Yoan Sorin & Camille Louis

Performance autour de l'exposition Désordres de Yoan Sorin et du texte La Conspiration des enfants de Camille Louis (1h30)

La philosophe-dramaturge Camille Louis et l’artiste Yoan Sorin ont été invités par Actoral et le 3bisF à partager une soirée. Logiquement, cela aurait du amener à ce que chacun « prenne sa part » et s’en tienne à son espace-temps délimité. White cube visitée d’un côté, Black Box théatralisée de l’autre. Or pour ces deux créateurs qui ne cessent, dans leurs travaux, de mettre en crise les logiques instituées; qui ne cessent de tordre les partages et répartitions établies pour œuvrer à des alliances improbables et des recompositions de commun, il est clair que la donne allait être changée. Se retrouvant dans des préoccupations esthétiques et politiques communes, ils ont donc décidé d’entremêler leurs deux propositions dans ce qui ne sera pas une soirée en deux temps mais une soirée en mouvement(s).
L’espace et les éléments de l’exposition Désordres seront activés en lien avec la lecture de La conspiration des enfants performée par l’artiste transdisciplinaire Jeanne Brouaye et, réciproquement, l’entente de ce texte qui mêle enquête de terrain et fabulation sera activée différemment grâce aux motifs de l’installation. Les mots, corps et formes entremêlées lors de cette soirée feront circuler une même tension qui inquiète chacun.e des artistes présents: celle qui unie, dans un paradoxe sidérant, déplacements et enfermement. Les enfants qui, dans le texte de Camille Louis, conspirent et aspirent ensemble à des circulations résistantes aux logiques de parquage des populations dont ils sont - parce que jugés « déviants » pour les un.e.s, mouvants ou « migrants » pour les autres - les cibles, trouveront, dans les Désordres de Yoan Sorin des formes de refuge qui n’ont pas la supposée naiveté de l’enfant mais la puissance d’un monde en explosion. C’est sur ses cendres, soigneusement collectées et malicieusement transformées, que d’autres sonorités, non victorieuses, non glorieuses mais simplement ajustées aux turbulences des existences, pourront retentir et ouvrir enfin les respirations dont nous avons toutes et tous besoin.

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Entre arts visuels et vivants, Yoan Sorin refuse d’enfermer sa pratique dans des catégories. À travers la mise en scène absurde du quotidien, l’hybridation ou le nivellement des cultures savantes et populaires, il déploie une plasticité libre et poétique par laquelle il offre une porte de sortie aux impasses de la norme. Dans le cadre de sa résidence au 3bisF et en regard de l’exposition « Désordres », qui se tient dans la pièce adjacente à la salle de spectacle, il imagine une performance qui acte du glissement entre white cube et black box, dans laquelle l’activation des formes et des volumes exposés leur donnent vie. Creusant l’hypothèse de l’échec créateur, Pis-Aller-Retour associe l’idée d’une solution provisoire à celle d’un jeu de résonances pour ériger en principe le « faire avec », au double sens de faire malgré et de collaborer. La performance convoque en ce sens la mémoire de toutes les rencontres qui ont jalonné sa résidence : Laurent Eisner, Claude Martin, Louise Nicollon des Abayes, Léo Peralta, Némo Turbant, Estel Fonseca, Club Superette, les enfants de la crèche Arc-en-ciel ou les patient·es de l’hôpital Montperrin.


Yoan Sorin est un artiste contemporain résidant à Marseille. Il partage ses temps de recherche entre la région Sud, la Bretagne et la Martinique. Il travaille principalement avec l’installation et la performance. Son travail explore les thèmes de l’identité, de la mémoire et de la perception, en mettant souvent en scène des objets et des situations du quotidien de manière poétique et absurde : il utilise l’humour et l’ironie pour questionner les normes sociales et culturelles. À travers une esthétique de l’ornementation et de la citation pop, du dressing et de l’assemblage de textures, la pratique plastique de Yoan Sorin se décline sous les différents formats du dessin, de l’installation ou de la performance. Depuis une dizaine d’années, il a participé à de multiples résidences et ateliers, qui ont été l’occasion de diverses formes de collaboration. D’abord pensées comme des aspects annexes à sa production artistique, ces expériences l’ont amené à considérer la rencontre comme un moteur essentiel de sa pratique. Plutôt que des fins en soi, les formes plastiques deviennent ainsi partie intégrante de ces expériences de collaboration, dont elles sont à la fois le vecteur et le fruit.

