Marseille 2013.OFF : on refait le match !

Marseille 2013.OFF : on refait le match !

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Le collectif Marseille 2013 n’avait pas attendu les institutions locales pour lancer l’idée d’une candidature de la cité phocéenne pour devenir capitale européenne de la culture. Il n’a pas attendu non plus pour lancer le Off de la manifestation, via un match de foot joyeusement bordélique opposant les deux plus « sérieux » candidats au poste de « General Director of Marseille 2013 ». Le tout sous les yeux de Jean-François Chougnet, nouveau (vrai) boss de MP 2013.

Jamais à court d’idées, le collectif à géométrie variable décide, à la démission de Bernard Latarjet, d’organiser des élections pour trouver un nouveau directeur à la capitale culturelle. Une cinquantaine de candidats — dont beaucoup d’animaux — se présentent spontanément, du chien Saucisse à Bob l’Eponge, en passant par Eddy le petit âne. Sur Facebook, la campagne bat son plein, Zarafa la girafe et Gaston Defferre se démarquant par une inventivité et un humour de tous les instants. Un match de foot — astucieusement intitulé « La lutte finale » — est alors organisé sur les plages du Prado pour les départager. Arbitré par l’architecte Rudy Riciotti, parrain du Off, la rencontre tient toutes ses promesses : joueurs du dimanche, équipes et corps arbitral passablement éméchés, supporters de mauvaise foi, corruption à coups de paquets de chips, gardiens en babouche, erreurs d’arbitrage et doubles penaltys sont au programme. L’équipe de Gaston finit par l’emporter aux tirs aux buts, mais à l’instar de la situation ivoirienne, les deux candidats revendiquent la victoire, et le poste. Jusqu’à la démission, la semaine passée, de la ruminante, qui aurait été menacée de mort… Rencontre.

Pourquoi avoir postulé à la fonction de « General Director » de Marseille 2013 ?
ZlG :
Je me savais assez légère et irresponsable pour prendre la succession de Bernard Latarjet. C’est à peu près tout. Mon adversaire, Gaston Defferre, avait, lui, pesé au gramme près les divers avantages offerts par la fonction. Ma nature, plus fantasque, fait que je n’ai pas vraiment réfléchi à la question, pas plus qu’aux conséquences, bien que la candidature d’une girafe représenta pour Marseille 2013 un nivellement par le haut.
GD : Face aux embrouilles incessantes et au favoritisme inquiétant, j’ai décidé de revenir sur la scène marseillaise après des années de repos politique. Faisant fi des mauvaises langues qui m’avaient déclaré mort trop tôt, j’ai créé un compte Facebook afin de pouvoir informer mes plus fidèles détracteurs de ma résurrection. Quel poste pouvait mieux convenir à ma pointure que cette institution en perdition qu’est la culture dans notre capitale phocéenne ?

Que pensez-vous de la visibilité de l’art et de la culture à Marseille ?
ZlG :
Tout le monde n’a pas la chance de mesurer six mètres de haut. La culture est très présente dans la ville, mais pour la visibilité, il faudra repasser. C’est aussi le charme des acteurs culturels locaux de ne pas être trop élitistes et de se fondre comme un sucre dans le marc de cité. C’est aussi une faiblesse, puisque Marseille Provence 2013 a trop peu puisé dans ce vivier pourtant volontaire et disponible quand il s’agit de remuer Marseille.
GD : L’art quoi ? La cul… quoi ? Il n’y a pas grand-chose au final ! Entre le musée d’art contemporain à la dérive, la Vieille Charité fréquemment fermée pour raisons budgétaires de chauffage et d’absentéisme inquiétant (le personnel serait frappé d’une étrange maladie pour le tiers de ses effectifs !), les divers festivals musicaux baladés chaque année aux quatre coins de la ville, la culture dans les institutions donne un léger sentiment d’abandon.

Que vous inspire Marseille Provence 2013 ?
ZlG :
C’est une chance pour Marseille, qui se donne l’occasion de sortir des clichés la tête haute et toute peinturlurée de fête. Du haut de mon cou, je ne vois encore rien émerger des fameux grands contenants culturels qu’on nous a promis. Un contexte qui tranche avec le dynamisme foufou du Off qui se revendique aussi d’une vraie passion pour la création. Bien sûr, le Off ne sera jamais le plan B du In, mais il constitue une grande bassine d’air frais et mérite d’être mieux considéré, et donc plus aidé, par les pouvoirs locaux. Je milite d’ailleurs pour un recouvrement en canisse du Stade Vélodrome afin de dégager un vrai budget pour la création made in Marseille.
GD : Il est trop tôt pour avoir une opinion tranchée : grandes ambitions… petites réalisations ? Fortes subventions déjà dépensées… seule réalité !

Comment avez-vous préparé la « lutte finale » ?
ZlG :
Je ne pouvais pas me rendre sur le lieu de la compétition car les autorités vétérinaires refusaient qu’une girafe people déambule sans vaccination anti-rabique à proximité de Gaston l’enragé. J’ai donc poussé un cri strident sur la toile pour recruter des joueurs et je dois dire que beaucoup de mes amis se sont spontanément proposés à des postes souvent créatifs et totalement improductifs. Le jour J, sur le terrain, nous étions juste assez de volontaires pour engager la partie au baby-foot. La providence a voulu que de jeunes athlètes brésiliens s’entraînent à l’arrivée de mes coachs, qui leur firent aussitôt signer un contrat d’exclusivité. Une pêche miraculeuse qui nous rapporta dix buts, dont cinq furent refusés pour des raisons inexplicables…
GD : Un match, c’est une équipe. Merci à ma directrice de campagne, Amandine, qui s’est échinée à sélectionner parmi la crème des acteurs sportifs dominicaux une équipe représentative de notre qualité et de notre professionnalisme dilettante.
Un entraînement rigoureux et un coaching vigoureux ont boosté le moral des troupes.

