Dawin Meckel - DownTown

25 ans Ostkreuz à la Tour Panorama de la Friche La Belle de Mai

Vent d’Est

 

A l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du collectif Ostkreuz, l’Institut Goethe propose, à la Friche, une rétrospective des clichés phares de la célèbre agence de photographie berlinoise.

 

Rendez-vous au quatrième étage de la Tour Panorama, où une faille spatio-temporelle a pris ses aises. Un labyrinthe de photographies nous plonge dans l’univers de la Ostkreuz Agentur et de ses vingt photographes de renom. Au total, pas moins de deux cent cinquante clichés jalonnent les murs immaculés de la Friche pour fêter le quart de siècle de l’agence. Impossible de rester coi devant ce concentré berlinois en pellicule.
Flash back, vingt-cinq ans en arrière, Berlin. Le mur est tombé depuis quelques mois, la ville est en pleine transition, mais les cicatrices de la scission sont encore bien présentes. Les actions se multiplient pour tenter de colmater les plaies et redonner à la capitale allemande ses lettres de noblesse ainsi qu’une identité réunifiée. Un collectif de sept photographes de l’ex-RDA est invité à Paris par François Mitterrand à l’occasion d’une exposition réunissant les stars de la photographie est-allemande. Lors de cette excursion, ces sept artistes décident ensemble de fonder une agence de photographie. Ils lui donnent un nom évocateur : Ostkreuz, d’après une station de métro qui relie l’ancienne capitale de la RDA au reste de la ville. Progressivement, le collectif atteint vingt membres, hommes et femmes de tout âge, mais tous liés de près ou de loin avec la ville la plus avant-gardiste d’Europe. Depuis 1990, l’agence Ostkreuz est devenue incontournable dans le paysage de la photographie allemande. Ses photographes ont parcouru la ville et le monde pour créer un répertoire historique et artistique. Il faut dire que vingt-cinq ans, ça se fête ! Et l’Institut Goethe n’a pas fait les choses à moitié. L’exposition 25 ans Ostkreuz témoigne avec grâce de ces années passées. Architecture, commémorations historiques, portraits intimistes, voyages et photomatons des mille visages de Berlin… cette escapade photographique est d’une richesse quasi infinie. Les styles se mélangent, les thématiques se rencontrent sans jamais pour autant se ressembler : il semble que la ligne directrice de cette démonstration artistique soit le seul talent de ces photographes aguerris.
Quelques chefs-d’œuvre sortent cependant du lot, même s’il est difficile de trancher tant l’émerveillement s’accroît au fil de ce dédale de clichés. Certains photographes ont choisi de magnifier leur ville, en montrant les travaux gargantuesques entrepris dans les années 90. Ainsi, Maurice Weiss s’est laissé envoûter par cette reconstruction pharaonique et nous transmet son émotion à travers les portraits de bâtiments symboliques (notamment le Reichstag) et des ouvriers qui ont œuvré au renouveau de la ville. D’autres, comme Stephanie Steinkopf, Sybille Fendt ou encore Anne Schönharting se sont immiscées dans le quotidien d’Allemands et ont réussi à capter des instants magiques avec une palette d’émotions infinie.
Les photographes d’Ostkreuz ont aussi élargi leurs frontières et nous invitent, à travers leurs photographies, au gré de leurs voyages autour du monde. Ainsi, Jordis Antonia Schlösser nous emmène à La Havane dans une série en noir et blanc totalement hors du temps. Dawin Meckel nous offre quant à lui avec sa série Down Town un bol d’air architectural à Detroit, où les lumières sensuelles et lignes géométriques nous transportent. Avec leurs Jours Etranges, Ute & Werner Mahler se font de leur côté témoins de la beauté spontanée et quasi irréelle du quotidien. Autant de fenêtres ouvertes sur le monde, d’une intensité rare, et qui semblent retranscrire à merveille la « patte » d’Ostkreuz et de ses photographes, dont le travail est aujourd’hui, et depuis vingt-cinq ans, montré dans les plus grands magazines et les plus belles galeries de la planète.
Ce vent berlinois qui souffle désormais au cœur de Marseille n’avait sans doute pas d’autre port d’attache aussi complice de l’avant-gardisme alternatif berlinois que la Friche la Belle de Mai. Il s’agit là d’une exposition hors norme et totalement dépaysante. Si on ne parle pas allemand à la sortie, une chose est sûre : on parlera photo. Ceux qui aiment la photographie seront conquis, les autres vont changer d’avis…

Astrid Börner

 

25 ans Ostkreuz : jusqu’au 10/04 à la Tour Panorama de la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).
Rens. : 04 95 04 95 04 / www.lafriche.org

Pour en (sa)voir plus : www.ostkreuz.de