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Anna, Ashkan et Julia vivent dans une banlieue industrielle de Londres, un camp de réfugiés en Grèce ou un terrain vague aux portes de Paris. Ce sont aussi trois enfants qui souffrent de saturnisme, maladie qui témoigne d’un monde devenu proprement irrespirable. Croisant enquête de terrain et fabulation, analyse politique et torsion dramaturgique, Camille Louis rend visibles à la fois l’immondice des politiques qui n’ont rien de mieux à offrir comme « foyer » que des lieux d’enfermement et la puissance des résistances qui parviennent à s’y dérober. Elle dresse ainsi le diagnostic d’une époque rongée par des décisions asphyxiantes qui détruisent jusqu’aux conditions même de l’habiter. Relégués aux marges, ces enfants livrent pourtant une leçon d’espoir inattendue : celle d’une autre manière de respirer ensemble, une « conspiration » qui est aussi l’invention de nouveaux abris. Cherchant à mettre la sensation au centre de la pensée, d’insuffler un plus-de-vie à son discours, Camille Louis confie la lecture d’un montage de son texte, travaillé avec la créatrice sonore Laurie Bellanca, à Jeanne Brouaye qui performera une forme inédit. 

Camille Louis est philosophe, dramaturge et activiste auprès des personnes en exil. En 2009 elle co-crée, avec Laurie Bellanca, le collectif interdisciplinaire kom.post avec lequel elle multiplie les créations en de nombreux pays. Elle est dramaturge associée à La Bellone, Bruxelles, le fut au théâtre Nanterre Amandiers de 2018 à 2021 et collabore plus spécifiquement avec les metteur·e·s en scène Léa Drouet, Frédérique Aït Touati, Phia Ménard et Philippe Quesne. Son premier livre, La conspiration des enfants, est sorti en octobre 21 aux PUF. Son prochain La fabrique des yeux secs est prévu pour 2024.

 

Désordres
Conception Yoan Sorin
Regard extérieur Antonija Livingstone 
Contribution artistique Club superette, Louise Nicollon des Abbayes, Laurent Eisner, Leo Peralta, Nemo Turbant, Estel Fonseca, Patients et équipes de l’hôpital Montperrin 
Conseil sonore Caetano 
Remerciements Iris Martin, Palmyre et Calypso, 3bisf, Dana Michel, Peter James, Romain Bobichon

La Conspiration des enfants - Collection Perspectives critiques, PUF
Texte Camille Louis
Montage inédit du texte Camille Louis, Laurie Bellanca
Interprétation Jeanne Brouaye  

3bisF
Les 05 et 6 oct. : 19h30
8/12 €
www.actoral.org
109 avenue du Petit Barthélémy
Hôpital Montperrin
13100 Aix-en-Provence
04 42 16 17 75

Article paru le mercredi 13 septembre 2023 dans Ventilo n° 486

Festival Actoral

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En pleines formes

 

Filant la métaphore d’une couronne de pain dès son identité graphique, la nouvelle édition d’Actoral met en bouche notre temps et vient chercher l’appétit de tous nos sens.

