Plasticocène

Expo collective sur les pollutions plastiques proposée par le Collectif Polymer

Plusieurs artistes contemporains s’emparent de la problématique de la pollution plastique, omniprésente dans tout le cycle de l’eau, pour imaginer cette exposition collective dont la matière première n’est autre que des déchets sauvages collectés. Chaque création devient alors le symbole d’une régénération de notre planète et un acte de préservation concret qui relaye le plastique au rang de matière du passé. 

En collectant des déchets sauvages avec l’aide de l’association MerTerre et en les proposant comme matières premières aux artistes, l’association Polymer espère inventer des futurs enviables et protéger notre précieux écosystème. 

Artistes invité·e·s

Museo Aero Solar, Thomas Mailaender, Southwhay Studio, Côme Di Meglio, Elvia Teotski, Coline Le Quenven, Maxime Verret, James Shaw, Marion Flament, Wendy Andreu, IGO Studio, NSDOS, Gangui Collectif, Ateliers Laissez Passer.

À propos de l’exposition

Sur notre planète bleue, l’eau est l’élément qui connecte tous les êtres vivants. Avant d’arriver jusqu’à notre bouche d’égout, l’eau effectue un grand périple : depuis les mystérieuses entrailles de la Terre et les glaciers, elle se faufile dans les ruisseaux, les forêts, les nappes phréatiques, les robinets et les bouteilles d’eau.

À l’ère de la civilisation industrielle, la plupart de nos gestes génèrent des déchets plastiques. Notre vie est une somme d’ordures. Les poubelles s’accumulent sur le monde et se désagrègent sous l’action des courants et du soleil, avant de se démultiplier en micro-plastiques. La menace microscopique se répand partout où l’eau passe, jusqu’à s’évaporer dans les nuages. Ainsi, l’empreinte humaine se retrouve dans chaque goutte. Ce sont autant de molécules et d’adjuvants toxiques, fantômes de nos usages, qui contaminent toute la chaîne alimentaire et affectent les êtres vivants.

À Marseille, partout s’amoncellent des ordures en tout genre. Parfois amenées par le vent, parfois laissées volontairement sur la plage puis charriés par les courants.

Pourquoi ce titre ?

Le terme « plasticocène » est utilisé pour décrire l’impact de la pollution plastique sur la planète et ses écosystèmes. Il a été proposé comme une sous-époque de l’Anthropocène, qui est l’ère géologique actuelle au cours de laquelle l’activité humaine a été l’influence dominante sur l’environnement. Le plasticocène se caractérise par la présence généralisée de plastique dans l’environnement, jusque dans le corps des animaux et des humains. La pollution plastique est l’un des problèmes environnementaux les plus urgents de notre époque, car elle affecte non seulement la faune et ses habitats, mais aussi la santé humaine et l’économie. Le terme plasticocène est utilisé pour décrire l’ampleur du problème et souligner le besoin urgent d’agir pour y remédier.


Galerie de tous les possibles / Friche La Belle de Mai
Jusqu'au 27/05 - Mar & jeu-ven 15h-18h + mer & sam 11h-19h
Entrée libre
www.lafriche.org
41 rue Jobin
Friche La Belle de Mai
13003 Marseille

Article paru le mercredi 1 mars 2023 dans Ventilo n° 477

Des fumées dans la ville voisine de Bassem Saad et Plasticocène du Collectif Polymer

Pollutions radicales

 

Avec deux de ses nouvelles expos, la Friche La Belle de Mai offre des visions artistiques aux engagements bien manifestes. Bassem Saad, avec Des fumées dans la ville voisine, installe dans la Tour-Panorama de multiples points de vues sur plusieurs importants mouvements sociaux, tandis que le Collectif Polymer, avec Plasticocène, réfléchit à la pollution plastique à travers l’art contemporain dans la Salle des Machines, avec l’espoir de reléguer aux archives une matière à la production pourtant exponentielle.

