Opus Poe

Concert dessiné par Alfred, Mathilde Domecq, Richard Guérineau, Benoît Guillaume, Laureline Mattiussi et le groupe Aquaserge d'après La Chute de la maison Usher d'Edgar Allan Poe

C’est désormais un rendez-vous annuel : le concert dessiné collectif façon Oh les beaux jours ! revient avec un nouvel opus. Cette année, dans le sillage de la rencontre autour de la nouvelle traduction de l’œuvre intégrale du grand Edgar Poe (voir la rencontre « Des nouvelles d’Edgar Allan Poe », qui aura lieu à 18h), c’est un de ses célèbres contes fantastiques, « La Chute de la maison Usher », qui nourrit l’inspiration de notre joyeuse bande de dessinateurs. Publiée pour la première fois dans une revue littéraire en 1839, cette nouvelle avait été adaptée au cinéma par Jean Epstein en 1928 ; c’est son adaptation dessinée qu’on verra naître ce soir sur la scène de La Criée.

Sous la houlette d’Alfred – à qui la Cité internationale de la BD et de l’image d’Angoulême vient d’offrir une carte blanche – , aux manettes du storyboard qui sert de trame à la performance, les cinq complices dessinent en direct et en virtuose. Ils sont portés par le souffle de la musique inventive d’Aquaserge, groupe de pop expérimentale pareil à nul autre, ovni de la scène musicale, lunaire et psychédélique, au champ musical infini, parfait en somme pour coller à l’univers éclectique de Poe.
5 dessinateurs + 7 musiciens : il fallait bien la grande scène de la Criée pour accueillir ce concert dessiné exceptionnel qui nous fait déjà frissonner… de plaisir !

« Pendant toute une journée morne, sombre et muette d’automne, alors que les nuages oppressants étaient bien bas dans les cieux, j’avais traversé seul, à cheval, une contrée singulièrement sinistre, et j’avais fini par me retrouver, alors que les ombres du soir gagnaient du terrain, en vue de la mélancolique Maison Usher. »

La Chute de la maison Usher (traduction de Christian Garcin et Thierry Gillybœuf).


Alfred, Mathilde Domecq, Richard Guérineau, Benoît Guillaume, Laureline Mattiussi et le groupe Aquaserge.

Guitare électrique et chant Benjamin Glibert — basse et chant Audrey Ginestet — chant et clavier Julien Gasc — clarinette, chant et bongo Manon Glibert — trompette Sébastien Cirotteau — sax baryton et alto Olivier Kelchtermans — percussions Lucie Antunes

TNM La Criée
Le jeudi 30 mai 2019 à 21h
12/18 €
http://ohlesbeauxjours.fr/
30 quai de Rive Neuve
13007 Marseille
04 91 54 70 54

Article paru le mercredi 15 mai 2019 dans Ventilo n° 429

Oh les beaux jours !

Des livres et la parole

 

Festival littéraire porté par l’association Des livres comme des idées, Oh les beaux jours ! démarre fin mai sa croisière des mots à Marseille avec des escales musicales, théâtrales, dessinées, économiques et scientifiques. Une manière astucieuse d’attirer un public large.

