Le rire et la vie hédoniste des animaux + Rats rieurs, corbeaux joueurs et chimpanzés facétieux. Quand les animaux s’amusent + Le chant des oiseaux d’Oliver Messiaen

Trois conférences respectivement données par Michel Kreutzer (éthologue), Jean-François Dortier (sociologue et rédacteur en chef de la revue L’Humanologue) et Jacques Amblard (musicologue). Suivies d'un concert, Le Loriot de Messiaen interprété par Nathalie Lanoe

« Le rire et la vie hédoniste des animaux »

Avec Michel Kreutzer, éthologue.

« Les plaisirs, les activités ludiques et le rire ne sont pas des particularités humaines. En effet, les animaux ne sont pas des machines sans affects, leur vie est animée par des émotions positives et négatives. Pour Charles Darwin, dans un célèbre ouvrage de 1872, la question n’est pas de savoir si les animaux, à l’instar des humains, éprouvent des émotions, mais plutôt de constater que nous en avons hérité. Nous devons à James Olds, et ce dès 1956, la démonstration que les animaux sont des êtres qui éprouvent et recherchent du plaisir. Ces travaux ont abouti à la découverte de circuits dits « de récompense » au sein de la lignée des vertébrés. Ces réseaux de neurones libèrent de la dopamine et des opiacés endogènes qui sont non seulement à la source de “bien-être”, mais sont impliqués dans les activités qui s’accompagnent de satisfaction. Plus d’une cinquantaine d’espèces sont connues pour produire du “rire”, et beaucoup plus pour jouer. Et puisqu’il est question de chanson, on s’interrogera sur le cas des oiseaux dont le ramage est considéré tantôt comme un langage, tantôt comme une musique. »

 

« Rats rieurs, corbeaux joueurs et chimpanzés facétieux. Quand les animaux s’amusent »

Avec Jean-François Dortier, sociologue et rédacteur en chef de la revue L’Humanologue.

« Les rats sont chatouilleux. Si vous les grattez au bon endroit, ils poussent des petits cris et se tordent de plaisir. L’expérience a été faite très sérieusement par des scientifiques, remettant ainsi en cause la thèse (du non moins sérieux philosophe Henri Bergson) selon lequel le rire est le propre de l’homme. Se tordre de rire sous les chatouilles est une chose. Avoir de l’humour est autre chose. Les rats en ontils ? On n’a pas d’information sur le sujet mais en revanche, des chimpanzés ont été vu se rouler de rire après qu’un de leur congénère ait fait tomber un projectile sur la tête par un autre singe placé sur une branche plus haute. On va vu aussi des singes se livrer à quelques bonnes blagues au dépend des visiteurs. Oui, certains animaux savent être joueurs et facétieux. Faut-il en conclure que la barrière des espèces est franchie et que des animaux sont capables de se raconter de bonnes histoires pour amuser la galerie ? Ce n’est pas l’avis de l’humanologue. Mais on pourra en débattre ensemble. »

 

« Le chant des oiseaux d’Oliver Messiaen »

Avec Jacques Amblard, musicologue.

« Les chants d'oiseau stylisés par Messiaen sont un sujet rebattu par la musicologie depuis un demisiècle. S'agit-il d'un simple hommage aux volatiles, lesquels en principe n'ont guère besoin de nos odes, dans la mesure où ils ne viennent pas au concert, même à ceux qui leur sont dédiés ? C'est Messiaen qui utilise donc le monde emplumé davantage que l'inverse. Dans quel but ? L'un d'eux est sans doute de rendre ses propres avancées musicales plus aimables pour le public, ou pour l’Histoire, par le biais de nos petits consuls sympathiques, médiateurs idéaux. Les animaux ne sont-ils pas des mythes particulièrement chers à l'enfant en chacun de nous, ce que rappelle Freud dans Totem et tabou ? Or, on remarque que cette entreprise de communication ne fonctionne pas seulement entre Messiaen, les oiseaux et le public, mais entre la musique moderne en général (depuis le début du XXe siècle), la nature oiseleuse et le public. Les "petits serviteurs de l'immatérielle joie", ainsi nommés par Messiaen, viennent ainsi rappeler à nos oreilles réfractaires que les modernités viennoises, stravinskiennes, varésiennes, et d'autres, après tout (et tout ceci condensé dans la musique de Messiaen), sont dans leur gosier depuis toujours, et donc littéralement dans la nature, l'univers, et ainsi, en quelque sorte, légitimes. Nous verrons quels procédés modernes, plus précisément, sont ainsi promus. Jacques Amblard présentera enfin, en trois phrases, son dernier roman (et ses relents musicaux), sorti en librairie le 6 octobre. »

 

Concert / Olivier Messiaen

Suivi d’un concert : Le Loriot de Messiaen interprété par Nathalie Lanoe, lauréate du Premier grand prix (prix de son altesse Leila Meriem).

Muséum d'Histoire Naturelle de Marseille
Le vendredi 21 octobre 2022 à 14h30
Entrée libre
www.semainedelapopphilosophie.fr
Palais Longchamp
1 Boulevard Philippon
13004 Marseille
04 91 14 59 55
04 91 14 59 55