    Depuis la Tour-Panorama, Bassem Saad prend une hauteur qui n’en est pas moins subjective. En travaillant depuis les compositions des parfums contestataires qui se propagent, s’imprègnent ou se dispersent dans plusieurs zones, mais aussi dans plusieurs temps politiques, iel expose et interpose en fait plusieurs fumées, et qui viennent de plusieurs villes. Note de tête : en entrant dans la salle, une touffeur d’une lumière très ocre, très flamme, poussiéreuse, déstabilise tout de suite notre position, nous emmène instantanément dans le khamsin, ou dans l’émeute, lacrymo et fumigènes. L’ambiance est posée grâce à son collage semi-transparent sur l’immense baie vitrée du Panorama, Handmaiden or midwife ? (en VF, « Servante ou sage-femme ? »), qui fait référence en anglais et français au dernier condamné à mort en France, détenu aux Baumettes et exécuté à Marseille. Bassem Saad a échafaudé —littéralement — des textes, des vidéos, des sculptures et des lenticulaires (des images qui changent en fonction de notre angle de regard). La note de cœur de son travail se situe dans l’assemblage de plusieurs fragments, de sources et de médiums différents : dans ses vidéos, les voix se confondent, se superposent, les cadres spatio-temporels se décalquent les uns sur les autres. Les références se multiplient, pour faire sourdre le feu des résistances qui brûlent : au Liban, au Chili, en Tunisie, Égypte et Syrie, chez les Palestinien·nes qui n’y sont plus, aux États-Unis, ou donc, avec une réflexion sur l’idée de prison — et de peine de mort — aux Baumettes. Cette note de fond, insurrectionnelle, est relevée par des éléments très esthétiques et sensibles, comme avec la sublime musique de Sandy Chamoun, qui joue d’ailleurs son propre rôle dans l’un des films. Des fumées dans la ville voisine expose les activismes, dénonce les pollutions, les toxicités (environnementales, touristiques, militaires…) en des agrégats de points de vues, qui ne sont, pour une fois, pas centrés sur l’Occident (Bassem vient de Beyrouth). Cette première curation en solo de la nouvelle directrice de Triangle-Astérides, Victorine Grataloup — pour cette première exposition personnelle de Bassem Saad — allie ce qu’il faut de captivant, avec ce qu’il faut de renseigné mais aussi d’ironique. À nous de traverser les nombreuses nappes de sens, une fois passée la première impression d’un brouillard chaotique.   Arts plastiques Un peu plus bas, dans la Salle des Machines (tout près de l’accueil de la Friche), se trouvent en accès libre d’autres sédiments, qui rejoignent Bassem Saad dans sa réflexion sur la toxicité mais de manière plus ciblée : sur le plastique. Pour Plasticocène, le bien-nommé Collectif Polymer, rassemblement d’écolos artistes, scientifiques ou d’entrepreneur·euses responsables aussi des expositions Plastic Art Fair, a donné carte blanche et déchets sauvages à plusieurs artistes contemporain·es. Matière première en main, les artistes — pourtant pas tous·tes plasticien·nes — proposent sculptures, photos, vidéos, créations sonores, design et pièces d’artisanat autour de l’eau, premier hôte mondial du matériau délétère. Les œuvres se baladent entre les références fossiles et futures, amalgamant souvent les deux, pour tenter de représenter ou d’influencer le présent. On y trouve par exemple une Fontaine à la nymphe, de Coline Le Quenven, qui veut « rendre hommage au cycle de l’eau » avec son esthétique futuriste et baroque faite de bouchons, emballages et boîtes de CD recyclés ; des Amphorae de James Shaw ; une arche de style roman menant à un sarcophage, le tout en « bio-plastique », autrement nommé mycélium ou blanc de champignon (Aujourd’hui je suis ce que je suis Nous sommes qui nous sommes Et tout ça c’est la somme Du pollen dont on s’est nourri, un grand titre pour une vaste installation de Come Di Meglio) ; ou des « tableaux » de Wendy Andreu, Regen – Fishnet Compositions, dans lesquels des morceaux de filets de pêches constituent la matière picturale, évoquant les motifs que dessinent les courants sur les cartes. L’exposition intrigue, et convoque plusieurs références pour parler à beaucoup. Comme le veut le principe même de la galerie de la Salle des Machines (alias la « Galerie de tous les possibles »), elle est animée et participative, avec plusieurs ateliers, comme la création d’une œuvre comestible ; la fabrication collaborative d’une montgolfière, Aerocene, faite de sacs plastiques et destinée à prendre son envol courant mai ; ou l’imminent atelier de fabrication d’instruments de musique avec des déchets, animé par le collectif Fulu Miziki. Ce dernier, qui se définit comme « éco-friendly-afro-futuristic-punk » ou plus simplement comme « musique des poubelles » (traduction de « fulu miziki » en lingala) mêle soukous, électro indus, disco-house… et nous offrira un concert en acoustique bien retapant, samedi !  

Margot Dewavrin

     

  • Des fumées dans la ville voisine de Bassem Saad : jusqu’au 21/05 dans la Tour-Panorama de la Friche la Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).
  • Plasticocène par le Collectif Polymer : jusqu’au 27/05 dans la Galerie de la salle des machines.
  • Fulu Miziki, atelier et concert le 4/03.

Rens. : www.lafriche.org