Laborious Song de Daina Ashbee © Vanessa Fortin

Actoral – Les incontournables de la quinzaine

Les lectures de la quinzaine

En cette seconde et dernière quinzaine de festival, les lectures se font nombreuses, et même presque tous les jours à la maison-mère, autrement dit à Montévidéo.

Une soirée de lectures performées est ainsi prévue le 3 octobre dans le secteur Montévidéo/La Cômerie avec les incontournables de l’écriture contemporaine oralisée que sont Christophe Fiat, Anne-James Chaton et l’équipe wallonne de la revue Sabir ; le 6 à la Friche avec Jean-Michel Espitallier en cowboy et Tracie Morris en gymnaste vocal ; puis les 7, 8 et 9 à “Montév”, comme on désigne le lieu chez les adeptes, avec moult auteurs, à commencer par Christine Angot en duo avec sa fille, Léonore Chastagner.

À noter enfin, la lecture à domicile orchestrée par le maître de cérémonie, Hubert Colas, qui mettra les mots de Simon Johannin en bouche de l’inégalable Thierry Raynaud les 7 et 8 octobre.

JSel

 

Jean-Michel Espitallier

 

Quatorze de Gérard Watkins avec l’ERAC

On connaît le théâtre de Gérard Watkins pour l’énergie qu’il puise dans la chair des relations humaines, dans les relations conjugales, dans la relation des femmes au monde des hommes. Aujourd’hui, il s’empare de l’adolescence, sujet épineux et complexe à prendre tout autant par les pinces du homard que par les cornes du taureau. Sous sa direction, l’Ensemble 27, dernière génération de l’ERACM, a travaillé avec une classe de collège REP à Cannes. Ensemble, ils vont parler de leurs quatorze ans, avec les dix ans qui les en séparent. Quatorze, c’est aussi leur nombre sur le plateau. L’occasion de découvrir une nouvelle génération d’acteurs, avec au centre le texte placé au service du vivant. L’occasion aussi de démontrer que, quand il y a une formation sérieuse et réfléchie de l’acteur comme la fait l’ERACM, cela porte des fruits qu’on ne soupçonnait pas. À l’heure où il est bon ton de casser du service public sans pour autant avoir le courage de l’insubordination, à l’heure où on récupère facilement la parole des jeunes sans pour autant la leur donner, il serait bon d’aller constater par soi-même que la jeunesse a toujours beaucoup à nous dire. Vous avez deux heures.

JSel

> Du 30/09 au 3/10 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e)

 

© Olivier Querop

 

Be Arielle F de Simon Senn

Le projet du plasticien et vidéaste suisse Simon Senn s’inscrit dans ce questionnement très actuel qui anime l’homme contemporain face à l’utilisation de son alter ego virtuel. Be Arielle F, c’est l’histoire de Simon qui achète en ligne l’enveloppe corporelle d’une inconnue pour habiller son avatar. En enfilant le costume de son personnage à l’aide de ses lunettes 3D, il fait l’expérience d’une alter intimité qu’il poursuit dans le réel, retrouvant la fameuse étudiante anglaise qui a vendu son image pour quelques euros. Dans une conférence-performance où l’homme, la femme et l’avatar se donnent la réplique, Simon Senn tente une analyse du sujet tout en orchestrant la relation triangulaire. Récemment accueilli dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, Be Arielle F est la première proposition pour la scène de cet artiste et l’une des curiosités incontournables de cette édition d’Actoral.

> Du 2 au 4/10 au Théâtre des Bernardines (17 boulevard Garibaldi, 1er)

 

L’Homme qui tua Mouammar Kadhafi par le collectif Superamas

Rappelez-vous donc ce tollé général quand Khadafi fut invité le président de l’époque. Et puis, quelques mois plus tard, la stupeur générale face à la chute soudaine d’un colonel qui tenait d’une main de fer son pays depuis quatre décennies. Avide de sensationnalisme à tendance complotiste, on avait tôt fait d’associer les deux évènements qui venaient étrangement se succéder. L’agitation était maximale sur les plateaux de télé, qui venaient se remplir d’experts, à leur aise depuis la Guerre du Golfe. Puis, pouf, plus rien, écran de fumée.

Sur le plateau du Gymnase, en grande première, le collectif Superamas décide de s’en emparer, en y associant le journaliste Alexis Poulin, co-fondateur du média Le Monde Moderne. Dans cet exercice de journalisme live, l’éditorialiste politique interviewe un ancien membre de la DGSE. Agitant notre innervation déjà bien sensible aux enquêtes de meurtre sur fond de géopolitique, la bande de joyeux drilles de Superamas nous embarque cette fois dans une situation où la quête du vrai se mêle aux artifices inhérents au drama, nous tendant ainsi un miroir subtil de notre société de spectacle.

