Portrait : Zaza crieuse publique

Portrait : Zaza crieuse publique

Criee-of-ZaZa.jpg

A corps et à cris

Dernière d’une grande lignée de crieuses reconverties malgré elles en danseuses de cabaret, Zaza Jeanmeure a posé ses valises à Marseille pour relancer le service de cri public. Et dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas.

Costume scintillant, charisme et voix « enjouée, enrouée, enlevée de courrier », Zaza remet au goût du jour le service de cri public. Issue d’une famille de cabarétistes, la jeune femme a quitté le métier après avoir découvert le secret de sa famille. « Notre tradition familiale a été bafouée. Je sentais bien que l’on me cachait quelque chose, qu’il y avait comme un chape de plomb. » Originaire de Bretagne, la famille de Zaza s’est installée aux Etats-Unis après que son arrière-grand-oncle ait fait fortune. Celui-ci y a développé une activité de cabaret, retirant de la rue toutes les femmes de la famille, alors crieuses, pour les mettre sur scène et en faire des danseuses. « Je suis née dans cet univers, j’ai fait du cabaret aussi mais j’avais des souvenirs d’avant. Je suis donc allé voir ma grand-mère, Meryl, qui m’a tout dit, quelques semaines avant de décéder. C’était il y a un an. J’ai pris quelques jours et je suis partie sur la Côte d’Azur, et une nuit, j’ai fait un rêve dans lequel elle apparaissait. Elle portait son costume de crieuse que je n’avais jamais vu et elle me disait : “Zaza, lève-toi et crie !” Forcément c’est que j’ai fait puisque ça m’a tellement marquée que je me suis réveillée en hurlant ! » Après la visite de son aïeule, Zaza se décide à rester et à reprendre la tradition familiale. « Les hommes n’auront pas tous les droits sur nous ! » Évidemment, ce n’est pas du goût de la famille. « Je n’ai plus de contact avec eux, à part une de mes tantes. C’est le fantasme des hommes qui l’a emporté alors que finalement, c’était le destin des femmes de ma famille. Ça n’avait rien de politique, c’est juste que l’on avait toutes des dispositions naturelles pour crier. » Renseignements pris sur le métier, elle s’établit à Marseille et endosse le costume. « Pour l’instant, les boîtes à collecte restent dans un périmètre défini, c’est encore une période de test. Marseille est grande et je pense que les préoccupations sont différentes en fonction des quartiers. » Deux fois par mois, munie de son pupitre et de sa cloche, Zaza crie la vie du quartier avec humour et sans censure. « A part les messages vraiment haineux, tous les messages sont bons à crier. Ils sont un résumé de la vie d’un territoire. Bien sûr, si l’actualité est peu tolérante, on en rendra compte mais en essayant d’adopter le bon ton. J’avoue que la criée n’est pas neutre, mais cela reste un aperçu des attentes et des demandes d’un quartier. La criée reste fidèle à la collecte. ».Et pour asseoir cette tradition dans le paysage marseillais, Zaza a un argument imparable : « Une annonce dans un journal, c’est une quinzaine d’euros pour deux semaines, une criée nationale, c’est entre douze et vingt-deux euros. Pour une qualité de service meilleur, c'est moins cher. » Alors pour quelques euros, faites crier vos coups de gueules, vos demandes en mariage, de rupture, etc. Contrairement à celle du seigneur, la voix de Zaza est tout à fait perceptible.

Texte : Aileen Orain
Photo : Marie Martorelli

Le cri de Zaza: tous les premiers et troisièmes samedis du mois à 11h au Square Stalingrad (Métro Réformés). Prochaine criée: le 19/05.
Pour déposer vos messages : lecridezaza@gmail.com
Pour écouter la criée radiophonique : http://radio.canut.free.fr/