Passage de l'étranger #42 : Iman Mersal et Richard Jacquemond

Rencontre avec la poétesse égyptienne et son traducteur

ATLAS reçoit l’auteure égyptienne Iman Mersal et son traducteur Richard Jacquemond, autour de deux oeuvres parues aux éditions Actes Sud : le récit Sur les traces d’Enayat Zayyat et le recueil de poèmes Des choses m’ont échappé (Sindbad/Actes Sud, 2018). Une rencontre animée par Lydie Mushamalirwa et interprétée par Valentine Leÿs.

“Au début des années 1990, Iman Mersal découvre chez un bouquiniste «L’Amour et le Silence», l’unique roman d’Enayat Zayyat, publié en 1967 et tombé dans l’oubli. Elle ignore tout de son autrice, si ce n’est qu’elle est morte avant d’avoir pu le publier.
Vingt ans plus tard, elle se lance dans une enquête qui va s’étaler sur plusieurs années pour essayer de savoir qui était Enayat Zayyat et de comprendre ce qui a amené cette jeune femme de bonne famille à se donner la mort à vingt-sept ans.

Toutes ces questions et bien d’autres emmènent Iman Mersal dans une quête à la fois historique et intellectuelle, poétique et intime, qui est aussi une invitation adressée à l’Égypte d’aujourd’hui à se regarder au miroir de son passé récent, celui de ces années 1950 et 1960 qui font l’objet d’un culte nostalgique que ce livre, loin de le nourrir, épluche comme un oignon et décortique feuille après feuille, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien.”

“Les poèmes réunis dans “Des choses m’ont échappé” sont extraits de quatre des cinq recueils publiés par Iman Mersal : les deux premiers dans les années 1990, alors qu’elle participe au Caire à l’émergence d’une nouvelle avant-garde poétique, les deux suivants en 2006 et 2013, après qu’elle a émigré au Canada. Au-delà des évolutions thématiques liées à ce changement, on est frappé par la cohérence de la voix poétique qui s’y exprime : même refus des procédés poétiques arabes traditionnels, même distance ironique, tantôt féroce quand elle vise les intellectuels cairotes imbus de leur mission poétique et politique, tantôt empreinte de tendresse et d’empathie quand elle évoque le monde rural de son enfance, marquée par la disparition précoce de sa mère.

La poésie d’Iman Mersal est donc intimement liée à son expérience et son histoire personnelle. En cela, c’est aussi une poésie féminine, d’une modernité radicale, tant par son refus des thématiques et des images habituellement associées à la femme arabe que par sa manière, parfois bouleversante, de se mettre à nu sans jamais s’exhiber. Une poésie riche et complexe derrière l’apparente pauvreté de ses moyens rhétoriques, et d’une grande originalité dans un champ poétique arabe encore largement dominé par les hommes.”

 

Ce Passage de l’étranger est organisée à l’occasion de l’atelier #1 de traducteurs européens de l’arabe, qui se déroulera au CITL du 14 au 18 juin dans le cadre du projet LEILA – « Arabic Literature in European Languages » 2021-2023 visant à favoriser en Europe la connaissance, via la traduction, de la nouvelle scène littéraire arabophone.

 

// Iman Mersal //

Iman Mersal, née en 1966, a étudié à l’université du Caire, où elle a soutenu une thèse de doctorat en littérature arabe. Elle enseigne à l’université d’Alberta au Canada. Une anthologie de ses poèmes qui l’ont placée à l’avant-garde de la poésie arabe contemporaine a été publiée chez Sindbad/Actes Sud, en 2018, sous le titre Des choses m’ont échappé.

Dans Sur les traces d’Enayat Zayyat (Sindbad/Actes Sud, avril 2021),  Iman Mersal raconte son parcours de plusieurs années à la recherche d’Enayat Zayyat, écrivaine égyptienne qui s’est donné la mort en 1963 à l’âge de vingt-sept ans, après avoir reçu une lettre de l’éditeur nationalisé Al-Dâr al-Qawmiyya lui notifiant son refus de publier son premier et unique roman, L’Amour et le Silence.

Iman Mersal y mène une quête à la fois historique et intellectuelle, poétique et intime. C’est aussi une invitation adressée à l’Égypte d’aujourd’hui à se regarder au miroir de son passé récent, celui de ces années 1950 et 1960 qui font l’objet d’un culte nostalgique. Ce livre, loin de le nourrir, le décortique feuille après feuille, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien.

 

// Richard Jacquemond //

Agrégé d’arabe, professeur de langue et littérature arabes modernes à l’université d’Aix-Marseille et chercheur à l’Institut de Recherches et d’Etudes sur les Mondes Arabe et Musulmans (IREMAM, CNRS, Aix-en-Provence), dont il est actuellement directeur, Richard Jacquemond a résidé plus de quinze ans en Egypte où il a notamment dirigé le programme de traduction de la mission culturelle française, puis préparé sa thèse de doctorat (1999), dont une version éditoriale a été publiée en 2003 (Entre scribes et écrivains. Le champ littéraire dans l’Egypte contemporaine, Actes Sud-Sindbad ; traductions arabe et anglaise). Ses recherches portent sur l’histoire et la sociologie de la littérature arabe moderne et des échanges traductionnels entre l’arabe et les autres langues. Dernier livre paru : (en codirection avec Frédéric Lagrange), Culture pop en Egypte. Entre mainstream commercial et contestation, Riveneuve Editions, 2020.

Il a également traduit plus de vingt ouvrages de l’arabe, dont huit romans de l’écrivain égyptien Sonallah Ibrahim et, dernièrement, deux livres d’Iman Mersal : une anthologie poétique (Des choses m’ont échappé, Sindbad/Actes Sud, 2018) et un récit (Sur les traces d’Enayat Zayyat, Sindbad/Actes Sud, 2021).

ATLAS - CITL
Le mercredi 16 juin 2021 à 18h30
Entrée libre
https://www.atlas-citl.org
Espace Van Gogh - Place Felix Rey
Arles