Bilan Livres / BD 2011

Bilan Livres / BD 2011

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Emmanuel Carrère
Limonov (P.O.L)

On en attendait pas moins du fils de sa mère, soviétologue experte. Emmanuel Carrère livre le roman journalistique et biographique soigneusement documenté d’un personnage bien réel et toujours vivant. Poète délinquant, dissident branché en URSS, clochard à New York, écrivain sans le sou à Paris, putschiste à Moscou, soldat pro-serbe perdu dans les Balkans, fondateur du Parti national bolchevik, puis militant démocrate anti-Poutine… héros ou salaud ? Chacun jugera en découvrant la vie ambiguë et trépidante du diable Edouard Limonov. Une belle plume, un bon roman d’aventures et l’histoire d’un homme rocambolesque dans l’histoire de l’ancienne et la nouvelle Russie.

Jonathan Coe
La Vie très privée de Mr Sim (Gallimard)

Ou les tribulations d’un loser dépressif au nom de carte à puce qui arpente le Royaume-Uni pour faire la promo d’une brosse à dents « révolutionnaire ». Coe profite des (més)aventures de son anti-héros pour passer au crible le monde occidental et ses avaries — le consumérisme « zombie », le côté « Big Brother » des nouvelles technologies… —, en trempant une nouvelle fois sa plume dans l’acide. Mêlant réalisme et extravagance « à l’anglaise », cette nouvelle satire sociale, à la narration d’une rare fluidité, embarque son lecteur pour un voyage déroutant et captivant, de la première à la dernière page. Un petit bijou !

Jonathan Franzen
Freedom (L’Olivier)

Patty Berglund est-elle la femme idéale ? Pour Walter, son mari, la réponse ne souffre aucun doute : c’est oui. Epouse et mère parfaites, Patty (r)assure et n’est jamais prise en défaut. Mais qu’en pense-t-elle ? En renonçant à Walter, le « mauvais garçon dont elle était amoureuse à la fac et qui se trouve être le meilleur ami de Walter », Patty a peut-être choisi le mauvais garçon, soit le gentil Walter, et commis l’erreur de sa vie… Dix ans après son chef-d’œuvre absolu Les Corrections, Franzen raconte l’histoire de ce trio à base de Walter et capture le climat culturel et politique des USA entre 1970 et 2010 avec une virtuosité hallucinante.

Heather Lewis
Le Règlement (P.O.L.)

Tout se dérègle dès la première page lorsque Lee, quinze ans, est renvoyée de l’internat pour avoir fumé de l’herbe. Plutôt que de retourner dans sa famille, où l’attend un père qui la viole depuis son plus jeune âge, la jeune fille décide d’aller de l’avant et de rejoindre Silas, le propriétaire d’un centre équestre, qui l’a formée à l’équitation. Une écurie où tout le monde baise avec tout le monde, défoncé du matin au soir, jusqu’à la nausée… Heather Lewis dresse ainsi le portrait bouleversant d’une individualité désabusée, désenchantée, résignée au pire, où la seule issue serait le suicide, comme le dernier geste de l’auteur, disparue en 2002.

Philippe Robert
Folk et renouveau – Une balade anglo-saxonne (Le Mot et le reste)

Il serait interminable de vouloir dresser la liste des qualités qui font la pertinence du folk à l’heure actuelle, sous l’ombre tutélaire d’artistes comme Woody Guthrie, rentrés dans la légende au fil de leurs vagabondages. Il serait également interminable de vouloir dresser la liste des références accumulées et intelligemment ordonnées sur papier par l’érudit Philippe Robert, dont on ne peut que vous conseiller l’ensemble de la biographie éditée par Le Mot et le Reste, maison d’édition marseillaise, dont il serait interminable de dresser la liste des bienfaits.

Mais aussi…
Marco Mancassola – La Vie sexuelle des super-héros (Gallimard)
Glenn Taylor – La ballade de Gueule-Tranchée (Grasset)
Pete Dexter – Spooner (L’Olivier)
Paul Auster – Sunset Park (Actes Sud)
Michel Guérin – Philosophie du geste (Actes Sud)
Meltin Ardito – Le Turquetto (Actes Sud)
Carole Martinez – Du domaine des murmures (Gallimard)
Antonia Kerr – Des fleurs pour Zoé (Gallimard)
Philip Roth – Le Rabaissement (Gallimard)
La Planque, 13 ateliers d’artistes… (Parenthèses)
Michéa Jacobi – Le piéton chronique (Parenthèses)
Mick Brown – Phil Spector, le mur du son (Sonatine)
Steve Roden – I Listen to the Wind That Obliterates My Traces: Music in Vernacular Photographs 1880-1955 (Dust-to-Digital)

