Raphaël Imbert : N_Y Project

Raphaël Imbert : N_Y Project

J’ai rêvé New York

Après le succès de son précédent album Bach Coltrane, Raphaël Imbert est de retour de New York avec un nouveau disque enregistré en trio. Plus jazz dans la forme, la musique du saxophoniste provençal navigue au cœur de l’imaginaire jazz tout en poursuivant sa quête ascensionnelle.

RAPHAEL-IMBERT-C-CLAIRE-BEG.jpgMusicien autodidacte et « théoricien » du jazz, Raphaël Imbert est un vrai boulimique de musique, la mangeant par les deux bouts, toujours avec le sourire. Lauréat de la Villa Medicis avec pour sujet de recherche « Du spirituel dans le jazz », il est l’un des rares qui parle aussi bien de la musique qu’il en joue. Chez lui, la musique prend sa source dans cette dimension invisible — presque indicible — des musiques improvisées, au cœur de cette quête magnifique et presque vaine du transcendant et du sacré, de l’extatique et du mystique. Comme sur son disque précédent, le sublime Bach Coltrane, qui réussissait le grand écart présumé entre baroque et free-jazz, les titres de N_Y Project touchent à l’essentiel, et s’accordent aussi bien à la quête personnelle d’un jeune musicien ambitieux qu’aux revendications identitaires d’un mouvement musical. Nous sommes ici dans ce grand tout qui donne aux musiques profondes et aux artistes talentueux l’intemporalité et l’universalité. Mais n’allez pas croire que ces élans théoriques vous priveront du plaisir instantané d’entendre et d’apprécier « simplement » de la musique : la profondeur n’empêche pas l’immédiateté de l’écoute. Nul besoin d’une culture musicale approfondie ou d’une thèse en musicologie pour apprécier les treize plages qui composent ce disque. « Le jazz est à la fois une musique de danse et une musique intello. Il doit garder différents degrés d’écoute », précise son auteur qui se sent parfois à l’étroit dans un milieu souvent trop rigide. N-Y Project est un disque chaleureux, les timbres y sont caressants, et les solos moins enfiévrés que par le passé. Tout ici respire la sérénité et la maturité. Mais aussi la sensibilité, presque la sensualité, qui offre aux chorus de Raphaël Imbert toute la chaleur de la voix humaine, touchante et plaintive comme sur The Zen Browman : Arrow (grand moment d’extase). Les réminiscences passées agissent comme des touches légères et subtiles, qui inscrivent le disque dans une histoire longue et toujours vivante. C’est certainement pour cela que les compositions de Raphaël Imbert sont « serties », comme entre parenthèses, entre deux reprises qui ouvrent et closent le disque. La première du grand Duke, et la seconde du génial Coltrane. Il faudrait peut-être ajouter les noms d’Albert Ayler et de Pharoah Sanders pour compléter une quadrilogie auquel le saxophoniste semble vouer un culte sans bornes… N_Y Project peut être perçu comme l’hommage d’un jazzman européen à une ville et ses acteurs afro-américains, mais un hommage qui n’est pas niais, ni vain, exactement le contraire de celui d’un adolescent attardé aux yeux brillants d’inculture et de dévotion. Pourtant, l’idylle entre le musicien et la Grosse Pomme a plutôt mal démarré : « Pour moi, New York a été un choc, dans le mauvais sens du terme : je n’y ai pas trouvé ce que je cherchais. Une vraie déception. Il y a une grosse différence entre ce que représente la ville et la manière dont les choses ont évolué. » Nouvelle étape d’un parcours atypique, cet album new-yorkais de Raphaël Imbert, c’est un peu l’histoire d’un homme qui, en se rapprochant de ses origines artistiques, affirme tout autant sa filiation que son émancipation. Vous l’aurez compris, nous avons ici affaire à un grand disque, à un artiste ayant une vision et un langage propres. Confirmation sur scène, pour ceux qui en douteraient encore, le 19 octobre à la Cité de la Musique.

Texte : nas/im
Photo : Claire Beguier

Dans les bacs : N_Y Project (Zig-Zag Territoires/Harmonia Mundi)
En concert le 19/10 à la Cité de la Musique
www.myspace.com/raphaelimbert