Carresse

Portrait : Philippe Carrèse

 Le cadre et la plume

 

Figure marseillaise emblématique du polar noir (et drôle !), Philippe Carrèse est repassé derrière la caméra et présentera dans quelques jours Cassos, son premier « vrai » film de cinéma. Retour sur une carrière entre plume et caméra qui dure déjà depuis trente ans.

 

C’est dans sa maison, au cœur de Marseille, que Philippe Carrèse nous reçoit. L’homme est calme, lui qui se défend d’être un « gueulard » comme pourrait le laisser supposer le texte J’ai plus envie… « Je ne m’énerve jamais. Ce texte, je l’ai fait à un moment assez particulier, j’avais un vrai rejet de la ville, j’en pouvais plus. Et même si beaucoup de gens m’ont dit m’avoir retrouvé là-dedans, je suis pourtant à l’opposé. Je suis quelqu’un de totalement calme sur les plateaux, je pense que c’est pour ça que les gens aiment travailler avec moi. » Les gens dont il est question, ses collègues de boulot, il les nomme lui-même sa famille. Il y a quelques mois, l’auteur et réalisateur a de nouveau rassemblé cette tribu sur le tournage de Cassos. Réalisateur pour la télé au début des années 80, Philippe Carrèse est un touche-à-tout et entre les concerts, les téléfilms et les directs, il a atteint son but : la réalisation d’un film. « J’avais fait Liberata, tourné pour la télé qui est finalement sorti au cinéma, mais Cassos, c’est mon premier film exclusivement réalisé pour le cinéma. » Au casting, on retrouve Patrick Bosso, Franck Adrien ou encore Didier Bénureau et Agnès Soral. Et malgré sa notoriété et un scénario qui remporte tous les suffrages du public, l’auteur à l’humour noir se souvient des difficultés qu’il a pu rencontrer. « Pour moi, c’est une comédie, avec de l’humour noir, j’ai repris l’univers de mes romans. Le scénario est politiquement incorrect, c’est immoral, c’est péché ! On ne rentre pas dans des cases et ça, dans le domaine du cinéma, certains ont du mal à l’accepter. » Cet univers décalé, Philippe Carrèse l’a nourri très jeune, entre un père fan de série B, grâce auquel il a connu les films d’espionnages et les westerns spaghettis, et une mère plus portée sur les comédies. « Plus jeune, mes lectures c’était San Antonio ! C’est le genre d’histoire que j’aime raconter. La vingtaine de romans que j’ai écrits ont tous cet univers. C’est un style dans lequel je me sens à l’aise, autant à l’écrit qu’à l’écran. C’est ma culture. Pour raconter des choses très noires, j’aime utiliser l’humour. » Trente ans de carrière ont prouvé sa dextérité autant avec une plume qu’avec une caméra et pourtant, Philippe Carrèse ne se départ pas d’une certaine humilité et avoue même des moments de doute à chacune des projections en avant-première de Cassos. « A force d’avoir vu et revu le film, je ne savais même plus ce qui était drôle ou pas. Et là, juste avant que la séance ne commence, je suis en train de me demander si on a bien fait, si les gens vont aimer et rire là où c’est censé être drôle. Alors quand les premiers éclats de rires se font entendre, je suis soulagé. C’est extraordinaire d’être aussi proche de son public. » La tête toujours pleine d’idées, Philippe Carrèse est déjà prêt à enchaîner sur d’autres projets, avec deux scénarii qui n’attendent plus que la pellicule. « Il y en a un en particulier, Les Démons de Dante. Ça n’a rien de drôle, c’est un vrai thriller. Cela fait un moment qu’on y pense avec Thierry Aflalou, mon producteur. Maintenant qu’on a fait Cassos, on va pouvoir s’y atteler. »

Aileen Orain

 

 

Cassos de Philippe Carrèse

Cassos de Philippe Carrèse

Le noir vous va si bien

Cassos (France – 1h23) de Philippe Carrèse avec Didier Bénureau, Simon Astier…
¡ Sortie le 6 juin ! Avant-première le 5 au Prado

Tout aussi immoral que C’est arrivé près de chez vous, Cassos plante le décor d’emblée : Marc (Didier Bénureau), un agent d’assurance couard, dégarni et malhabile, veut se débarrasser de sa peau de vache de femme (Agnès Soral) et fait appel pour cela à la mafia locale, en la personne de Toulouse (Simon Astier). Directement inspiré de l’univers noir et drôle des romans de Philippe Carrèse, cette comédie filmée à la manière de 24h Chrono « suit ces deux personnages sans trop savoir ce qui va se passer. » Inclassable autant dans la forme que dans le fond, Cassos n’en est pas moins un vrai film, aux dialogues et silences étudiés, ciselés pour qu’aucun temps mort ne se fasse sentir. Simon Astier retrouve ici un rôle proche de celui tenu dans Kaamelott, peut-être un peu plus débrouillard mais tout aussi drôle à son insu, avec des répliques improbables (« Dans la vie, y’a les prédateurs et les prédatés ! ») et son look de pseudo gangster. Quant à Bénureau, on prend plaisir à le voir se faire malmener par une femme tyrannique et on assiste entre effarement et éclats de rire à son apprentissage de truand. Les seconds rôles, tous aussi justes et drôles les uns que les autres (mention spéciale à Bob Assolen en patron de bar patibulaire au possible), participent de l’élan comique permanent de ce film politiquement incorrect et décalé.

Aileen Orain