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Nicolas Presl
L’Hydrie (Atrabile)

Fidèle aux types de récits développés dans ses précédents albums, Nicolas Presl signe ici une aventure muette, en noir et blanc, sur deux beaux-frères partis ensemble à la guerre. L’univers se révèle sombre et âpre, reflétant les relations entre les deux soldats qui vont rapidement se détériorer. Presl met également en avant plusieurs éléments qui relèvent de l’affrontement (combats entre cerfs mâles) ou du sacrifice (animaux tués pour communiquer avec les dieux). Ici, tout fait sens et le jeu sur les symboles contribue pleinement à élaborer l’atmosphère étrange et délétère au centre de cet album impressionnant.

Angel de la Calle
Tina Modotti (Vertige Graphic)

Enfin une vraie biographie dans le monde de la BD ! Terminés ici les raccourcis qui dénaturent le propos à tout bout de champ. On sent très vite à quel point Angel de la Calle respecte cette femme exceptionnelle, à la fois mannequin, actrice, photographe et militante révolutionnaire. L’extrême exigence de l’auteur irrigue cette œuvre de haute tenue. En effet, il a mis tout son talent, sa passion et ses tripes dans cette création. Et parler aujourd’hui, en ces temps troublés, d’une figure aussi emblématique, aussi « sociale », n’est pas le fruit du hasard. Il y a une sorte de quête initiatique de la part de l’auteur, une quête essentielle qu’il nous transmet magistralement.

Jean-Claude Denis
Tous à Matha, tome 2 (Futuropolis)

Où l’on retrouve le jeune Antoine, sa bande de pot(ach)es et sa belle, Christelle, en vacances sur l’île d’Oléron à la fin des années 60. Le premier tome nous plongeait dans la vie quotidienne de ces jeunes gens avant de nous embarquer avec eux en vacances, posant ainsi plusieurs lieux et ambiances. Ici, nous suivons le déroulement des vacances au jour le jour. Le récit paraît plus linéaire, mais les éléments marquants sont à chercher en creux, dans les non-dits, les rendez-vous manqués… Cela accepté, cet album s’ouvre au lecteur, se révélant davantage luxuriant et fort touchant. Un très bel hommage aux émois adolescents dans la France des sixties.

James Sturm
America (Delcourt)

La dernière histoire de cet ouvrage avait initialement été éditée par feu les éditions BD du Seuil. Delcourt, toujours par l’intermédiaire de Vincent Bernière, réédite et complète en incorporant à America deux autres nouvelles graphiques de James Sturm, remarquable auteur indépendant. L’idée tient bien la route, le regroupement est cohérent. Cette « trilogie » narrative américaine, axée sur les fondements en péril d’une nation mixte, aborde de façon subtile des sujets sensibles tels que le puritanisme (The Revival), la foi matérielle (Hundreds of Feet Below Ground) ou encore les violences et les sectarismes de toutes sortes (Le Swing du Golem).

Anouk Ricard
Coucous Bouzon (Gallimard)

Les premières pages annoncent la couleur : le personnage principal est tombé dans une usine de dingues. Si les situations comme les dialogues s’avèrent délirants, la vision du monde du travail que donne Anouk Ricard n’est pas si éloignée de certaines réalités quotidiennes. Ici, nous ne sommes jamais au bout de nos surprises et une action ou une situation surprenantes en cachent d’autres, encore plus folles. De fait, lorsque le récit s’aventure du côté du polar, il s’étoffe sans perdre son énergie, son humour et son sens aiguisé de l’absurde. Anouk Ricard construit au fil des albums une œuvre à part entière, véritablement personnelle et de grande qualité.

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Mais aussi…
Thomas Cadène et collectifs – Les autres gens, tome 1 (Dupuis)
Pedrosa – Portugal (Dupuis)
Chaemin – Junk Love (Casterman)
Valérian vu par… Manu Larcenet – L’armure du Jakolass (Dargaud)
Marc-Antoine Mathieu – 3 Secondes (Delcourt)
Takashi Murakami – Le Chien Gardien d’étoiles (Sarbacane)
Cyril Bonin – Chambre Obscure 1 et 2 (Dargaud)
Appollo et Oiry – Une vie sans Barjot (Futuropolis)
Fred Bernard – Ursula vers l’amour et au-delà (Delcourt)
Daniel Goossens – Sacré comique (Fluide Glacial)
Hugues Micol – Le chien dans la vallée de Chambara (Futuropolis)
Pascal Matthey – Du shimmy dans la vision(L’employé du Moi)
Yoon-sun Park – Sous l’eau, l’obscurité (Sarbacane)