Afropéennes d'Eva Doumbia © P. M. Balthazar

Afropéennes par la Cie La Part du Pauvre au Théâtre des Bernardines

La mémoire dans la peau

 

Avec beaucoup de conviction, Eva Doumbia porte sur scène des textes d’écrivaines noires, livrant un voyage qui n’a de cesse de réfléchir à l’histoire et son métissage.

 

« Nous devons créer des mythes afropéens, visibles, permettant à nos enfants de s’identifier. »
Elle sont belles, intelligentes et colorées ; elle s’appellent les Biger than life, une bande de copines qui a pour devise d’être « tenace face à l’adversité ». Ces bobos parisiennes « qui touchent plus d’amour que d’allocations familiales » nous invitent à pénétrer dans leur intimité de jeunes femmes noires pour partager un petit bout de leur vie. On pourrait croire qu’il s’agit là d’une version black de Sexe and the City, si le propos ne s’avérait pas en fait plus tranchant, parfois même violent. Dans Afropéennes, Eva Doumbia nous parle de sa condition de femme métisse, n’hésitant pas à briser à coups de marteau les stéréotypes racistes qui colonisent la société française. Depuis 2010, la metteur en scène de la compagnie La Part du Pauvre / Nini Triban place au cœur de son travail des écrits de femmes noires (Bibish Mumbu, Maryse Condei, Jamaica Kincaid…). Et c’est autour de l’écriture de Léonora Miano, avec les textes Blues pour Elise et Femme in the city, que se construit le spectacle Afropéennes. Un cabaret où les spectateurs sont invités à manger des spécialités africaines pendant que les filles sur scène tentent de digérer leurs échecs amoureux. « Et comme tout n’est jamais simple, ces peines de cœur, ces problèmes de fringues et de coiffures s’inscrivent dans une réalité identitaire, historique : politique. » La pièce se veut donc une critique du modèle de représentation dominant où la femme noire ne trouve que des figures folkloriques pour s’identifier, où le racisme sous-jacent l’enferme trop souvent dans une africanité ancestrale…. Armées d’une bonne dose de sensualité et d’humour, ces déesses à la peau d’ébène brisent les cloisons factices d’une société occidentale qui n’a d’autre choix que de les aimer en tant qu’Afropéennes.
La prochaine création de la metteuse en scène, La Traversée aux disparus, reviendra justement sur l’histoire de ces populations qui ont vécu l’horreur de la traite négrière. A partir de l’autobiographie de Maryse Condé, La Vie sans fard, et de textes de Yannick Lahsens et Fabienne Konor, Eva Doumbia opère un retour nécessaire sur l’histoire et notre passé colonial, pour mieux s’emparer du présent. Un bol d’oxygène dans cette France anxiogène, comme « une réponse à cette prétendue France universelle ».

Yasmina Er Rafass

 

Afropéennes par la Cie La Part du Pauvre était présenté du 3 au 7/04 au Théâtre des Bernardines.

La Traversée aux disparus : du 3 au 7/05 au TNM La Criée (30 Quai de Rive Neuve, 7e).
Rens. 04 96 17 80 00 / www.theatre-lacriee.com

Pour en savoir plus : www.leonoramiano.com