Hommage au poème éponyme qu’Antonin Artaud consacre au rite du soleil noir chez les Tarahumaras du Mexique, le solo Tutuguri consiste en une « danse sonore » hallucinatoire. Flora Détraz y met en scène son corps ventriloque, celui d’une femme-médium possédée par une multiplicité d’esprits, d’identités et de récits, autant d’êtres non identifiés auxquels elle donne corps et voix. Jouant précisément sur leur dissociation, la performeuse fait entendre un large spectre de sonorités (chant, chuchotis, bribes de conversations, bruits d'animaux, cris de nourrissons ou cliquetis d’aliens) le plus souvent placées dans un rapport de télescopage ou de déphasage avec la gestuelle. Elle prend ainsi sur scène des formes déroutantes et devient ce monstre burlesque, parfois inquiétant, à la lisière des mondes qu’il semble avoir engloutis. Entre la poésie sonore et la performance chorégraphique, la pièce de Flora Détraz explore les interstices entre l’audible et le visible, occupant un écart où logent les possibles et fleurissent les imaginaires.
Flora Détraz est danseuse, chorégraphe, vocaliste et réalisatrice. Après un cursus en danse classique au conservatoire de Boulogne-Billancourt et des études littéraires et philosophiques en classe préparatoire à Paris, elle intègre la formation du centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape, sous la direction de Maguy Marin. Elle rejoint ensuite le cycle de recherches chorégraphiques du Forum Dança, à Lisbonne, ville dans laquelle elle habite pendant 9 ans. Lors de son parcours, elle a l’opportunité de rencontrer des artistes telles que Meredith Monk, Marlene Monteiro Freitas, Vera Mantero, Meg Stuart ou encore Lia Rodrigues, qui inspirent sa propre pratique. Depuis 2013, elle développe au sein de la structure PLI, des projets chorégraphiques et vocaux qui explorent les liens entre le visible et l’invisible et interrogent les convenances sociales, à travers le corps.
WE HAVE DECIDED NOT TO DIE est un film et spectacle musical basé sur une exploration des corps en lien avec l’architecture. Inspiré par les archives du projet architectural Reversible Destiny- Healing Fun House, une "éco-communauté queer", imaginé par les artistes, poètes et architectes Madeline Gins et Shusaku Arakawa. Dans la droite lignée de ses travaux précédents Louise Siffert transforme ces archives en objet à travers une forme ludique, poétique et plus accessible, la plasticienne reproduit ainsi un espace scénographique et lumineux haut en textures et en couleurs. Dans cet environnement à l’esthétique prononcée, propice à l’expression des singularités, Louise Siffert renoue avec les intentions esthétiques et politiques du duo Gins et Arakawa qui élaborait des structures capables d’émanciper les corps des normes, des dispositifs de contrôle ou des processus d’idéalisation, et peut-être même de défier la mort.
Louise Siffert, née en 1988 à Strasbourg, se forme à la scénographie avant d’intégrer l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts à Paris. Elle est membre de DOC !, espace artistique autogéré à Paris.Monde du travail et aliénation, recherche du bien-être, place des habitudes : les performances de Louise Siffert interrogent et mettent en relation ces thématiques actuelles dans une mise en scène théâtrale et burlesque. Ancrant son travail dans des réflexions scientifiques et sociologiques (théories queer, études du genre, études décoloniales...) Louise Siffert crée des personnages aux caractères exacerbés, surexploitant les codes de langage et de comportement qui leur sont attribués.
Son travail a été montré au Palais de Tokyo, au MO.CO Panacée à Montpellier, à la synagogue de Delme, aux Laboratoires d’Aubervilliers, à L’Atelier de Paris - Carolyn Carlson, au Théâtre Nanterre Amandiers, au CAC Brétigny, au CAPC de Bordeaux et dans le cadre d’une exposition solo au BBB centre d’art à Toulouse. Elle est lauréate du projet «La Vie Bonne» en 2020, soutenu par AWARE : Archives of Women Artists, recherches et expositions et le CNAP-Centre national des arts plastiques. Ses œuvres sont dans les collections du CNAP et du CAPC de la ville de Bordeaux.
Joanna Selvidès