Fan de…

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Alors que beaucoup d’artistes hésitent à se frotter à un lieu aussi atypique que le 3bisf, Denis Brun, lui, s’en donne à cœur joie…

Alors que beaucoup d’artistes hésitent à se frotter à un lieu aussi atypique que le 3bisf, Denis Brun, lui, s’en donne à cœur joie. Avec sa nouvelle exposition, Fan 3000, il investit l’espace à coups de vidéos participatives et d’installations dans tous les coins. Attention : chantier artistique.

En période de montage, Denis Brun est un artiste speedé aux Mikado : d’une part car le bouillonnement créatif qui l’habite et la contrainte de temps ne lui permettent pas de manger autre chose que ces petits gâteaux. D’autre part car c’est un artiste speedé tout court, mais plutôt à des substances imaginaires et fictionnelles. Hyperactif, schizophrène ? Ça colle aussi et ce n’est pas Toshiro Bishoko, son alter ego fictionnel, qui dira le contraire. Souvent amené, notamment par le biais de ce personnage, à s’imaginer la jeunesse New Wave qu’il aurait aimé vivre, Denis Brun n’a pourtant rien à envier à l’atypisme de cette mode. Du moins au regard de son parcours artistique — et donc personnel. D’abord élève à la Villa Saint Clair à Sète, fan de Combas et de Di Rosa, puis élève à la Villa Arson à Nice, amateur de peinture figurative colorée, avant de l’abandonner pour tous les médiums possibles et imaginables, il a aussi connu les bancs du Conservatoire au sein de la classe d’électroacoustique de Marseille. Le tout entrecoupé de résidences artistiques, notamment à Los Angeles — un minimum pour un fan de culture urbaine 80’s tendance skate et The Cure. Fan 3000, c’est peu de le dire : de multiples influences dynamitent son travail, portées par des effets de fascination pure et qui une fois digérées font de sa création une expérience unique.
Son ubiquité et sa sensibilité lui permettent ici d’envisager le 3bisf dans sa situation au centre de l’hôpital psychiatrique, en se demandant quels étaient les lieux où l’on séjourne de manière temporaire, qui forment une parenthèse spatio-temporelle, des temps de passage mais qui nous transforment. L’hôpital, mais aussi les hôtels ou mieux, les motels genre lynchiens. C’est par ce glissement que Denis Brun s’écarte de la littéralité du lieu où il expose en ce moment, pour en faire ressortir son potentiel spirituel, son inquiétante mais fascinante étrangeté. Les œuvres de Denis Brun sont donc le résultat d’un double pari : celui d’un long travail de recherche artistique guidée par la curiosité et la fascination culturelle, et celui de la coïncidence artistique, du hasard « duchampien » — la rencontre insoupçonnée et créatrice entre des données plastiques et visuelles. Alors que les œuvres sont entreprises indépendamment les unes des autres, au coup par coup, l’artiste découvre, à l’instar du visiteur, qu’elles se font écho. C’est en particulier le cas pour un film de vacances que l’artiste avait récupéré dans la rue, et qui se trouve finalement des résonances visuelles ou formelles avec certaines des œuvres exposées. Hantant ainsi les espaces du 3bisf, les créations vidéo et installations monumentales de Denis Brun cohabitent de manière cohérente mais inexpliquée, de manière fictionnelle mais sensible. Denis Brun est un expérimentateur fasciné et fascinant, un artiste qui travaille à réduire l’espace entre les différents seuils d’appréhension du monde.

Textes: Leslie Compan
Photo: Denis Brun

Denis Brun – Fan club 3000, jusqu’au 5/07 au 3bisf à Aix-en-Pce. Rens. www.3bisf.com