"La figure du zombie comme symptôme de la contemporanéité" + "Le Zombi et la trace de l'esclavage"

Deux conférences respectivement animées par Maxime Coulombe (sociologue, essayiste et historien de l'art) et Laënnec Hurbon (sociologue, directeur de recherche au CNRS et essayiste)

«La figure du zombie comme symptôme de la contemporanéité»

La figure du zombie a changé, s’est transformée, a évolué, s’est adaptée aux différentes cultures qui l’ont invoquée. En Haïti, le zombie a été la figure cauchemardesque de l’esclavage, d’une servitude faisant de l’individu un simple pantin incapable même de s’arracher à sa condition par la pensée. Il a aussi matérialisé cet étrange pouvoir, inspiré de la religion catholique, de ramener les morts à la vie. Il a su figurer, à la fois, la fascination pour l’autorité du prêtre, la crainte de l’esclavage.
Il a incarné, en Occident, la figure d’un châtiment divin et le retour des morts à la vie, la métaphore d’une inquiétude quant à un nouvel avatar de la mort – le sida – et la crainte des recherches sur la biotechnologie. Le zombie a de même figuré l’inquiétude d’une époque, la nôtre, quant au sens de la mort. Le zombie, pour nous, a été le monstre d’une certaine vacuité, voire d’une certaine fatigue de l’Occident.
Le zombie n’est pas une figure simple et unifiée, univoque et monolithique ; en lui battent des imaginaires parfois contradictoires. Cadavre et reflet de nous-mêmes, monstre sanguinaire et individu traumatisé, victime et coupable : le zombie incarne ces figures successivement et parfois même à la fois. Il se fait le symptôme de notre époque, à la fois effrayée et fascinée par sa propre destruction.
Or, que veut dire faire d’une figure fictionnelle comme le zombie un symptôme ? Le zombie permet peut-être de réaliser l’un des vieux rêves de la psychanalyse, celui de faire de la culture d’une époque une immense psyché, mue par les mêmes réflexes qu’un sujet individuel : refoulement, retour du refoulé, déni, désirs, etc. Nous tenterons d’aller au bout de cette hypothèse : peut-on faire du zombie le symptôme de notre époque ? Et si c’est le cas, que nous en dit-il ?

«Le Zombi et la trace de l'esclavage»
Suivi d'un échange avec Arnaud Robert, journaliste, réalisateur et écrivain et Kévin Boucaud-Victoire, rédacteur en chef débats et idées du magazine Marianne.

​La figure du zombi implique un rapport particulier entre l’imaginaire et le réel, où l’imaginaire semble faire partie du réel lui-même, c’est ce que donne à penser l’émergence de la figure du zombi en Haïti. La croyance en la zombification est telle qu’à déclarer  zombis certains individus, ils finissent eux-mêmes par se reconnaître tels. Ce passage, ou plus exactement cette courbure de la fiction vers le réel est l’image survivante (nahleben, au sens de Didi-Huberman) des réseaux symboliques de l’institution esclavagiste établie outre-Atlantique pendant quatre siècles, la trace de l’esclavage pendant que sa mémoire  se fait défaillante. En effet, comme idéal du maître, l’esclave est toujours supposé  un être vidé de toute substance humaine, de tout ce qui fait de lui un sujet, un être de désir. Or tout se passe comme si  cet esclave attendu comme parfaitement esclave tarde sans cesse à apparaître et se dérobe au pouvoir absolu du maître, seule la figure du zombi le réalise en dernière instance, est son épiphanie et, partant, en constitue son fantasme. On tachera de porter l’interrogation sur la puissance de l’imaginaire du zombi dans la civilisation moderne, en pleine fantasmatisation de sa propre puissance, comme extrême pointe de l’évolution de l’humanité dans sa passion d’une maîtrise du monde exprimée dans le processus de colonisation esclavagiste.. Quels sont les ressorts cachés de l’apparition et de l’attraction de la figure du zombi dans les arts, la littérature et le cinéma ? Que nous apprend-elle sur l’évolution du monde contemporain ?

Mucem - Auditorium
Le jeudi 1 janvier 1970
Entrée libre
www.semainedelapopphilosophie.fr
7 promenade Robert Laffont
13002 Marseille
04 84 35 13 13