Home Sweet Home, maison de Zaza, Gignac, décembre 2016

identités remarquables | Alias Ipin

Nature peinture

 

Il peint, sans cesse et partout, Germain, derrière son Alias qui nargue le peintre en lui. Il diffuse et recouvre, les murs, les façades, les toiles. Le reste paraît être concept et entrave.

 

« J’ai la chance de ne pas avoir reçu de formation classique, contrairement aux copains qui ont fait les beaux-arts, je n’ai aucune référence et aucune technique, et du coup pas de barrière. » Il mime la main dont le trait s’arrête.

Pas d’inhibition dans le dessin, pas de complexe face à une histoire de l’art monumentale. Alors, face à tant de liberté de ton, on clôt immédiatement le débat sur l’identité et le devenir du street art ?

Tout en haussant les épaules et en enfonçant la tête dans sa capuche, Germain explique, sans gêne aucune, être affecté et concerné par les enjeux de la chose, de la cause. Il y a obligation à se positionner. Parce qu’on vient de la rue, parce qu’on évolue avec ce mouvement qui grandit et se déforme, mais surtout parce que tout ce qu’on fait est parole et dialogue. La croissance fulgurante du genre, sa récupération médiatique interroge : « Was I Really ? »

L’aspect polymorphe de cet artiste et sa distance face à une identité artistique lui font prendre ce pseudo, Was I Really, pour se présenter. La problématique la plus complexe, celle qui fait s’entrechoquer les visions au sein du milieu, est celle de ce monstre engendré par le succès commercial du street art. Le graff en galerie ? La photo d’un collage sur une façade ? Qu’est-ce qui est street art aujourd’hui ? En évoquant le travail d’artistes qu’il admire et regrette de ne pas voir célébrés, il conclut qu’ils ne rencontrent jamais ce succès débordant. Le décalage entre les institutions, le public et les artistes grandit. Le street art qui se vend n’est qu’une image du street art.

Ipin se moque des cases. Les cases, c’est exactement ce qu’il s’attèle à exploser chaque jour dans sa pratique. Les cadres, les limites sont le support, le départ, de son travail graphique d’extension. Bousculer les lignes, déstructurer les matières. Loin de la parole, tout ceci est message. « Tout est propos, oui… je crois qu’on a vieilli », sourit-il.

Germain retrace son parcours de graffeur artiste aux côtés d’associations et de collectifs. Groupes engagés, hors des lignes. Collaborations et partenariats qui le mènent de la résidence Aux Tableaux ! jusqu’à des expositions internationales.

Son dernier projet le voit investir une zone pavillonnaire de Gignac. Arrivé là par le hasard d’un détour amical, il découvre cet ensemble charmant de petites bâtisses. Tout est voué à être détruit, les lois de l’immobilier… De façon spontanée, Alias Ipin prend ses pots de peinture et commence à recouvrir de croix, traits et barres les façades de ces maisons. D’instinct, il recouvre de peinture les ouvertures et se sert de cette trajectoire comme mouvement. Puis il s’en va. Avant de revenir sur ce geste, d’y penser.

« Mon intention est de montrer à quel point la fabrique de la ville peut se montrer inhumaine. Comment des décisions administratives, aussi fondées soient-elles, sont capables de créer des situations qui aboutissent à la négation de l’individu. Comme on dessinerait une croix dans la case d’un quelconque formulaire… ou sur une façade de maison. Ce que j’ai (re)découvert grâce à ce projet, c’est que l’art crée du lien et avec quelle évidence ces quelques traits de peinture ont réuni des gens. Ce n’est pas fini. »

L’exposition à la Cité des Arts de la Rue retrace exactement ce cheminement sincère et évident. Et son impact concret visible. Une large et belle marque.

Fanny Bernard

 

  • Alias Ipin – Home Sweet Home : jusqu’au 15/12 à Lézarap’Art – Cité des Arts de la Rue (225 avenue des Aygalades, 15e).
    Rens. : www.lezarapart.com

  • Exposition Broken Line (avec Goddog et Théo Lopez) : du 27/09 au 4/11 à l’Appartement (68 rue Montgrand, 6e).
    Rens. : lappartement-marseille.com

Pour en (sa)voir plus : aliasipin.com