L'Homme Atlantique + No sex last night (V.O.)

Deux films expérimentaux respectivement réalisés par Marguerite Duras (France - 1981 - 42') et Sophie Calle & Greg Shephard (États-Unis - 1992 - 1h16). Dans le cadre de la reprise du cycle "La Révolution du désir"

L'Homme Atlantique
Une grande partie du film se déroule dans le noir total, redonnant aux voix toute leur puissance. Ultime geste expérimental de Marguerite Duras, qui avait intitulé par prévention et avec à-propos un de ses films "Détruire, dit-elle"...

No sex last night
J'ai rencontré Greg dans un bar à New-York en décembre 1989. Il a proposé de me loger. Il m'a donné son adresse, tendu ses clés, puis il a disparu. J'ai passé la nuit seule dans son lit. Plus tard, je l'ai appelé de Paris pour le remercier, il a proposé de me rejoindre et m'a donné rendez-vous le 20 janvier 1990, aéroport d'Orly, neuf heures. Il n'est pas venu. Le 10 janvier 1991, à dix heures, le téléphone a sonné : "C'est Greg Shephard, je suis à Orly, j'ai un an de retard. Voulez-vous me voir ?" Cet homme savait comment me parler. Il rêvait de faire du cinéma. Je rêvais de traverser l'Amérique avec lui. Pour l'inciter à me suivre, j'avais proposé que nous réalisions durant le voyage un film sur notre vie de couple. Il avait accepté et, le 3 janvier 1992, nous quittions New York dans sa cadillac en direction de la Californie. Au départ de New York, leur relation s'étant dégradée, le couple ne s'adresse plus la parole. De ce manque de communication naît l'idée de se munir de deux caméras vidéo et de les utiliser comme un confessionnal en racontant — chacun de son côté, et de manière privée — à sa caméra tout ce qu'il ne peut dire à l'autre.

Videodrome 2
Le mercredi 30 mai 2018 à 19h30
5 € par film. Double séance : 8 € (+ adhésion annuelle : 3 €)
www.videodrome2.fr
49 cours Julien
13006 Marseille
04 91 42 75 41

Article paru le mercredi 4 avril 2018 dans Ventilo n° 407

La révolution du désir au Vidéodrome 2

Corps raccords

 

Le cinéma, un cadre (l’écran) de rencontres où le désir s’accorde entre champs et hors-champs, où les corps en mouvement font sens dans notre rapport à l’autre. La programmation proposée au Vidéodrome 2 jusqu’au 8 avril vient nous rappeler à quel point ce désir se révèle multiple.

  « Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs. » La phrase désormais célèbre attribuée à André Bazin, et qui ouvre le film de Godard Le Mépris — une citation piquée en réalité à Michel Mourlet — témoigne de toute l’ambiguïté du champ cinématographique à l’égard du désir : désir de filmer, désir de voir, la représentation du désir fait-elle écho au désir de représenter… ? Cet axiome est bel et bien au cœur du geste créatif de l’image en mouvement, traversant son histoire, fixé sur la pellicule, indissociable de l’existence même du cinéma — Hitchcock, Welles et les surréalistes, parmi tant d’autres, l’avaient parfaitement compris. Si un tel sujet, vaste et quasi insondable, a fait l’objet de nombreuses études, il est précieux que sur nos écrans, la question s’anime, toujours recommencée. C’est ce que nous proposent au Videodrome 2 deux cinéphiles phocéen.ne.s de grande qualité, Justine Simon et Fabrice Coppin, avec la manifestation « La Révolution du désir », un voyage presque initiatique aux confins de la représentation des corps au cinéma, empreints d’un désir qui fait lui-même écho à notre propre rapport au monde, à l’altérité, « où femmes et hommes cinéastes désirant(es) posent leurs regards sur le corps des hommes. » L’événement s’est ouvert sur la projection de l’opus de Catherine Breillat — dont l’œuvre toute entière est mue par la question de la représentation du désir, jamais éloignée de la souffrance —, À ma sœur, avec la saisissante Anaïs Rebout dans le rôle phare. Suivront lors de cette semaine une poignée de films savamment orchestrés, à (re)découvrir sans tarder : à commencer par le somptueux Le Clair de terre de Guy Gilles, magnifique cinéaste disparu trop tôt, et malheureusement trop peu connu d’un large public, Isola de Fabianny Deschamps, que nous avons à diverses reprises encensé dans ces colonnes, La Révolution sexuelle n’a pas eu lieu présenté pour l’occasion par la réalisatrice Judith Cahen, les incontournables L’Homme Atlantique de Marguerite Duras et No Sex Last Night de Sophie Calle et, pour achever cette très belle proposition, la venue exceptionnelle du cinéaste-acteur Jacques Nolot, pour la projection de La Chatte à deux têtes, dont le récit, se déroulant dans un cinéma porno parisien, nous replonge dans la salle obscure (objet du désir). Cette programmation sera enrichie de quelques courts-métrages, et vient derechef confirmer la qualité des programmations collectives qui animent ce lieu incontournable qu’est le Videodrome 2.  

Emmanuel Vigne

 

La révolution du désir : jusqu’au 8/04 au Vidéodrome 2 (49 cours Julien, 6e). Rens. : 04 91 42 75 41 / www.videodrome2.fr

Le programme complet du cycle « La révolution du désir » ici