à corps perdu © Cie Lalage

A Corps Perdu programmé par La Minoterie hors les murs

Voyage en ville inconnue

 

Les enfants perçoivent la ville différemment des adultes. Comment retranscrire sur scène cet imaginaire des petits ? Avec A Corps Perdu, la compagnie Lalage joue la carte de l’abstraction.

L’art contemporain en laisse plus d’un perplexe lorsqu’il tend à l’extrême son arc conceptuel. Dès lors, seules des gigantesques flèches semblent pouvoir atteindre les spectateurs les moins avertis. C’est un fait : l’être humain est d’abord touché par le visuel avant de s’intéresser à l’idée, au risque de passer à côté d’une démarche artistique. Avec A Corps Perdu, le théâtre marche sur les pas de ces œuvres contemporaines qui nous laissent sur notre faim tant l’on n’a pas pu en goûter toutes les saveurs. Au début du spectacle, un amas de tissus se gonfle au gré des respirations de comédiens qui se cachent derrière. Un gros bonhomme de plis attend, lui aussi, que l’histoire commence. Une voix off se lance alors dans une succession de phrases bien mystérieuses. Cette étrangeté accompagnera le spectateur jusqu’à la fin. Certes, le fascicule distribué avant la pièce offre au spectateur quelques clés de lecture, mais ne l’empêche pas de se perdre quelque peu dans ses méandres.
Les mots sont issus d’ateliers mené auprès d’enfants. Ils y expriment ce que la ville leur inspire à la fois dans leur imaginaire et au gré de leurs observations. Le regard se porte de bas en haut, du sous-sol aux toits d’immeubles, avant d’être réinventé par les comédiens à travers les péripéties d’une fillette. Mue par sa curiosité, la petite Kore quitte son sous-sol pour découvrir le monde du dehors, ses personnages fantastiques, ses bruits ou ses odeurs étranges qui affectent le monde du dedans : le corps. Un texte d’une grande poésie sert une mise en scène plutôt sobre où seules les marionnettes à taille humaine viennent perturber cette simplicité abstraite. A Corps Perdu n’est donc pas à comprendre comme un scénario avec un début et une fin. Il s’agit plus d’un voyage dans les langues et dans l’imaginaire des enfants — quitte à perdre les spectateurs les plus terre-à-terre en cours de route.

Guillaume Arias

 

A Corps Perdu était présenté le 12/10 au Théâtre du Jeu de Paume (Aix) et du 4 au 8/12 au Théâtre de Lenche (programmation : La Minoterie hors les murs)