1962 était présenté au Théâtre de la Minoterie

1962 était présenté au Théâtre de la Minoterie

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Les rives du souvenir

Retour aux sources pour la compagnie Italique, fondée à Marseille, avec 1962. Cet hymne aux amours contrariés dans le contexte de l’indépendance algérienne montre que le passé peut s’avérer bien présent. Attention : œuvre majuscule.

Un homme et une femme contemplent un mur sur lequel sont projetées des images d’archives en noir et blanc de l’Algérie et de Marseille. D’emblée, on comprend par ce dispositif visuel que Marseille et Alger sont des jumelles que la mère Méditerranée relie avec un cordon ombilical bleu. Mystérieuse pour l’enfant qu’a été la metteuse en scène et actrice Valérie Grail, l’Algérie ne l’est pas moins pour l’auteur Mohamed Kacimi, qui a besoin de creuser par l’écriture pour comprendre ce mélange d’attraction/répulsion envers son pays natal. Quoi de mieux que le théâtre pour rencontrer plus directement le public et lui faire partager ses interrogations d’enfant devenu grand via un mélange subtil de récit autobiographique et de fiction ?
Originaire d’Algérie et y travaillant aujourd’hui, Nadia attend un bateau à Marseille pour la rejoindre. C’est dans ce temps suspendu qu’elle retrouve son cousin — et amour d’enfance — Gharib qui, lui, a fui l’Algérie. L’évocation de leurs souvenirs lors de l’indépendance algérienne va permettre de faire ressurgir des émotions enfouies et des rancœurs toujours présentes. Il est donc question de voyages dans le temps et dans l’espace, entre des enfants devenus adultes qui partagent, comme beaucoup de Marseillais, une même histoire. Mais c’est aussi un voyage dans leurs propres émotions auquel sont conviés les spectateurs grâce à un gouvernail littéraire d’une poésie et d’une justesse rares, et à un duo de navigateurs hors pair constitué par les comédiens Valérie Grail et Zachariya Gouram. La mise en scène alliant musique et chants acoustiques au jeu de lumière intimiste n’a plus qu’à souffler dans les voiles du spectacle pour faire passer des sentiments tragiques ou comiques comme seul un ami intime ou un proche pourrait le faire. Les paroles des jeunes Nadia et Gharib sont finalement les meilleurs témoins de l’absurdité de la religion et des traditions familiales quand elles contrarient un amour naissant. A l’issue du spectacle, metteur en scène, acteurs et comédiens ne méritent qu’une chose : une pluie de youyous.

Texte : Guillaume Arias
Photo : Sylvain Ageorges

1962 était présenté au Théâtre de la Minoterie du 4 au 7/11