L'empire de la bêtise + Du noble art de la déconnante + J'en peux rien si je suis un gros con !

Soirée partagée, avec une conférence par Françoise Gaillard (historienne des idées), une rencontre proposée par Philosophie Magazine avec Martin Legros (philosophe et rédacteur en chef de Philosophie Magazine) & Frédéric Pagès (agrégé de philosophie, journaliste et essayiste) et une intervention de Martin Legros à partir d’extraits des caméras cachées de François Damiens  

« L'empire de la bêtise »

« Nous ne souffrons que d’une chose : la bêtise. Mais elle est formidable et universelle. » La passion de Flaubert, ce qui le fascine et l’enrage, ce qui le met en fureur et le rend malade c’est la bêtise dont il est l’un des premiers à explorer dans son oeuvre l’étendue sans limite. D’autres s’y emploieront, Musil, Barthes, par exemple, mais peu d’écrivains ou de penseurs mettront la même ardeur haineuse à la traquer : « Je connais la Bêtise. Je l’ai étudié. C’est là l’ennemi. Et même il n’y a pas d’autre ennemi. Je m’acharne dessus dans la mesure de mes moyens. L’ouvrage que je fais (il s’agit de Bouvard et Pécuchet) pourrait avoir comme sous-titre : « Encyclopédie de la Bêtise humaine ».
Bêtise de la politique, bêtise de la littérature, bêtise de l’intelligence, bêtise de la morale bourgeoise. Et voilà qu’au nom de la moralité il faudra un jour supprimer les classiques grecs et romains et aussi Shakespeare, Goethe, Cervantès, Rabelais, Molière, la Fontaine, Voltaire, Rousseau et non content de cette épuration, il faudra aussi supprimer les livres d’histoire qui souillent l’imagination. Quelle préfiguration de la cancel culture et de la bêtise contemporaine dans cette lettre à Maupassant qu’il faudrait relire !

— Françoise Gaillard

Du noble art de la déconnante

Alors que les cons sont légion, le déconneur est rare. Et précieux. Car si la connerie est affligeante, la déconnante est réjouissante. Elle n’est pas donnée à tout le monde, elle se travaille. Au prix de quelques malentendus : ironiste distingué à en croire Platon, Socrate est en réalité un personnage burlesque et farcesque. Quant à Jean-Baptiste Botul, dans son mystère même, il demeure une promesse inépuisable de déconnante.
- Frédéric Pagès

J'en peux rien si je suis un gros con ! 
Les caméras cachées de François L'embrouille ou la connerie du dedans 

Avant de s'imposer comme un acteur important du cinéma contemporain, François Damiens a eu une première carrière d'humoriste et renouvelé le genre de la caméra cachée. Sous les traits de François L'Embrouille, déguisé en garagiste de contrôle technique, cuisinier de friterie ou vendeur de portable, il incarne un personnage de "gros con" qui invective et déstabilise ses clients en les confrontent à une forme de bêtise délirante toujours au bord de la rupture. Où comment la connerie assumée et revendiquée permet d'explorer les limites de la rationalité. 

— Martin Legros 

Bibliothèque Départementale des Bouches-du-Rhône
Le mercredi 13 octobre 2021 à 14h30
Entrée libre. Réservation conseillée à resa.popphilo@gmail.com
www.semainedelapopphilosophie.fr
20 rue Mirès
13003 Marseille
04 13 31 83 73

Article paru le mercredi 29 septembre 2021 dans Ventilo n° 451

Semaine de la Pop Philosophie

Cons prometteurs

 

Pour sa treizième édition, la Semaine de la Pop Philosophie s’empare, sous la houlette du psychologue et journaliste Jean-François Marmion, de « cette mauvaise fée aux mille visages [qui] s’est penchée sur le berceau de l’humanité (…), [qui] suivra notre espèce jusqu’à la tombe, et la creusera peut-être » : la connerie.

