«ECRAN TOTAL» 2023
À force d’être reproduit, le rituel s’imprime dans la mémoire collective en une seule et même résurgence vaporeuse,
à l’image d’une photo affadie par une exposition répétée à la lumière. Noël, le sport, la transmission du geste ou la
saisonnalité sont autant de cycles qui inspirent Barbara Penhouët. La recherche mémorielle est dans ses toiles omni-
présentes, évoquant un passé lointain qui se confond avec le présent telle une mythologie moderne. Le soleil est un
élément essentiel de cette quête de mémoire, offrant des moments d’éblouissement qui constituent autant de points
d’ancrage pour l’imagination qui se mêle aux souvenirs.
La vision prosaïque d’un sapin de noël au milieu de poubelles, dépouillé de ses atours, permet l’ouverture de pistes de
réflexion autour du rituel des fêtes de fin d’année. Que reste-t-il après l’orgie ? Un arrière-goût de citrate de bétaïne ?
Les restes d’un consumérisme cyclique ?
Barbara Penhouët suggère plus qu’elle ne représente, dépeignant sur ses toiles des réminiscences comme celles des
corps sur la plage, leurs peaux frappées par le soleil desquelles émane l’odeur d’écran total et de fumée. Qu’elle soit
représentée par un simple trait blanc ou suggérée uniquement par la gestuelle des mains, la cigarete est devenue un
accessoire de la mythologie moderne. Elle est une source de chaleur toxique à forte exposition – tout comme l’astre
brûlant - se rapprochant inévitablement des lèvres. L’artiste figure une quête incessante propre à l’homme, celle de
vouloir s’élever toujours plus haut vers le soleil au point de se brûler à l’instar d’Icare en recherche de liberté.
Cette liberté, l’artiste l’évoque aussi par le motif de l’oiseau, dont l’esthétique des toiles ne laisse pas entrevoir la
cruauté du sort. Certains sont collés à des branches afin de servir d’appât lors de chasses à la glu, pratique jugée
cruelle et illégale en France depuis 2020. D’autres sont enfermés dans une cage formée par la réserve de la toile, une
empreinte négative sans matérialité, image d’une construction sociale absurde.
Hugo Spini, 2023
Barbara Penhouët
Vit et travaille entre Marseille et Paris.
Diplômée de l’école supérieure d’architecture de Bretagne, Barbara Penhouët utilise la peinture dans une perspective
figurative et narrative, attachée à la manière dont les gestes, les corps et les objets du quotidien construisent une poé-
sie collective.
Sur sa toile, la peintre traite de manière similaire les sujets, corps ou objets, et l’environnement, arrachant subtilement
l’image à tout réalisme. Entre effacement, dilution et superposition, la peinture à l’huile devient matière brumeuse. Au
cœur, bien souvent, le corps se fait élément générique structurant. Il s’offre à l’interprétation, tour à tour sujet pensant
dont la toile serait la projection, ou sujet passif face à un regard extérieur induit par la composition. Lieu d’identifica-
tion ou de ritualisation, l’objet parfois remplace ces corps au centre, tel que dans sa série Les lendemains qui chantent
(2023), concentrant des moments de vies, souvenir de joies ou de mélancolies partagées.
Barbara Penhoüet a exposé en France comme à l’étranger, et bénéficier de plusieurs expositions personnelles et col-
lectives dont dernièrement : Breathless, group show Myriam Chair Galerie, Paris, 2023; Rayon vert, solo show, Galerie
Laure Roynette, Paris, 2022 ; Momentum, solo show, La Fabrique, Ivry-sur-Seine, 2020 ; Studio, group show, Berlin,
2019 ; Peau de Silence, solo show, coGalleries, Berlin, 2018 ; Proximity survey, group show, Reykjavik, Iceland. Elle a été
lauréate de la SIM Residency à Reykjavik, Islande, en 2018.