  Avec le lancement du Plan de développement de la lecture publique en décembre 2015, le constat était fait, pour Marseille, d’un retard en termes de nombre de bibliothèques et d’un manque de coordination des actions autour du livre. L’association Des livres comme des idées, co-dirigée par la libraire Nadia Champesme et l’éditrice Fabienne Pavia, séduit alors les institutions locales avec « un projet ambitieux donnant un temps de visibilité fort à la littérature, pour la faire découvrir autrement, à travers un festival et un maillage territorial avec des actions sur le terrain toute l’année. » Mais comment attirer un public large vers le livre et la littérature sans injonction politique ou académique ? Et comment démontrer un intérêt et une richesse pour tous quel que soit son âge, son statut, ou son métier, tant il est vrai que « le terme de littérature peut faire peur » ? Des livres comme des idées fait le pari des frictions vers d’autres disciplines, artistiques ou pas. Car si les classiques séances de signature sont au rendez-vous, l’association nous amène astucieusement, par des chemins de traverse, à notre insu parfois, vers la littérature. Ce qui peut passer par un genre traversant les générations, comme la bande dessinée, mais surtout par des dialogues interdisciplinaires, à l’instar de cette rencontre entre le philosophe des sciences Baptiste Morizot et l’écrivain Vincent Message. La forme avec laquelle les genres se rencontrent se révèle également variée, entre ateliers, rencontres, lectures musicales, entretiens, conférences, spectacles, et lectures publiques. Derrière la surprise pointe donc la curiosité. Difficile de résumer un événement qui compte 96 invités pour 62 rencontres, lectures et ateliers, et qui ne s’arrête pas aux six jours du festival avec des actions culturelles menées toute l’année. Alors abandonnons tout effort de dissertation ou de commentaire composé pour oser la synthèse grâce aux clés fournies par les deux directrices du festival. En cela, l’élaboration de la programmation est un guide plus qu’utile. Sitôt l’édition précédente achevée, nos deux expertes définissent des envies et des évidences à partir de coups de cœur, d’une actualité inspirante et de conseils avisés de leurs réseaux. Peu à peu, le recul sur ces choix étoilés permet de tracer des constellations de thématiques. Les relais institutionnels de quartier et une équipe associative de près de quarante personnes se mettent alors en ordre de marche pour cet exercice astronomique. Un travail en amont conséquent, donc, d’autant que les invités sont associés à la forme de leur intervention, partant du constat d’un intérêt croissant des auteurs pour des évènements mixant les genres. En somme, une organisation innovante qui répond au moteur des écrivains : la créativité. Cette année, huit thématiques ont été ainsi créées. Tout d’abord, les mots seront incarnés par des figures emblématiques. Ici, nul besoin de veilleuse pour éclairer des auteurs contemporains avec les Beaux Jours d’Enki Bilal, Maryse Condé, Stefano Massini et Alice Zeniter. Ces artistes nous feront voyager entre leurs origines (serbe, guadeloupéenne, italienne…) et entre les genres artistiques. Parce que notre passé construit notre présent, qui l’éclaire ensuite sous un nouveau jour, la richesse du patrimoine littéraire n’est pas pour autant oubliée avec Louons maintenant les grands auteurs et, notamment, cette traduction inédite d’Edgar Allan Poe signée Christian Garcin et Thierry Gillybœuf, plus de 160 ans après celle de Baudelaire.   Outre ces passerelles entre auteurs d’hier et d’aujourd’hui, d’autres thématiques confirment le voyage comme un important fil conducteur de cette édition. C’est sa dimension temporelle qui sera surtout explorée avec Traversées et Je viens d’ici. Dans la première, les souvenirs familiaux réels de Léonor de Récondo alterneront avec ceux, plus fictionnels, de Véronique Ovaldé. Dans la seconde, nous serons ramenés à des passés ruraux (le Montana de Pete Fromm et le Cantal de Marie-Hélène Lafon) ou plus urbains (les villes d’exil de Mehdi Charef et Kamel Khélif). Dans cette programmation, le dialogue traverse aussi plusieurs des thématiques. L’échange s’instaurera entre artistes qui se respectent (Daniel Pennac et Silvia Avallone) et peuvent collaborer ensemble (Nicolas Mathieu avec le chanteur-compositeur Florent Marchet) avec Connivences, et entre disciplines Quand les sciences dialoguent avec la littérature. Ici, des ponts se tissent entre réel et fiction, tel ce dialogue entre l’anthropobiologie et la science-fiction avec, respectivement, Judith Nicogossian et Alain Damasio. Enfin, ces Beaux Jours nous rappellent que l’écriture et l’édition sont des actes d’engagement. Avec Continuons le combat, certains écrivent en se battant pour que le monde connaisse des tragédies humaines à portée de plume (Cécile Hennion), et d’autres pour l’amour avec plus (Lisa Ginzburg et Valérie Manteau) ou moins (Fabcaro) de sérieux, quand ce n’est pas pour dénoncer des dérives du progrès (Alain Damasio). La Belle jeunesse milite quant à elle pour que le flambeau de la littérature soit repris par des auteurs en devenir avec le résultat du concours littéraire au collège, et par de futurs éditeurs sous l’encadrement de Benoît Virot. Autant de propositions qui permettent d’affirmer que la littérature a décidément de beaux jours devant elle…  

Guillaume Arias

 
Oh les beaux jours ! : du 28/05 au 2/6 à Marseille.
Rens. : http://ohlesbeauxjours.fr/
Le programme complet du festival Oh les beaux jours ici