Hifiklub © Cécile Bortoletti

L’Interview : Hifiklub

Le trio rock Hifiklub trace sa route au fil de nombreuses collaborations. Entretien avec le chanteur et compositeur, Régis Laugier.

 

De par vos multiples collaborations, Hifiklub semble être un groupe en construction permanente. Est-ce par peur de l’immobilisme ? Construire pour mieux déconstruire ?
Le socle du groupe se veut inamovible. L’idée, ou plutôt l’envie de multiplier les collaborations musicales et artistiques renvoie pour l’essentiel à notre irrésistible besoin d’être dans l’action, de provoquer les rencontres, de s’enrichir, de rebondir et de voyager. Je ne me pose pas la question de la construction ou de la déconstruction d’une œuvre, c’est simplement le mouvement qui m’intéresse. Ouvrir un de nos morceaux à une ou plusieurs interventions extérieures est pour nous source d’excitation. Pour aller quelque peu à contresens des nombreuses collaborations que nous avons développées récemment, nous venons d’enregistrer notre dernier album sans contribution extérieure, hormis arrangements additionnels effectués en compagnie de notre ami Arnaud Maguet et du producteur du disque, Alain Johannes.

 

Quelle est ta définition de la no wave, esthétique à laquelle on pourrait vous apparenter ?
Je ne suis pas certain que l’esthétique de la no wave soit clairement définie. La proposition est souvent froide et vient plutôt du rock, voire du funk ou du jazz, mais en tentant systématiquement de faire table rase de ce qui a pu exister antérieurement, notamment en matière de structures. La poésie et l’idée de performance sont souvent présentes, le tout en faisant appel à une approche punk dans l’intention. Mais pour répondre à la question, je dirais « Un bloc de glace insaisissable au contact duquel on se brûle les doigts ».

 

Qu’est-ce qui, selon toi, est novateur en matière musicale ?
Savoir aller vers le « moins ».

 

A l’inverse, qu’est-ce qui ne l’est pas ?
S’imaginer l’être parce qu’on dispose du dernier logiciel à la mode.

 

Quel est ton ressenti, en tant qu’auditeur, sur l’évolution de la musique durant la dernière décennie ? Qu’est ce qui la caractérise, en comparaison avec les années 90 ?
Sur un plan musical, les années 90 constituent une étape capitale dans ma vie. La richesse et la variété des propositions musicales faites à cette époque sont pour moi essentielles et largement supérieures à ce que nous avons pu vivre durant la dernière décennie, moins généreuse et plus aseptisée. Ce que j’aime dans les 90’s, c’est la spontanéité de leurs acteurs, et leur fêlure. Dans les 90’s, les musiciens dans lesquels je me reconnaissais semblaient moins se regarder dans un miroir avant de monter sur scène, ou du moins le miroir dans lequel ils se regardaient était ébréché. Dans les 00’s, le miroir et les protagonistes deviennent très propres. Je ne pense pas qu’un groupe, au-delà de sa musique, ait autant bouleversé les codes depuis Nirvana, groupe ultime des années 90. Si nous devions trouver aujourd’hui un équivalent, en se forçant un peu, ce serait quoi ? Lady Gaga ? En surface, l’urgence des 90’s, qui avait su quelque part s’imposer au plus grand nombre, s’est évaporée au profit de calculs principalement marketing. Reste l’underground, plus que jamais essentiel.

 

Que s’est-il passé depuis la sortie, en janvier, du maxi Birdhouse, en collaboration avec Jad Fair et kptmichigan ?
Nous sommes partis à Nashville avec Arnaud Maguet afin d’y tourner notre film sur R. Stevie Moore, pionnier absolu du home recording et véritable légende de la lo-fi. Nous avons même trouvé un peu de temps pour enregistrer un EP avec lui. Dès notre retour, à l’occasion d’une exposition d’Arnaud Maguet au Centre Pompidou à Paris, nous avons proposé, ensemble, un Karaoke Noise au public, dans le grand hall du Centre. Un moment assez étonnant. Début janvier, nous avons travaillé sur un maxi en compagnie de The Legendary Tigerman. Arnaud Maguet en a profité pour réaliser un petit film. Le tout sera dévoilé en novembre prochain en parallèle de l’exposition d’Olivier Millagou à l’Espace d’art le Moulin (La Valette-du-Var). Dans la foulée, nous nous sommes envolés pour Los Angeles afin d’y enregistrer notre prochain album avec Alain Johannes (Queens Of The Stone Age, Them Crooked Vultures, Mark Lanegan, Eleven…).

 

Quelles frontières restent-ils à abattre ?
Le temps !

 

Le futur ?
Nous enregistrerons un album en Corse, avec Jean-Marc Montera et Lee Ranaldo, en septembre prochain. Nous sommes très heureux de les retrouver. Alain Johannes nous rejoindra ensuite, ici à Toulon, en décembre, afin de travailler sur notre Karaoke Noise, qui est programmé lors de l’édition hivernale du MIDI festival, et sur un nouveau développement du film d’Arnaud Maguet, Back To La Tomate, basé sur des sessions live que nous réalisons en collaboration dans des lieux où l’architecture et l’environnement tiennent une place centrale. Cette fois-ci, nous irons sur l’eau !

Propos recueillis par Jordan Saïsset

 

En concert le 4/10 à la Salle Mussou (La Garde), avec Twin Apple et The Host, dans le cadre du festival Le Cri du Rocher.
Rens. : www.hifiklub.com