Tragédie d'Olivier Dubois © Christophe Raynaud de Lage

Pour tout l’or du monde & Tragédie de Olivier Dubois

De son corps défendu à notre corps défendant

 

A Aix et Martigues, le chorégraphe Olivier Dubois livre deux pamphlets contre un ordre érigé du monde. Deux succès de son répertoire, unanimement salués à Avignon, qui pourraient bien bousculer la monotonie de l’hiver chorégraphique.

 

Il y a chez Dubois quelque chose de fascinant dans la détermination qu’on peut lire dans ses yeux, une endurance jamais dure, une séduction forte qui ne laisse pas de glace, tant le cœur n’est pas de pierre.
Interprète hors norme de chorégraphes renommés (Nasser Martin-Gousset, Jan Fabre, Angelin Preljocaj…), Olivier Dubois est dans le solo présenté cette semaine au Pavillon Noir ce garçon fou de la chanson d’Enrico Macias, « attiré par tout ce qui brille ». Initialement proposé au Festival d’Avignon en 2006, Pour tout l’or du monde condense les paradoxes de l’interprète danseur, qui navigue d’un monde à l’autre, ici du ballet classique à la pole dance.
Là, l’homme se met à nu, déshabillant littéralement tous les préjugés qui voudraient trop enfermer le danseur dans une voie de ballet. Avec impertinence, il  décloisonne ces univers qui nous semblent moralement si éloignés en un même lieu de monstration et se joue en clown cynique des carcans du geste.

Avec Tragédie, également créé à Avignon (2012), l’impertinence de la première pièce cède sous le rouleau compresseur de la masse humaine. Le propos quitte la sphère individuelle pour devenir universel, et s’affirmer au-delà de la danse. Sur le plateau, dix-huit corps — neuf hommes, neuf femmes — vont s’emparer du plateau comme du monde, usant du stratagème scénique de l’apparition/disparition, désormais « classique » des œuvres contemporaines. Le corps individuel devient progressivement collectif, à la force d’une marche organisée, simulacre d’un ordre du monde et prélude inattendu à l’agitation des corps qui va conduire en quatre-vingt-dix minutes au désordre apocalyptique. Cette Tragédie témoigne efficacement du ravage de la modernité, se faisant chair du grand corps malade qu’est l’humanité.

Joanna Selvidès

Pour tout l’or du monde : du 14 au 16/11 au Pavillon Noir (530 avenue Mozart, Aix-en-Provence).
Rens. 04 42 93 48 00 / www.preljocaj.org

Tragédie : au Théâtre des Salins (19 Quai Paul Doumer, Martigues).
Rens. 04 42 49 02 00 / www.theatre-des-salins.fr

• Pour en savoir plus : www.olivierdubois.org