Confipop, premier chipmusicien marseillais

Confipop, premier chipmusicien marseillais

Confipop

Le grand détournement

Il ne s’agit pas ici de s’extasier sur le fait de pouvoir sortir des albums et d’assurer des concerts rien qu’avec une Gameboy, bien que cela soit passionnant. Non, ce qui nous intéresse, c’est Confipop, premier chipmusicien marseillais. Pas si pop que ça.

Aujourd’hui, trop de gens font de la micromusic. Internet a fait exploser les chiffres. Parcourez les grands sites du genre comme 8bc.org (8bitcollective) et constatez comme il est facile de s’y perdre. Du moins, composer sur Gameboy est à la portée de toutes les bourses. On s’en tire pour moins de cent euros. La persévérance, le travail et la volonté, c’est une autre affaire. Car s’il est facile de trouver un pseudo et de balancer trois morceaux composés à la va-vite sur le Net, il est plus délicat de lancer et de promouvoir un contre-courant musical à l’échelle locale. En ce domaine, Confipop en connaît un rayon : « On n’a pas trop à se plaindre de l’accueil marseillais lorsque l’on souhaite organiser des soirées micromusic, on aimerait bien avoir accès à de plus grandes salles, mais c’est à nous de se bouger pour ça », précise-t-il. Avec son association, le Micromusic Marseille Head Quarter, qu’il a lui-même fondé il y a six ans avec des amis comme Dubmood, il porte haut les couleurs de la culture 8bit régionale à coups de concerts (du Lounge à l’Espace Julien) et d’ateliers (notamment pour Aires Libres). « Je ne suis pas un gamer à la base, je viens de la techno. La micromusic m’a attiré pour son esthétique très particulière. J’ai eu envie de travailler ces sonorités qui n’étaient pas trop exploitées à l’époque. Et puis beaucoup de musiciens techno font de la musique en se croyant libres alors qu’ils sont tributaires de machines trop adaptées, et que tout le monde possède. » Ce qui n’est pas le cas lorsque l’on compose sur des logiciels pirates considérablement limités dans leurs fonctions, comme le séquenceur LSDJ, conçu pour fonctionner sur Gameboy sans les licences Nintendo, évidemment. « Il y a tellement peu de fonctions sur Gameboy que c’est à toi d’en faire quelque chose de bien, et non l’inverse. » Mais tenons-nous en à Confipop, l’homme derrière la machine, autant influencé par les Spiral Tribe et Goto 80 que par les musiques pour « enfants-adultes » de Gangpol & Mit et Jean-Jacques Perrey. On entrevoit d’ailleurs toutes ces influences dans ses morceaux, véritablement uniques, de joyeux OVNI même au sein du mouvement dont il fait partie, parfois malgré lui : « Je ne m’inclus pas vraiment dans un certain penchant du mouvement micromusic. Un penchant très pop, grandiloquent, souvent composé de gamers et d’autres nostalgiques des années 80. Après, chacun fait ce qu’il veut. Il en faut pour tous les goûts… Le seul danger, c’est que la hype pille des artistes moins connus du grand public et font de la tune en les samplant, comme Cristal Castles l’a fait avec le micromusicien Covox. » Par chance, ce n’est pas encore arrivé à notre ami marseillais. Et puis qu’ils aillent se faire voir, les voleurs à la mode : entre structures techno modernes et sonorités datant des débuts de l’ère digitale, la musique de Confipop lui permet surtout de faire la fête. « Il y a du punk dans le fait de mettre une Gameboy dans sa poche et de partir jouer avec en concert. » Du punk, et du fond : en se questionnant constamment sur les rapports entre art et technologie, il a développé toute une réflexion philosophique sur la décroissance, synthétisée dans ses consoles de jeux vidéo obsolètes (cinq euros aux Puces) et ses jouets modifiés à son image (circuit bending). « Je ne tente pas d’enjoliver un son qui gratte. Bien au contraire, je veux gratter dans le numérique, dans la machine, pour l’exploiter à fond. » Ses pratiques font de lui l’Antéchrist parfait de l’uniformisation technologique imaginée par Apple. Il tient d’ailleurs à nous montrer sur son ordinateur ce sur quoi il s’amuse depuis peu. Pas un jeu à proprement parler mais Extratone, un genre musical consistant, entre autres, à tailler dans le code des clips de Madonna, Britney Spears et autres popstars outrancières pour les démolir de façon jouissive, et en extirper les vérités qu’ils s’évertuent à conchier. Mais revenons-en à la micromusic, pour conclure : « Ce qui me plaît tout particulièrement, c’est le fait que partout dans le monde, il y ait des passionnés qui, comme nous à Marseille, organisent des Microparties avec 100/150 personnes et font vivre une vraie sous-culture, intéressante, intelligente, moderne, qui réunit plein de choses, qui sait d’où elle vient et qui fait ça pour pas un rond. »

Texte et photo : Jordan Saïsset

Rens. www.confipop.com

En concert avec Debmaster et MFPinpinCoco le 16 à l’Embobineuse (11 boulevard Bouès, 3e).
Rens. www.lembobineuse.biz

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