personnelle, empreinte de liberté, des techniques et ressources face une forme de matérialisme exacerbé détrônant la philosophie humaniste.

 

œuvres présentées : Maraboutage 3D, Quentin Destieu – Installation, 2017
Refonte, Quentin Destieu – Techniques mixtes, 2014 – 2015
A coeur ouvert, Quentin Destieu – Installation, 2013
Gold revolution, Quentin Destieu – Installation, 2015
Opération Pièces Jaunes, Quentin Destieu, Sylvain Huguet Mon ordinateur commence à fumer, Quentin Destieu, Sylvain Huguet – Installation, 2012
Volks Zahnbürste La brosse à dents qui chante l’internationale, Quentin Destieu – Installation, 2016
Machine 2 Fish, Quentin Destieu, Sylvain Huguet – Exosquelette pour poisson rouge, 2016.
Planète de singes, Quentin Destieu, Sérigraphie et vidéo, 2010.

En savoir plus Site d’ Art-cade Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine

Cette exposition monographique s’inscrit dans le cadre du Festival GAMERZ,festival associé.


Art-cade Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine
Mar-sam 15h-19h + sur RDV au 04 91 47 87 92
Entrée libre
www.festival-gamerz.com
35 bis rue de la Bibliothèque
13001 Marseille
04 91 47 87 92

Article paru le mercredi 31 octobre 2018 dans Ventilo n° 417

Festival Gamerz

Robot sapiens

 

Entre Aix et Marseille, le festival Gamerz propose, pour sa quatorzième édition, un voyage créatif et consciencieux dans les arts numériques.

  La technologie, nous l’utilisons quasiment tous, comme un élément devenu indispensable à notre confort, sans se soucier de la place qu’elle prend dans nos vies. Le festival Gamerz joue intelligemment de cet état de fait depuis 2003, date de sa fondation par l’association aixoise M2F Créations/Lab Gamerz. Jouant sur la transdisciplinarité, le festival convie des artistes qui font appel à des outils numériques pour mieux s’en emparer et les détourner. Habile choix que celui de changer de rôle à une ère où nous sommes noyés, voire soumis à tout ce que la technologie a à nous offrir. Par-delà le côté artistique et « geekement » audacieux, l’enjeu est ici de marquer une pause dans notre monde hyperconnecté afin de prendre du recul face à cette situation. Une sorte d’autocritique qui nous confronte aux différentes problématiques émergeant de ce phénomène, tout en gardant une certaine légèreté à travers l’autodérision. Cette année, le festival se concentrera sur la notion de « Digitale défiance ». Pour l’artiste Paul Destieu, l’un des fondateurs de la manifestation, il s’agit d’une « mise en lumière sur l’hégémonie drivée par les rhétoriques de l’évolution et du progrès. » La technologie serait mise en avant car très rentable, entraînant chez ses utilisateurs (et les autres) une perte de contrôle de ses outils ainsi qu’un déséquilibre socio-technologique. En partenariat avec la Biennale Chroniques, Gamerz aura lieu simultanément dans quatre lieux différents : la Fondation Vasarely, l’École supérieure d’Art d’Aix, la Bibliothèque et la Galerie des Grands Bains Douches à Marseille. L’entrée se veut libre et gratuite afin de rendre le festival accessible à tous. Elle est ouverte à l’international via une sélection artistique exigeante, se déclinant en expositions, conférences, performances, ateliers participatifs et masterclasses, pour porter un regard critique sur notre société « d’hyper contrôle » orchestrée par et pour le profit économique. Parmi les artistes, on retrouvera Julien Clauss, Caroline Delieutraz, ErikM, Géraud Soulhiol et Quentin Destieu. Tous proposent un point de vue différent face aux enjeux grandissants du numérique et présenteront des œuvres aussi atypiques que dénonciatrices qui nous renverront à notre propre reflet. Fruit d’une collaboration entre des chimistes, des musiciens, des inventeurs, des artistes, des agriculteurs et des chercheurs, la surprenante exposition-performance Alambic sonore à l’École supérieure d’Art d’Aix donne forme à ce qui ne se touche pas. Les odeurs, les ondes, les mouvements, la chaleur, les nuances s’incarnent à travers l’imaginaire et le son grâce à cette distillation clandestine qui allie chimie, art et savoir-faire. Entrant elle aussi dans le champ des problématiques soulevées par le festival, il faudra regarder au-delà de la performance pour y puiser sa source de réflexion. Paul Destieu nous rappelle alors qu’il est important d’avoir recours à des alternatives face au système actuel fermé et verrouillant : le recyclage de matériaux déjà existants, l’utilisation d’open sources, le réinvestissement du temps à une époque où tout va trop vite… Le but étant de nous réapproprier l’autonomie qu’il nous manque et nous distinguer des machines via de nouvelles fabriques numériques qui défendent des utopies alternatives et égalitaires. « Rien ne discrédite aujourd’hui plus promptement un homme que d’être soupçonné de critiquer les machines », écrivait Günther Anders dans L’Obsolescence de l’homme en 1956. Un constat réaliste, mais qu’il est encore possible de renverser en restant alerte au quotidien et à l’écoute de ce que l’art a à nous dire là-dessus. Le festival Gamerz relève ainsi le pari d’ouvrir des fenêtres de liberté dans une dynamique de réflexion, de partage et de discussions où l’intelligence collective sera mise en lumière.  

Saïda Boulkaddid

 

Festival Gamerz : du 8/11 au 15/12 à Aix-en-Provence et Marseille.

Rens. : 04 88 05 05 67 / www.festival-gamerz.com

Le programme complet du Festival Gamerz ici