Ahamada Smis

Identités Remarquables | Ahamada Smis

Sonore et Comores

 

Le slammeur groovy franco-comorien Ahamada Smis dévoile son nouvel album, Afrosoul, et fait tomber les frontières. À la croisée entre culture hip-hop et chansons traditionnelles de son archipel, son approche solaire et sa poésie urbaine invitent au voyage et à la réflexion.

 

Arrivé à Marseille dans les années 70, Ahamada Smis ne quittera plus la cité phocéenne. Grand bien nous fasse ! Car après avoir passé les dix premières années de sa vie aux Comores, il arrivera chargé de sa culture et de ce qu’il qualifie comme « la richesse de ses îles » : la musique.

« Il s’est approprié le temps, s’en est fait un compagnon. » L’auteur-compositeur-interprète occupe la scène musicale locale depuis presque vingt ans. Satellite des célèbres IAM à l’époque des mixtapes cassettes sur le Vieux-Port, nous sommes bientôt en 1990 quand il commence à rapper sur les faces B des vinyles échangés avec les marins américains : une révélation. Il se jette à l’eau et reprend assidûment l’écriture quelques années plus tard en sortant son tout premier maxi 45 tours, Gouttes d’eau, sur sa propre structure/label, Colombe Records. Fièrement soutenu par le collectif 3e Œil, qui aura su repérer immédiatement la fraicheur et l’identité bien trempée de l’artiste, il multiple les projets et affirme son style. Des collaborations avec Shurik’n en passant par Faf La Rage, le monde de la profession s’ouvre à lui, permettant à sa musique de s’exporter jusqu’en Allemagne, aux Francofolies de Berlin, où Arte dressera son portrait pour l’émission Trax.

Aujourd’hui, l’enfant des Comores présente un troisième opus, enregistré au studio Da Town de Marseille. (Bien) Entouré du bassiste américain Reggie Washington et du batteur Ulrich Edorh, le poète n’en perd pas ses mots, garantissant un rap/slam engagé et métissé, toujours salutaire.

« J’ai fait du rap, mais si je suis devenu celui que je suis aujourd’hui, le Comorien, l’Occidental, c’est parce que je ne rejette pas la culture qui m’a vu grandir. C’est ce qui m’a construit, une richesse. Je suis le fruit de ce croisement des cultures et j’essaie de présenter une musique qui retranscrit tout ça. »

Le premier morceau, Gamina Ndzaya (J’ai faim en VF), s’inspire de ses souvenirs d’enfant et relate des problèmes majeurs que le continent africain connaît encore, hélas, aujourd’hui : fracture entre riches et pauvres, misère, famine, corruption politique… Pourtant, malgré des messages poignants, il serait naïf de s’attendre à des mélodies sombres invitant à la lamentation. Bien au contraire, Ahamada Smis véhicule des paroles fortes et sincères sur les rythmes jubilatoires, entrainants et colorés de l’Océan Indien.

Suite à son deuxième album, Origines, réalisé en immersion comorienne, Afrosoul émerge de la rencontre entre musiques traditionnelles (samplées et rejouées entièrement par l’autodidacte) et rythmique hip-hop. Gaboussi (luth) et dzendzé (harpe) font résonner élégamment un melting pot aux arrangements soul.

L’univers d’Ahamada Smis repose sur son authenticité. Un bagage qui l’accompagne à travers le globe. Il écrit, par exemple, Esclave 2017, entre le fort de Stone Town, ancien marché d’esclaves à Zanzibar, le mémorial à Salvador de Bahia, et achève le morceau à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) : un parallèle entre la route des esclaves et l’esclavage moderne.

Le clip de Malaïka, hommage à chacun des anges qui traverse nos vies, est sorti le 12 avril dernier. Une belle occasion de prêter une oreille attentive à l’un de ces bijoux de sonorités.

 

Amandine El Allaui

 

Ahamada Smis était le 15 avril au Mucem dans le cadre du Festival Les Voix des l’archipel des Comores.

Dans les bacs : Afrosoul (Colombe Records)

Pour en (sa)voir plus : https://www.facebook.com/ahamadasmis/