À l’occasion de ses 40 ans, l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles coproduit avec le Centre Photographique Marseille une exposition de quatre artistes, ancien·ne·s diplômé·e·s, ayant travaillé autour de la ville de Los Angeles.
Quatre artistes réunis autour d’une question : comment Los Angeles se donne à voir comme modèle générique de la société contemporaine ?
Et comment les formes de la ville et ce qui s’y construit servent de prototype à l’organisation du monde post-industriel ?
Délaissant le folklore hollywoodien et le fantasme de la Californie ensoleillée, ils s’attachent à comprendre ce qui se fabrique dans les laboratoires, sur les échangeurs autoroutiers, derrière les façades et dans les canyons qui entourent la ville.
Fort de la leçon apprise à Las Vegas par Venturi et Scott Brown, Olivier Cablat explore l’architecture vernaculaire de Los Angeles. Dans l’inventaire de ses bâtiments décorés, il trace l’idée d’une mise en spectacle de l’architecture.
François Bellabas décompose la ville et ses infrastructures en un système de circulation infini. Un modèle de ville qui fait écho à la Metropolis de Chris Burden, espace abstrait d’un mouvement automobile perpétuel.
Marina Gadonneix explore l’histoire technique de la Californie, laboratoire de l’industrie aéronautique. Dans ses intérieurs énigmatiques, elle laisse deviner comment l’image est aussi un instrument pour la conquête de l’espace.
La catastrophe qui ne cesse d’être l’horizon du monde affleure dans les compositions visuelles de Nicolas Giraud. Les incendies géants qui ravagent la Californie servent eux-aussi de modèles à un monde sur la brèche.
La confrontation de ces quatre regards se veut une tentative pour comprendre qu’elle peut être la leçon de Los Angeles, face aux défis actuels de nos sociétés.
En coproduction avec l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, en partenariat avec l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille et dans le cadre du festival Photo Marseille.
California Crazy ressurected d’Olivier Cablat[/caption]
François Bellabas fait quant à lui de la route — omniprésente à L.A. — son terrain de jeu et propose une boucle infinie élaborée à l’aide d’un module procédural 3D. Elle prend également une forme plus sculpturale qui fait écho au ruban de Möbius ou encore celle d’un jeu vidéo immersif qui parcourt une modélisation du lieu d’exposition. « Ces formes abordent l’architectonique de la route pour révéler le fantasme et la plasticité du béton… Elles proposent une relecture sensible et fantasmée du potentiel organique et mutationnel de ce matériau qui a façonné une partie du monde contemporain. »
Nicolas Giraud s’attache pour sa part à la mise en scène des catastrophes, notamment des incendies très présents en Californie. Sa collection de cartes postales de villes en feu du début du siècle précédent montre l’inclinaison humaine pour le spectacle et comment, dans cette fabrique des images, la réalité est traitée comme une fiction. « La confusion qu’induit la Californie, ce n’est pas que le monde devient un décor, mais que ce décor est devenu la réalité. »
Enfin, Marina Gadonneix interroge les lieux de production de la fiction que ce soit pour le cinéma ou la recherche avec cette reproduction de sol martien. « Dans ma recherche, je tente d’explorer le passage d’une forme d’évidence du réel à sa construction mentale la plus métaphorique. J’essaie de rendre compte de la porosité entre le document et la fiction. De fait, cela interroge la fabrication de la représentation tout autant que la fabrique de l’imaginaire. »
L’exposition pourrait se résumer à la réponse que fit Marcel Duchamp fit à un journaliste lors de son exposition à Los Angeles en 1964 :
« - Vous me disiez que pour vous Los Angeles est une ville qui n’existait pas.
- Absolument. »
Damien Boeuf