Le cinéma L’Alhambra

Le cinéma L’Alhambra

Le bel âge

Bien qu’il soit difficile d’accès et peu mis en avant au sein de la cité phocéenne, l’Alhambra, « l’autre cinéma du côté de l’Estaque », s’est imposé dans les quartiers Nord grâce à l’éclectisme de sa programmation et un soutien important de la municipalité. Une salle devenue incontournable, en attendant de devenir « la Maison du cinéma » en 2013.

cine-alhambra.jpgDimanche, dix-neuf heures : le rideau de velours rouge caresse l’écran et le générique s’emballe. L’unique salle de l’Alhambra fait le plein. Niché au cœur de Saint-Henri, du côté de l’Estaque, ce cinéma réouvert par la municipalité il y a vingt ans est l’un des seuls lieux culturels du seizième arrondissement. Subventionné par la mairie, il propose des tarifs avantageux (4 € la place, 2,50 € pour les enfants). A l’image du quartier, le cinéma est populaire. Mais le plus de l’Alhambra, ce qui fait sa force et sa particularité, c’est qu’il ne s’agit pas « que » d’un cinéma. Des spectacles auxquels participent les habitants y sont organisés et avec les 330 000 euros octroyés par la mairie (50 % du budget du cinéma), l’action culturelle dans les grandes lignes prime. « On s’appuie sur le cinéma pour effectuer un travail de diffusion, explique William Benedetto, directeur-adjoint, mais ce qu’on met en avant, c’est la dimension spectacle du lieu. »
Avec trois films programmés chaque semaine, la salle fonctionne en continu pour les cinéphiles du quartier et d’ailleurs, mais aussi pour quelque « six mille minots ». « Statistiquement parlant, ce sont presque des cinéphiles, se félicite le directeur-adjoint. Aujourd’hui, qui a vu Les Contrebandiers de Moonfleet ? » Dans le cadre du projet « Ecole et cinéma », les élèves voient ainsi deux à trois films par an, accompagnés de leurs enseignants qui travaillent en amont avec eux sur le décryptage de la version originale ou du noir et blanc. La programmation fait ainsi preuve d’exigence, mais reste généraliste. Pour autant, il faut parfois être patient : Avatar est bien projeté à l’Alhambra mais en 2D et deux mois après sa sortie nationale.
La visibilité du cinéma reste un sujet sensible, comme son accessibilité. Quoiqu’il serait plus juste de parler de son inaccessibilité puisque le lieu est quasiment imprenable pour qui n’est pas motorisé. Deux bus par heure le week-end jusqu’à Bougainville ou la gare de l’Estaque pour les plus téméraires. William Benedetto tempête contre ces journalistes paresseux qui ne se déplacent pas et regrette « de ne pas faire de festival ou de ne pas créer le buzz » pour bénéficier d’une oreille attentive et de dessertes régulières. Mais à l’occasion des vingt ans du cinéma en juin, les choses pourraient se débloquer… C’est en tout cas ce que sous-entend, un brin mystérieuse, Eliane Zayan, conseillère municipale déléguée au cinéma et aux industries culturelles : « On est en train de mettre en place une communication spéciale pour mettre un coup de lumière sur ce lieu. » Quant à 2013, l’Alhambra y croit. Un rendez-vous crucial pour ce lieu qui voudrait devenir « la Maison du cinéma ». « Le 15e et le 16e, c’est quand même 100 000 habitants, plus qu’Avignon, rappelle William Benedetto. On a un gros taux de chômage, de la pauvreté, il faut faire un minimum d’efforts ! » Le New York Times, lui, ne s’y est pas trompé. Sensible à cette utopie populaire, il est venu à l’Alhambra fin 2008 pour lui tirer le portrait.

Elise Pinsson

L’Alhambra : 2 rue du Cinéma, 16e. Rens. 04 91 03 84 06 / www.alhambracine.com