Jojo

Drame d'Antoni Collot (France - 2021 - 1h30), avec Attila Meste de Segonzac, Romane Charbonnel... Séance CinéFID, en présence du réalisateur, en partenariat avec le festival Actoral

Au premier plan, un père allongé dans un lit demande à son fils : « Jojo, tu connais ton poème ? » Jojo, c’est Georges Bataille enfant. Tel est le défi, a priori impossible, que s’est lancé Antoni Collot : inventer l’enfance de l’auteur du Bleu du ciel. Dans une veine cousine de celle du lumineux Paul est mort (FID 2018), le défi relevé en bricolant un anachronisme à trois étages qui fait décoller le film loin des usages du récit biographique. Le premier consiste à ne pas chercher à représenter le petit Bataille, à imaginer ce qu’aurait pu être le futur écrivain, mais à regarder vivre un enfant d’aujourd’hui, à étudier ses expériences du point de vue de la pensée de Bataille, de sa vision du monde. Les scènes d’enfance ainsi dégagées de toute forme de préfiguration de l’homme à venir, reste les stations d’une leçon de choses : Jojo pêche des écrevisses, se construit une cabane, fait un grand feu, découvre la peinture de Jérôme Bosch. Second étage, le montage court-circuite les temps et les âges : en contrepoint du présent immédiat de l’enfance, des instants de vie de Jojo, de son père Joseph et de sa gouvernante Pernette, Collot fait courir au son le flux intermittent d’un entretien radio entre Bataille et un journaliste qui l’interroge. Troisième étage de la fusée anachronique : incarnant luimême Joseph Bataille, le père rendu aveugle et paralytique par la syphilis, le cinéaste met dans sa bouche des idées et des mots du futur écrivain. Affreux jojo, salace et impie, mais aimant et aimé. Comme si Bataille, comme nous émerveillé par la joie et l’intelligence de l’enfant, cherchait à retrouver celui qu’il a été, la souveraineté de ses expériences. « L’expérience ne doit jamais chercher autorité ailleurs qu’en elle-même ». Lorsque le temps d’une séquence, la radio devient fantôme au chevet de l’enfant endormi, c’est pour emprunter à l’écrivain la maxime du film lui-même, de la formidable aisance avec laquelle il a su se dégager des pièges du biopic autant que des fatigues des gardiens du temple de la doxa bataillenne. Jusqu’à, comme Jojo, perdre la tête dans les étoiles. (Cyril Neyrat)

 

 

Cinéma Les Variétés
Le lundi 27 septembre 2021 à 19h30
4,90/9,80 €
http://cesar-varietes.com/
37 rue Vincent Scotto
13001 Marseille
04 91 35 20 86
08 92 68 05 97