Quels enseignements tirez-vous du match, de l’arbitrage ?
ZlG :
Depuis soixante-dix ans, Marseille immole ses girafes et pontifie son Gaston. C’est la tradition, que voulez-vous ! Mon équipe menait 6 à 5 à la fin du temps réglementaire. L’arbitre Rudy Riciotti, grand amateur de tirs aux buts, a décidé de remettre les compteurs à 5-5 pour satisfaire son fantasme. Le premier, magnifique boulet de canon de la part du benjamin de l’équipe Zarafa, sera d’ailleurs refusé, comme beaucoup d’autres. Je pense, sans m’enflammer, que nous sommes devant un scandale au moins comparable à l’affaire OM/Valenciennes. Je remercie au passage mon capitaine, l’âne Eddy, qui s’est battu comme un beau diable, même s’il a failli perdre un œil suite à l’agression sur le terrain d’une supportrice armée d’un panneau de propagande affichant « Zarafa = pizza ».
GD : L’arbitrage a été tout à fait honteux, mais si on veut être honnête, il nous a aussi favorisés une fois ou deux, juste de quoi faire râler la girafe et toute sa propagande.
Ils ont probablement voulu par là avoir l’air impartiaux, ce qu’ils n’ont clairement pas été, car sur les vidéos, on voit bien le corps arbitral sauter de joie lors des buts zarafiens !
Cela n’aura pas suffi à abattre notre soif de faire vaincre la justice, et l’aura même décuplée. Et on peut sans trop se tromper affirmer que cette volonté arbitrale de fausser le match a galvanisé nos Defferriens, leur permettant ainsi de résister et même de l’emporter au finish face aux joueurs quasiment professionnels que nous avait infligés une Zarafa bien étrangère à toute étique sportive.

L’issue de la rencontre nous fait penser à la situation ivoirienne : deux directeurs pour Marseille 2013 (sans compter Jean-François Chougnet). Prouvez-nous que vous êtes le Ouattara de la culture marseillaise !
ZlG :
La comparaison est évidente et d’ailleurs, je me suis autoproclamée directrice générale de Marseille 2013 à l’issue du match, que nous avons remporté à force de prouesses footballistiques de haute volée. Une posture que j’ai depuis abandonnée car pour faire ma Ouattara, il me fallait le soutien de la communauté internationale, a minima locale. Or, le silence de l’ONU13 est édifiant et les trublions de Marseille 2013, à l’origine de ma candidature, se sont évaporés dans la nature. Seul Jean-François Chougnet me soutient encore et endosse courageusement, toutes les nuits, en signe de protestation, le t-shirt de Zarafa qu’il a acheté le jour de la compétition.
GD : Il ne faut pas oublier que Gbagbo a été d’abord perçu comme un libérateur, avant de montrer son vrai visage…
Zarafa nous fait fortement penser, par ses incessantes allégations quant à des soi-disant corruptions en tout genre qu’aurait faites toute personne se dressant sur son chemin, à ce Gbagbo « dernière heure ». Celui qui, enfin perçu comme un véritable dictateur aux yeux du monde entier, n’a cessé d’essayer de se faire passer pour un démocrate en stigmatisant tout opposant comme tricheur. Mais les urnes et le stade ont fini par faire éclater la vérité aux yeux du peuple marseillais. Le putsch girafien a échoué.

Quelles orientations culturelles comptez-vous donner à Marseille 2013 ?
ZlG :
J’avais au départ le vague projet de redonner du peps aux initiatives locales en m’aidant d’une pince monseigneur ou d’une clé de douze, ce genre d’outil qui vous ouvrent les fonds de l’institution, que je m’apprêtais à diriger avec rigueur. Désormais, mon statut de perdante superbe m’impose un devoir de retrait pour laisser au Gastounet le loisir de siester. Pour autant, je demeure une indécrottable actrice de Marseille 2013 et l’ouverture de ma nouvelle page Facebook (1) est une joyeuse invitation à suivre, au gré de mes humeurs, les aléas et les alléluias de cette belle aventure culturelle. Car je suis une girafe sandwich, ne l’oubliez pas, porte-parole des bonnes initiatives du Off et accessoirement du In. Une façon aussi de rappeler à Gaston Defferre qu’il me trouvera lascivement allongée sur son chemin chaque fois qu’il lui prendra l’envie de bifurquer !
GD : Panem, vinem, circem : toutes les ivresses seront encouragées dans les maisonnées des Marseillais pour une créativité citoyenne débridée.
De plus, je me déclare en faveur de l’instauration de la vidéo, parce que même avec cinq arbitres, la visibilité de l’art et de la culture n’est pas évidente… ni sa compréhension d’ailleurs.
Marseille, bouche de vieille, ceux qui vont cultiver te saluent !

Propos recueillis par Cynthia Cucchi
Photo : Nathalie Boisson

Pour suivre l’actualité du Off :
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