JSel

> Les 2 & 3/10 au Gymnase (4 rue du Théâtre Français, 1er)

 

© Superamas

 

Laborious Song de Daina Ashbee

Alors que la pièce chorégraphiée par Daina Ashbee pour Benjamin Kamino aurait dû faire sa première française au Festival Montpellier Danse, ce sont les spectateurs d’Actoral qui connaîtront le privilège de découvrir Laborious Song. Artiste associée à l’Agora de la Danse de Montréal, Daina apparaît depuis quelques années sur la scène internationale comme une révélation et reçoit dès ses premiers travaux de belles récompenses (Prix du CALQ pour la meilleure chorégraphie et Prix Découverte de la danse à Montréal, Prix Bessie de la chorégraphe émergente à New York). Avec une force radicale et un engagement total, elle développe un langage du corps dont elle fait ressortir autant de douceur que de brutalité. Dans cette nouvelle création, le corps masculin que la chorégraphe a su mettre en mouvement de l’intérieur, comme si elle l’habitait physiquement, fait jaillir des forces invisibles magnétiques.

AC

> Les 3 & 4/10 à la Friche La Belle de Mai

 

© Vanessa Fortin

 

Through the Gravepine d’Alexander Vantournhout

En ces temps de no contact qu’impose le Covid 19, s’il y a une pièce à ne pas rater à Actoral, c’est bien celle-ci ! Through the Gravepine met en scène un sujet brûlant : « toucher et être touché ». Alors que l’on nous demande actuellement de limiter le plus possible les contacts, l’inclassable artiste flamand Alexander Vanthournout et Axel Guérin fusionnent leur corps pour devenir une créature hybride : un corps avec deux têtes, ou deux corps avec une tête. Animal(aux) ? Humain(s) ? Les imaginaires galopent autant que les fausses impressions sur les proportions de chacun, ses différences et les limites de son propre corps. Un pas de deux non conventionnel dans lequel Alexander Vanthournout se met une nouvelle fois à nu. Co-écrit avec Axel Guérin et Emmi Väisänen (Screws), Through the Gravepine sera en première française à Actoral.

MA

> Les 3 & 4/10 à la Friche La Belle de Mai

 

Mount Average de Julian Hetzel

Mount Average est un parcours performatif, une aventure immersive en petits groupes prenant pour prétexte la visite d’une usine. Julian Hetzel collabore à nouveau avec Kristien De Proost (All Inclusive à Actoral en 2019) et s’associe avec le créateur de théâtre et rappeur bruxellois congolais Pitcho Womba Konga. Reprenant une nouvelle fois le lien entre destruction et art, Julian Hetzel s’attaque à ses représentations et entraine le public dans un remodelage de l’histoire, passant par la destruction puis la transformation des icônes dictatoriales statufiées. Au moment où la Belgique n’en finit pas de se questionner sur son passé colonial, déboulonnant certaines statues au nom d’un passé honteux à proscrire, Julian Hetzel cherche une nouvelle façon de fabriquer son avenir de ses propres mains.

MA

> Les 8 & 9/10 au Théâtre La Criée (30 quai de Rive Neuve, 7e)

 

© Julian Hetzel

 

Un Royaume de Claude Schmitz

Lucie rêve. C’est l’été. Elle rêve son métier de comédienne et s’invente une vie de chevalerie. Et dans son errance, elle rencontre deux femmes, deux chevaleresses aussi. Ensemble, elles vont se perdre et nous perdre dans un pays fait de leurs propres rêves. Ici — ou plutôt là-bas —, le grand metteur en scène belge, récemment récompensé à maintes reprises pour son film Braquer Poitiers, use de tous les artifices que permettent le spectacle et le cinéma pour nous parler de jeu, de visions et des actrices, enfin remises au cœur de l’aventure théâtrale. La superposition à foison des images fabriquées pour ce rêve embarqué qui s’autorise tout ou presque, et qui caractérise les pièces de Claude Schmitz, saura, nul doute, créer chez nous le bonheur de voir un peu de foutoir libre et singulier sur un plateau vivant.

JSel

> Les 9 & 10 au Théâtre La Criée

 

 

Les Fabuleuses Mésaventures d’une héroïne contemporaine de Chloé Delaume

Premier album de Chloé Delaume, Les Fabuleuses Aventures d’une héroïne contemporaine a été conçu comme le pendant auditif de son livre Le Cœur synthétique, qualifié par l’autrice comme étant son premier roman « normal » et lui-même l’application romancée de son percutant essai Mes bien chères sœurs, paru à point nommé en 2019, en pleine quatrième vague féministe, à la fois lettre ouverte et manifeste en écho au culte King Kong Theory de Virginie Despentes, dont elle reprenait la formule « J’écris de chez les… »

Les Fabuleuses aventures d’une héroïne contemporaine, « c’est l’histoire d’une fleur bleue qu’on trempe dans de l’acide » : Adélaïde, parisienne, la quarantaine bien tassée, se retrouve projetée sans préavis au pays des célibataires. Ses états d’âme lors de ses tribulations oscillant entre romantisme suicidaire et verve caustique font éclore une comédie pop sur la misère sentimentale, servie par une synth pop éthérée signée Éric “Elvis” Simonet et Patrick Bouvet.

BC

> Le 10/10 à la Criée

 

Chloé Delaume