Andrea Chénier

Opéra en quatre actes d’Umberto Giordano sur un livret de Luigi Illica par l'Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Toulon (2h45). Direction musicale : Jurjen Hempel. Mise en scène : Nicola Berloffa

Acte I
Le palais de la Comtesse de Coigny se prépare pour un bal. Carlo Gérard, le majordome, est outré de voir son père se tuer à la tâche pour ses maîtres. Seule Madeleine, fille de la Comtesse, échappe à ses remontrances car il en est amoureux. Les invités arri- vent, dont le célèbre poète Andrea Chénier. Madeleine lui demande d’improviser un poème, il refuse car l’inspiration l’a quitté. Mais quand Madeleine et les autres filles se moquent de lui, il se fâche et imagine un poème sur la souffrance des pauvres, terminant par une tirade contre le pouvoir de l’Église et de l’État qui choque les invités. Plus tard, le bal est interrompu par une foule affamée. Chénier les présente en annonçant l’arrivée de la «Grande Misère». La comtesse les chasse et le bal continue comme si de rien n’était.
Acte II
Quatre ans plus tard, en pleine Terreur, Bersi, la servante de Madeleine discute avec un Incroyable. Espion de Robespierre, il soupçonne Madeleine et Chénier d’être contre-révolutionnaires. Chénier retrouve son ami Roucher qui l’encourage à fuir pour échapper aux accusations dont il est la cible. Mais le poète refuse, il attend Madeleine. L’Incroyable part prévenir Gérard, devenu un officier puissant. Ce dernier est blessé, il dit à Chénier de fuir et de protéger Madeleine. Alors que les amants s’apprêtent à partir, Gérard les arrête. Madeleine s’enfuit avec Roucher alors que Chénier et Gérard se battent en duel.
Acte III
L’espion Incroyable rapporte à Gérard que Chénier a été capturé au Luxembourg, Madeleine ne devrait donc pas tarder à arriver pour le voir. Afin d’assurer un procès et la venue de Madeleine, Gérard songe à écrire des fausses accusations contre Chénier, mais il hésite car ce serait trahir ses idéaux révolutionnaires. D’abord soumis à ses maîtres nobles, maintenant à son désir pour Madeleine, il finit par rédiger le faux acte d’accusation. Madeleine arrive pour supplier Gérard de sauver Chénier. Gérard admet l’avoir fait arrêter pour la manipuler. Il lui confesse son amour. Madeleine est prête à sacrifier sa vertu pour sauver Chénier. Touchée par l’amour qu’elle porte au poète, Gérard se ravise et plaide sa cause au tribunal. Trop tard : le tribunal condamne Chénier à la guillotine.
Acte IV
Dans la prison de Saint Lazare, Chénier attend son exécution en rédigeant des vers sur la Vérité et la Beauté. Madeleine entre avec Gérard pour un dernier adieu, puis soudoie le geôlier pour qu’il la laisse prendre la place d’une femme noble condamnée à mort. Madeleine et Chénier chantent leur amour et la délivrance prochaine avant d’être conduits, ensemble, à la guillotine.

Opéra en quatre actes d’Umberto Giordano (1867-1948)
Livret de Luigi Illica (1857-1919)
Création : Milan, La Scala, 28 mars 1896
Direction musicale Jurjen Hempel
Mise en scène Nicola Berloffa
Décors Justin Arienti
Costumes Edoardo Russo
Lumières Valerio Tiberi

Maddalena de Coigny Cellia Costea
Bersi Aurore Ugolin
La Comtesse/Madelon Doris Lamprecht
Andrea Chénier Gustavo Porta
Carlo Gérard Devid Cecconi
Roucher/Fléville Wojtek Smilek
L’incroyable/L’abbé Carl Ghazarossian
Mathieu/Populus Geoffrey Salvas
Majordome/Dumas Cyril Rovery
Fouquier-Tinville/Schmidt Nicolas Certenais

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Toulon

Coproduction
Fondazione Teatro Comunale di Modena,
Fondazione Teatro Regio di Parma, Fondazione Teatridi Piacenza,
Fondazione « I Teatri » di Reggio Emilia,
Fondazione Ravenna Manifestazioni, Opéra de Toulon

Opéra de Toulon
Du 11 au 15 oct. : mar, ven 20h - dim 14h30
5/72 €
http://www.operadetoulon.fr/
Boulevard de Strasbourg
83000 Toulon
04 94 92 70 78

Article paru le mercredi 2 octobre 2019 dans Ventilo n° 434

Andrea Chénier d’Umberto Giordano et Luigi Illica à l’Opéra de Toulon

Au pied de l’échafaud, j’essaye encore ma lyre...

