Lame de fond de Perrine Michel

Le festival Images Contre Nature

Nature et découvertes

 

Avec la quatorzième édition de son festival international de vidéo expérimentale Images Contre Nature, l’association P’Silo propose une manière ludique et conviviale de penser le cinéma autrement et s’interroger sur les mécanismes formels de l’image en mouvement.

 

Le champ du cinéma expérimental inclut parfois des comportements de spectateurs en décalage avec la sémantique même de l’image en mouvement. Les chapelles se créent, les langages ne semblent pas interagir, et il est rarement pris en compte que le cinéma lui-même est un vaste champ d’expérimentation. De nombreux réalisateurs étrangement estampillés « traditionnels » ont pourtant construit tout au long de leur œuvre une approche où la mise en forme (le mouvement, le son, l’image…) était une perpétuelle remise en question des codes en vigueur. D’Epstein à Welles, en passant par Kubrick ou Russell, ou plus récemment Grandrieux, Godard ou Carax, les frontières entre le cinéma d’exploitation et les essais d’inventions plastiques sont largement poreuses, voire inexistantes. C’est en l’occurrence ce que parvient à prouver depuis quatorze ans le festival Images Contre Nature, bâti au fil des rendez-vous par la structure P’Silo. Les films proposés chaque année sont une véritable source d’imaginaire pour le regard, réinventant les codes formels de l’image en mouvement. Cette nouvelle édition n’échappe pas à la règle, et l’on ne saurait trop conseiller de se rendre du côté des Chartreux afin d’échapper, le temps de quelques instants de grâce, à l’abondance sclérosée qui a envahi depuis quelques années les salles obscures. La programmation se construit comme à l’accoutumée lors de sept propositions (espace, identité, long, mouvement, perception, sens, temps), qui englobent ainsi de nombreux films aux pratiques cinématographiques hors-normes. Avec cette année, comme nous le rappelle Hélène Bez, un retour en force, déjà amorcé l’an passé, du found footage. Cette pratique plasticienne d’utiliser un corpus de films déjà existants questionne en profondeur la notion d’image-mouvement chère à Deleuze. Ce mode de détournement — Guy Debord et ses camarades en usaient copieusement — déploie un champ sensitif et critique vis-à-vis de l’image (y compris l’archive), développant une dialectique ouverte depuis les premiers essais du cinématographe, à l’instar du travail de Katrina Anthea Stamatopoulos et Alexandra Spence, s’inspirant de petits films amateurs pour développer une représentation de l’imaginaire collectif américain des 50’s. Par ailleurs, cette édition 2014 s’est construite en partenariat avec l’excellente structure 360° et même plus, à qui a été confiée la programmation des soirées d’ouverture et de clôture, projections présentées en présence de nombreux réalisateurs. Cerise sur le gâteau, une installation vidéo d’Emmanuelle Sarrouy et Jean-Paul Noguès, deux vidéastes fidèles à Images Contre Nature, sera cette année présentée au sein de l’Espaceculture de la Canebière. Un travail qui vient confirmer l’adage de Frank Zappa que l’équipe du festival a cette année fait sienne : « Sans dévier de la norme, le progrès n’est pas possible. »

Emmanuel Vigne

 

Images Contre Nature : du 2 au 5/07 au Théâtre des Chartreux (105 avenue des Chartreux, 4e).
Rens. : 06 99 72 72 42 / www.p-silo.org