    Mesure-t-on le degré de connerie d’un peuple à ses choix démocratiques ? La connerie a-t-elle des vertus cathartiques ? La connerie fait-elle l’histoire ? L’humain est-il fondamentalement con ? La connerie peut-elle être intelligente ? Autant de questions politiques, psychanalytiques, archéologiques, anthropologiques, sociologiques, cinématographiques, ontologiques… (bref, le programme est riche et il y en a pour tous les goûts) soulevées par cette treizième saison de la Semaine de la Pop Philosophie. Autant de questions qui se posent à l’heure où les réseaux sociaux et les médias fabriquent davantage des moutons (défis TikTok, BFMtv…) que de la diversité ; où le peuple états-uniens est capable d’élire un animateur de télévision et où les sondages de l’élection présidentielle française à venir annoncent plus de 30 % d’intentions de vote à l’extrême droite ; où les voitures continuent de rouler, les grandes chaines industrielles de tourner, les centrales nucléaires de produire, dans une situation climatique cataclysmique. Auteur de Psychologie de la connerie et Histoire universelle de la connerie, le psychologue Jean-François Marmion est le conseiller scientifique de cette semaine pop philosophique qui se tiendra de la Criée au Mucem en passant par Coco Velten, le Muséum d’Histoire naturelle, le FRAC PACA ou les cinémas Variétés et César. Adrien Dénouette avec « Petit traité de félicité ignorante » et Morgan Labar avec « La gloire de la bêtise : régression et superficialité dans les arts depuis la fin des années 1980 » proposent l’un et l’autre, d’une certaine manière, de s’interroger sur la dimension cathartique de la connerie. Les deux réflexions se complètent et la première, plus politique, considère l’idiotie des contenus pop culturels (Nicki Minaj, par exemple) non pas comme sidérante et vecteur de « passivité consumériste », mais plutôt comme « le signe de la bonne santé démocratique dune société ». Martin Legros (philosophe et rédacteur en chef de Philosophie Magazine) s’intéressera pour sa part à un contenu culturel populaire français : les caméras cachées de François Damiens allias François L’Embrouille, la figure du con par excellence. Mais le con joué ne subit pas sa connerie, il la crée. De même que les artistes pensant la connerie dans leurs œuvres, qui donneront matière à réflexion à Morgan Labar. À ce propos, Frédéric Pagès distingue le con du déconnant : « L’imbécilité est une chose sérieuse », comme Maurizio Ferraris titre sa conférence, contrairement à l’humour, qui n’est pas sérieux, mais intelligent. Trois autres conférences soumettent la connerie à l’épreuve du temps : « La connerie, un moteur de l’histoire » de Jean-François Dortier, « Une histoire globale de la connerie est possible indispensable » de Laurent Testot et « La préhistoire de la connerie » de Jean-Paul Demoule. « Cest bien la connerie, en effet, qui a permis à un primate, parmi 181 autres, de prendre possession de la planète au point dagir sur son climat et denclencher la sixième extinction massive des espèces ? », s’interroge faussement ce dernier. Deux projections sont également au programme : Dumb & Dumber (1994) des frères Farrelly au Variétés le 12 (suite au « Petit traité de félicité ignorante » d’Adrien Dénouette) ainsi que Lenny (1974) de Bob Fosse le 14 au César, suite à la conférence de Marie Treps, « Un mal, des mots. La France est-elle devenue raciste ? ». Enfin, avis à tous les cons et à tous les intellos, puisque poser des questions et la névrose nous/vous unissent : la philosophe praticienne Sophie Geoffrion propose « de décortiquer ensemble vos interrogations plus ou moins connes » le samedi 16 à la Maison Hantée. Il n’y a que les cons pour se rendre à un tel rendez-vous ! Sûrement un coup de Sarah Al-Matary (« Faut-il détester les intellos ? ») ou de Maxime Rovere, qui se dit prêt à « anéantir » les cons « les plus dangereux » !  

Romane Charbonnel

 

Semaine de la Pop Philosophie : du 11 au 16/10 à Marseille.

Rens. : www.semainedelapopphilosophie.fr

Le programme complet de la Semaine de la Pop Philosophie ici