 

Pour sa rentée, l’Opéra de Toulon présente Andrea Chénier, un drame lyrique sur fond de Révolution française, dont le panorama spectaculaire ne manque pas pour autant de déplier les grandeurs de l’intime.

  C’est dans la prison Saint-Lazare où il attend d’être guillotiné qu’André Chénier compose les meilleurs de ses vers. La Révolution, après l’avoir enthousiasmé puis épouvanté, va dévorer maintenant cet idéaliste fait pour l’amour et la poésie. La veille de son exécution, il écrit encore une ode à sa muse Melle de Coigny : « Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphire, Anime la fin d’un beau jour, Au pied de l’échafaud, j’essaye encore ma lyre. Peut-être est-ce bientôt mon tour... » Le 7 thermidor de l’an II, la Terreur en fera un martyr du romantisme naissant. Un siècle plus tard, le librettiste Luigi Illica offre au jeune compositeur Umberto Giordano un drame émouvant inspiré de cet épisode tragique. Après deux échecs et un fiasco retentissant, Umberto est plongé dans le doute. Dans la mansarde où il abrite sa bohème, il parvient pourtant à relever l’étendard du poète sacrifié et compose, avec la ferveur de ceux dont l’existence vacille, l’opéra qui va le sortir de l’ombre et du besoin. En écho à l’élan passionné de Chénier, il fait jaillir les promesses de la beauté face à la dureté des temps et au dénuement des cœurs comme une soif qui ne s’éteint jamais. À croire qu’il avait raison d’espérer puisque son œuvre n’a jamais quitté le répertoire depuis sa création triomphale en 1896 à la Scala de Milan.   Le Grand Théâtre de Toulon repeint en bleu blanc rouge L’Opéra de Toulon a coproduit avec cinq théâtres lyriques italiens cet Andrea Chénier de Giordano et Illica, dont les premières représentations à Modène en février dernier ont démontré la haute tenue artistique. Le metteur en scène Nicola Berloffa y brosse une grande fresque héroïque où la peinture d’histoire s’invite dans le décor et ménage une distance avec la violence de l’échafaud en érection permanente sur la scène. Le regard de ces grands tableaux en surplomb semble soumettre la cruauté des évènements à notre réflexion. Tandis que l’élégante frivolité de l’Ancien Régime disparaît, le foyer des passions s’assombrit inexorablement sous une lumière d’orage signée Valerio Tiberi, rehaussée de quelques notes vives, rouges et bleues évidemment, par les costumes d’Edoardo Russo. La force des caractères et la profondeur grave des sentiments s’y expriment dans des scènes resserrées ou, au contraire, au moyen de masses chorales aux mouvements effervescents dont l’alternance renouvelle la tension dramatique. Le trio vocal proposé à Toulon est capable de relever les défis musicaux dont se sont emparés les plus grands ténors et sopranos véristes. Le baryton Devid Cecconi incarnera le citoyen Gérard, catalyseur ambigu du désastre, dont les contradictions intérieures forment un personnage clé, à la subtile évolution psychologique, auquel le compositeur a confié quelques airs décisifs de la partition. Le rôle-titre échoit à Gustavo Porta. Le ténor argentin, au souffle large, entonnera de toute sa vaillance expressive ses hymnes à la patrie, à l’amour de son prochain ; mais surtout, sur un mode plus élégiaque, à celui qu’il porte à Madeleine de Coigny, entrainés tous deux par une fatale nécessité vers un destin pressenti dès le second acte : « Credo a una possanza arcana ». Ah ! Madeleine, si vulnérable dans l’épreuve. C’est bien le diable si le cœur ne nous pince pas lorsque la soprano Cellia Costea exhalera sa plainte déchirante de l’acte III La Mamma Morta au pathos irrésistible ou si l’exquis duo d’amour final n’aiguise un peu plus la fine pointe de notre sensibilité. Pas moins de dix autres protagonistes se partagent les générosités mélodiques de l’œuvre. À la baguette, le directeur musical Jurjen Hempel nous fera apprécier l’éloquence raffinée d’une orchestration néanmoins puissamment architecturée au bénéfice de la dynamique d’ensemble d’un si vaste plateau vocal. Il y a dans cette combinaison de l’intime et du grandiose, du solennel et de l’intériorité, matière aux plus belles réalisations lyriques. Il y a fort à parier que ce premier opus de la saison toulonnaise s’inscrira, sinon dans l’histoire, du moins dans les mémoires.  

Roland Yvanez

 

Andrea Chénier d’Umberto Giordano et Luigi Illica : du 11 au 15/10 à l’Opéra de Toulon.

Rens. : 04 94 92 70 78 / www.operadetoulon.fr/