    À l’heure où nous écrivons ces quelques ligne, les crayons de couleur de l’été sont un peu mâchouillés, et la rentrée de septembre nous accable déjà de ses nouveautés et de surinformation. Si c’est à contrecœur que nous quittons la nonchalance estivale, on peut se consoler en se rappelant que septembre est aussi le mois d’un rendez-vous devenu incontournable dans cette rentrée culturelle qui s’étirera jusqu’à la mi-octobre. Si le festival Actoral est synonyme de profusion, il n’en est pas moins aux antipodes du consumérisme appauvrissant qui nous entoure : ici, chacune des soixante-douze propositions est une petite pépite en soi, la signature d’un regard délicat et parfois en même temps une œillade provocatrice envers une société qui s’emballe. Dans la cour de Montévidéo, la petite équipe nous attend pour un point presse avec Hubert Colas, fondateur de cet événement qui a acquis sa dimension actuelle en 2013, il y a dix ans. Celui-ci se plaît d’ailleurs à rappeler le rendez-vous confidentiel que furent les toutes premières éditions, qui réunissait quelques aficionados de la littérature poétique et autres mordus de théâtre, avant que d’évoquer les différentes propositions des deux cents artistes invités au festival cette année. Mais comme à son habitude, Hubert étant de ceux qui se mettent aussi au service des autres artistes, il offre la primauté du tour de parole à trois artistes alors en résidence dans ce formidable outil qu’est Montévidéo : Anne-Sophie Turion et Éric Minh Cuong Castaing nous parlent ainsi de leur installation performative intrigante sur les hikikomori (voir ci-dessous), tandis que le jeune Darius Dolatyari-Dolatdoust nous parle de son amour pour le textile, davantage passionné par le réinvestissement de ce qui existe déjà que par la création, dans une perspective écologique plus que louable dans l’art du vêtement, et dont on peut voir les immenses fresques brodées sur les murs de Montévidéo jusqu’en octobre. Tout les distingue, mais on flaire une même dynamique, sensible au monde qui les entoure et immergée dans celui-ci, bien loin d’une expérimentation incongrue et confidentielle menée dans une tour de verre. De ce même lieu, épicentre du projet d’Actoral menacé par une expulsion comme beaucoup le savent déjà, nous ne parlerons guère dans ces colonnes car l’heure est aux délicates négociations. Nous apprenons que l’État et la Ville de Marseille semblent avoir répondu à l’appel à l’aide d’Hubert Colas, tous conscients de l’incontournable utilité de cet espace de fabrication des œuvres les plus singulières, souvent reconnues par la suite dans les plus gros lieux de diffusion, et maillon incontournable de la vitalité artistique de notre temps pour la ville, l’hexagone et au-delà. Non sans un certain paradoxe, la question devient presque patrimoniale pour la création contemporaine. Estimant cet archipel fertile et prolixe, une ordonnance 45 du ministère de la Culture impose désormais une pérennité de l’usage culturel de ces bâtiments. Puisse le propriétaire l’entendre aussi de cette oreille, c’est tout ce que nous leur — et que nous nous — souhaitons ! Pour revenir à notre présent, l’édition 2023 d’Actoral reprend les ingrédients et les (bonnes) recettes qui ont fait son succès : un investissement du territoire marseillais avec un week-end d’ouverture qui se lie aux dix ans du Mucem, une politique de partenariat avec des grands théâtres comme avec de petites librairies, une polymorphie des formes proposées et une dynamique festivalière qui, par sa programmation journalière sur quatre semaines et ses moments festifs, permet une densification et une unité du public qui se retrouvera de soir en soir, au fil des propositions. Un public à qui ces artistes semblent vouloir faire écouter ce que la société éveille en eux, dans une pluralité de formes « souvent aux confins du burlesque et du macabre »… Vaste programme, dans lequel nous vous invitons à prendre le risque sur quasiment chaque proposition, tant l’ensemble est alléchant. Faisant fi de l’exhaustivité, mais conscients que notre lectorat reconnaîtra beaucoup de noms dans la programmation faite de fidélités artistiques (Christophe Fiat, Mohamed El Khatib, Laura Vazquez, Dorothée Munyaneza, Tommy Milliot, Léa Drouet, Rodrigo Garcia, Dieudonné Niangouna, Dana Michel, la Need Company… et tant d’autres qui échappent à ce name dropping, faute d’espace), nous avons sélectionné des propositions qui arrivent tôt dans l’agenda. Affaires sensibles, à faire, à suivre…  

Joanna Selvidès

 

Actoral : du 21/09 au 14/10 à Marseille.

Rens. : www.actoral.org

Le programme complet du festival Actoral ici

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