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Sang !

Sortie de résidence : pièce "vampirisante" par la Cie Le Cercle des Morosophes. Écriture : Fred Bothorel et Bruno Deleu (mise en scène). Avec Lucile Magnan et F. Bothorel

Et si la mort n’était pas une fatalité…

 

Camillia et Vlad tournent en rond comme deux fauves dans leur cage d’éternité…

Pour pimenter leur ennui, ils s’exhibent à la foule !

Ils prétenent pouvoir vous guérir d’une maladie incurable : la Mort.

Tour à tour charmeurs et terrifiants, monstrueux, envoûtants, raffinés et désinvoltes, ils comptent bien usuer de tous les moyens en leur pouvoir pour vous immuniser contre ce fléau qui hante l’humanité depuis la nuit des temps.

Bien sûr, tout cela n’aura pas lieu sans une bonne dose de … SANG !

 

Écrire aujourd’hui une histoire de vampires…

…c’est nécessairement tenir compte des référents que le public possède ; jouer avec le folklore spécifique de cet univers, tout en se confrontant à la question de l’immortalité.

Le vampire, à l’image de son immortalité justement, traverse le cinéma fantastique et la littérature gothique en s’inscrivant toujours dans l’époque : il est éternellement contemporain. C’est donc toujours le moment de parler de lui…

Au théâtre, sans doute pour des raisons essentiellement techniques, il est plus rare.

L’inviter sur scène est un défi intéressant !

S’immerger dans le mythe des Vampires est aussi prétexte à s’interroger sur la mort ou les symboliques du sang, de façon ludique et absurde, afin de toucher un large public : le folklore aide à désamorcer les tabous…

Monstre séducteur, amant damné, sublimant les codes du héros romantique, il est aussi l’incarnation des deux manifestations du désir : Éros et Thanatos, volupté et terreur.

Cette double personnalité fait jaillir en lui un véritable don de manipulation ; car le vampire est un prédateur subtil… le mythe nous dit qu’il doit charmer ou hypnotiser sa victime… !

La mise en scène de SANG ! est basée justement sur un principe d’évolution, de dévoilement progressif, de crescendo thématique : les objets rituels du folklore des vampires, les « passages obligés » ( la morsure…) et les questions fondamentales ne sont pas donnés d’emblée, mais distillés peu à peu. Pour alimenter cette montée en puissance, les deux personnages n’hésiteront pas à aller puiser dans les effets exagérés du Grand-Guignol, faisant figure de catharsis.

Dans le roman épistolaire Dracula de Bram Stoker, référence incontournable, le vampire n’apparaît jamais au présent, on n’a que le récit de son passage. Puissance de la suggestion…

La mise en scène de SANG ! s’inspire même du procédé – qu’est-ce que l’on montre, qu’est-ce que l’on ne montre pas ? – procédé largement exploité dans les films d’épouvante ou à suspense.

(jeux d’ombres, de voiles, action hors cadre, on ne perçoit que les sons…)

Le recours à la magie, aux illusions et aux trucages agit ici en faveur de la fiction ; il auréole les personnages du double frisson typique des univers fantastiques : peur et plaisir.

« Vous n’avez pas peur, n’est-ce pas ! Vous avez confiance en nous…»

Carmilla et Vlad sont en manque, en manque d’amour, ils ont besoin de chaleur humaine. Ils disent qu’ils nous veulent du bien. Mais…

Doit-on leur faire confiance? Sommes-nous là pour combler ce vide qui les ronge ?

Lors de délires paranoïaques, ils décrochent momentanément de leur obsession, laissant ressurgir des vestiges de leur lointain et obscur passé.

« Doï ne kamavas lo bieslak lele pel krobas. »

Carmilla et Vlad s’adressent à leur audience dans un français relativement soutenu, sans accent, mais communiquent entre eux dans une langue maternelle imaginaire.

Ce procédé est extrêmement ludique : on s’amuse à deviner ce qu’ils disent, on croit reconnaître des mots, l’oreille note des récurrences.

Blancheur immaculée soudain souillée par le sang d’innocentes victimes, visages pâles et tragiques émergeant de cols amidonnés, mouvements de capes rouges et noires, chandeliers massifs aux bougies chancelantes, mystérieux corridors menant à de sinistres cryptes… Dès lors qu’on prononce le mot Vampire, l’imagination se met en marche et fait apparaître un univers esthétique baroque et inquiétant ; univers dont sont issus nos deux personnages âgés, faut-il le rappeler, de presque quatre siècles !

De ce passé tourmenté ne subsistent sur le plateau que des traces, des vestiges : meubles patinés et vermoulus, carafe, outils et… cercueil, qui semblent avoir traversé l’espace et le temps.

Le vampire fuit autant la banalité et le réalisme que la lumière du jour…

Évidemment la lumière n’est pas banale. Elle est froide et obscure, elle provient des profondeur des ténèbres. Elle est spectrale, équivoque, brumeuse, fantomatique. Mais aussi chaude et ruisselante, palpitante, éblouissante. Elle semble avoir été conçue par nos deux personnages.

Le clair-obscur s’anime, les sources lumineuses se multiplient, dispersées, certaines intégrées au décor, rasants et rétroéclairage génèrent l’aube nouvelle, psychédélique, immortelle…

« Les enfants de la nuit… Ecoutez-les… Quelle douce musique ! » (in Dracula de Tod Browning)

La musique du spectacle est très présente, elle a la part belle.

Elle est jouée en direct, à l’exception du final.

Son panel est large, de l’extrait d’opéra à la chanson slave mélancolique, des harmonisations grinçantes aux arrangements sensuels.

N’oublions pas que c’est Carmilla et Vlad qui jouent : leur musique s’affranchit des canons esthétiques habituels. Ils procèdent à une torsion de la musique dans le seul but de mettre en condition le public, créant des atmosphères troublantes, inquiétantes, à l’instar des musiques de films d’épouvante.

Une oreille avertie reconnaîtra souvent Purcell, dont le raffinement baroque librement adapté, habille joliment l’étrangeté de notre univers, et lui donne cohérence.

L’instrumentation est délibérément atypique (violoncelle, clarinette/clarinette basse, chant, percussions).

 

Avec Lucile Magnan et Fred Bothorel
Ecriture Fred Bothorel et Bruno Deleu
Mise en scène Bruno Deleu

Prise de son, régie Josselin Dufour
Création visuelle, communication Romain Giusiano
Scénographie Fred Botholet
Musique Lucile Magnan
Création lumière Vincent Guibal

Administration Hervé Guinouard

La Distillerie
Le vendredi 26 novembre 2021 à 19h
5 € (+ adhésion annuelle : 1 €)
Rens. 04 42 70 48 38 - la.distillerie13@free.fr
https://ladistillerieaubagne.fr/
20 rue Louis Blanc
13400 Aubagne
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06 19 36 30 53