Monstres d'humanite?

Salon Public à Salon-de-Provence

Salon de beautés

 

Pour sa cinquième édition, Salon Public n’a pas failli à sa bonne réputation, jouant des émotions de ses spectateurs — entre introspection, poésie, questionnement et émerveillement, le tout saupoudré d’une dose de rire.

 

Les arts de rue ont le vent en poupe dans notre département. Menés par un tissu associatif volontaire et très actif, ainsi que des compagnies dont le talent n’est plus à prouver (sous l’impulsion de la Cité des Arts de la Rue : il faut rendre à César ce qui lui appartient), ils représentent l’une des formes d’expression artistique les plus accessibles et fédératrices. Si les projets n’ont cessé de se multiplier sur le plan national ces dernières années, les Bouches-du-Rhône ont accueilli — et continuent d’accueillir — de nombreuses manifestations de haute volée.
C’est dans ce contexte favorable à la création in situ que l’association Karwan investit, depuis cinq ans déjà, les rues de Salon-de-Provence. Cette fois encore, le public a répondu présent et les spectacles s’enchaînent sans accro, la foule étant guidée en musique d’un point à l’autre par les réjouissants Scratcho’Band. Pas de chance de se perdre ou de s’ennuyer entre deux représentations. Le soleil est voilé, mais les cieux seront cléments envers la majeure partie des artistes, à l’exception des événements du dimanche qui pâtiront de la pluie : le pique-nique de clôture, ainsi que la grande parade de marionnettes géantes des membres du collectif Eclats de Lune, seront ainsi annulés. Fort heureusement, et nous y reviendrons, les plus assidus auront eu un avant-goût des talents de ces derniers la veille au soir.
En ce samedi 28 septembre, impossible de s’ennuyer : de 10h à 23h, les spectacles se succèdent sans temps mort, grâce à un planning chargé mais qui sait ménager des pauses au bon moment. La qualité et la variété des programmes sélectionnés sont à saluer : Echappées belles de la compagnie Adhok questionne sur le sens de la vie (le fait que, bien que le temps passe et dégrade notre enveloppe, notre cœur continue de battre) ; Monstre(s) d’humanité met en scène un groupe de dirigeants d’un cynisme glaçant et, paradoxalement, d’une loufoquerie absolue, qui n’hésite pas à mettre le doigt sur nos travers ; un moment de poésie est proposé par le duo d’Entre Serre et Jardin, qui met de la beauté dans des objets du quotidien (jonglerie avec des tuyaux, exercices de souplesse avec une brouette…)…
C’est à OpUS que sera confiée la tâche de réjouir les nombreux participants à leur Quermesse de Ménétreux nocturne, trois (trop longues) années après leur dernier passage dans la région, dans le cadre du festival Small is Beautiful. Une kermesse bourguignonne burlesque, décalée et enthousiasmante, peuplée de personnages hauts en couleur : un épicier à blouse longue et cravate courte, une catholique férue, deux jeunes en sportswear d’un naturel confondant, un Maire et une préposée aux comptes bien dans leurs rôles, sans omettre la star du spectacle, la pétillante Lucette, mamie aux mimiques et expressions inénarrables. Tout ce petit monde se livre, sur la douzaine d’ateliers proposée, à de multiples activités d’une drôlerie folle : sauver son âme en tirant le petit Jésus à la corde, casser de la vaisselle juché sur un scooter comme les habitants de la bourgade le font sur la ligne droite menant à la gare, se livrer à un concours de noms d’oiseaux (le pitois) sanctionné de coups à boire, ou encore assister à une course de renards empaillés dans des poses pour le moins inhabituelles. Difficile de décrire la chose sans trop en dévoiler, sous peine d’estomper l’effet de surprise, mais on s’étourdit à passer d’un stand à l’autre, dans un univers qui emprunte autant aux codes graphiques des Deschiens qu’à l’humour des Monty Python. Assurément une grande réussite, qui donne envie de découvrir d’autres projets de la troupe dans notre département. A bon entendeur !

Enfin, un festival réussi ne serait rien sans surprise. Certains avaient pu se (re)plonger dans l’univers de Ménétreux en fin d’après-midi, en s’arrêtant au camion-expo Le Porte-Folie (musée ambulant des arts de la rue, une belle initiative), pour la projection d’un film autant pittoresque que drôle relatant leur périple au Maroc, en vue d’un jumelage avec une compagnie locale, Eclats de Lune. Cette dernière était programmée le dimanche, mais la météo menaçant son programme Alazaï, parade extraordinaire, les comédiens d’OpUS ont quelque peu écourté leur Quermesse du samedi pour permettre au public de profiter des créations et de la maestria de leurs camarades. L’occasion de s’émerveiller de ce ballet mêlant musiciens, échassiers et manipulateurs de marionnettes géantes, le temps d’une fête à laquelle chacun a participé (acteurs comme spectateurs) ; un rappel que la rue est le théâtre idéal pour cette comédie qu’est notre vie.

SV

 

Salon Public s’est tenu à Salon-de-Provence du 27 au 29/09