Muséique #3 : Le Voyage des muses

Journée musicale avec moult concerts, dans le cadre du 150e anniversaire du Palais Longchamp

En mars au musée des Beaux-Arts, les couleurs et les sons se répondent... Avec la complicité des jeunes artistes de Mars en Baroque, cet itinéraire musical vous emporte de salle en salle, dans un voyage unique : à chaque époque, son moment musical correspondant. Les musiciens subliment les tableaux des collections en proposant une journée de rêverie pour les yeux et les oreilles. Premier hommage rendu au splendide monument d’Henri-Jacques Espérandieu, construit il y a maintenant 150 ans.

En prélude à l’anniversaire des 150 ans du Palais Longchamp, construit par Henri-Jacques Espérandieu, une journée de musique, au sein des collections du Musée des Beaux-Arts, est présentée en partenariat avec Mars en Baroque. De jeunes talents issus des conservatoires de Paris et de Lyon et des musiciens locaux feront résonner quatre siècles de peinture et de musique ! Remontons dans le temps et retournons aux origines du Palais Longchamp. ​ Le Palais est un château d’eau construit pour être le point d’arrivée des eaux de la Durance, détournées a n d’alimenter la ville de Marseille, qui connaissait alors des problèmes d’approvisionnement en eau au milieu du 19ème siècle. Il est composé de trois entités : au centre un château d’eau édifié pour la commémoration de l’arrivée à Marseille des eaux, de part et d’autre duquel se trouvent reliés par une colonnade semi circulaire, le Musée des Beaux-Arts (aile gauche) et le Muséum d’histoire naturelle (aile droite).

Musée des Beaux-arts, Palais Longchamp

11h Salle du 16e siècle

Benjamin Delale, clavecin / Pauline Chiama, viole de gambe

12h Salle Puget

Adrien Ramon, cornets, Colin Heller, violonThomas- Guyot, violoncelle, Morgan Marquie, Luth, Théorbe, Loïc De La Fourrière, clavecin,orgue

13h Salle du 17siècle
Valentin Bruchon, flûte à bec, Léo Fernique,contre-tenor, Garance Boizot, viole de gambe,Hayao Soneda, clavecin Victoire Fellonneau, flûte à bec.
15h Salle du 18siècle
Aline Bieth, flûte à bec, Lukas Schneider,viole de gambe, Morgan Marquié, théorbe
16h Salle du 19siècle
Quatuor de Debussy, Housheng Kian, Juliana Plancon, Charlotte Giraud, Kioumarz Kian

 

Musée Grobet-Labadié

140 Boulevard Longchamp, 13001 Marseille

• 11h
La Quinta Pars : Vladislas Bechlitch-Szonyi,violons renaissance, Ondrej Hanuš, flûtes à bec, Haruna Nakaie, viõle de gambe - Lucas Alvarado, viole de gambe, Morgan Marquié,luth et direction
• 14h
Quatuor de Debussy, Housheng Kian, Juliana Plancon, Charlotte Giraud, Kioumarz Kian

Musée des Beaux-Arts de Marseille
Le dimanche 17 mars 2019 à 11h
8 €
www.marsenbaroque.com
Palais Longchamp - 9 rue Édouard Stephan
13004 Marseille
04 91 14 59 30
04 91 14 59 18

Article paru le mercredi 6 mars 2019 dans Ventilo n° 424

Festival Mars en Baroque 2019

L’atelier baroque

 

En nous invitant à pénétrer dans « l’atelier » du musicien, au contact des secrets de fabrication des œuvres, Jean-Marc Aymes, directeur artistique du festival Mars en Baroque, n’en finit pas de nous étonner avec ce qui semblait pourtant aller de soi dans l’acte créateur. Conférences et concerts de l’édition 2019 se complètent pour éclairer les relations entre les conventions d’un art situé dans l’histoire et les artistes à même de s’en jouer.

    Plonger au cœur des mécanismes de la création musicale de l’âge baroque permet de rendre l’artiste à son temps. Son modus operandi prend sens au milieu des techniques et des modèles qui l’ont déterminé et ont permis le déploiement des aptitudes propres à chacun dans un style personnel ou celui d’une école. Entre talent et savoir-faire, nous pourrons suivre la croissance organique du travail de composition qui, depuis sa conception, porte la musique à son état d’exécution ; pourtant jamais vraiment achevé, pouvant toujours supporter des remaniements selon des principes adaptatifs que les musicologues invités éclairciront. La plasticité des formes et des modalités de jeu caractérise ces époques où le compositeur comme le peintre se doivent de répondre sans désemparer aux obligations de leur fonction à la cour, à la ville ou à l’église. Si le pragmatisme que l’on découvre dans leurs pratiques nous éloigne un peu du parangon idéal de l’artiste tel que nous le concevons aujourd’hui, il accroît notre empathie pour ces homo habilis, compositeurs et interprètes, minutieux tisserands et fileurs de sons, héritiers des corporations où se transmettaient dans la maison du maître le geste adroit et l’expérience du métier, souvent de père en fils, en longues lignées de musiciens. Le festival investit pour la première fois cet aspect déterminant pour l’acquisition d’une capacité professionnelle en organisant deux master classes d’« excellence » destinées à parfaire la pratique de solistes vocaux confirmés dans le domaine de l’interprétation du répertoire du XVIIe, à l’articulation avec le siècle précédent (avec Maria Cristina Kiehr les 11 et 12) ou le siècle suivant (avec Sandrine Piau, les 13 et 14). Un concert de « restitution » sera offert à l’issue de chaque classe.  

De la terre...

Utilisé par les plus grands — Bach et Vivaldi ne s’en sont pas privés—, le réemploi d’une partie d’une œuvre dans une nouvelle trouve son accomplissement dans les techniques de transcription d’un instrument vers un autre ou d’une coupe formelle vers une autre. Le procédé sera explicité par l’organiste Yves Rechsteiner lors de sa conférence du 16 mars et illustré par trois concerts. Le flûtiste à bec Michaël Form et son complice Dirk Börner au clavecin nous proposent l’arrangement de matériaux empruntés à différentes œuvres de Jean-Sébastien Bach et adaptés à leur duo pour en faire six « nouvelles » sonates au moyen d’une époustouflante science de la contre-facture. Chacune des pages de la partition ainsi recomposée porte en transparence le filigrane du Kantor, à la façon de ces tableaux non signés dont le nom du peintre est pressenti dans la profondeur du ciel ou l’expression des visages. Exercice de style illusionniste et brillant, Bach Remixed a été récompensé par un diapason d’or « remarqué » (le 21). Les transcriptions pour claviers que Bach réalisa de quelques concertos de Vivaldi démontrent sa curiosité à sonder tous les terrains du langage musical de son temps (excepté le théâtre lyrique). Ils seront interprétés par les élèves du CNSMD de Lyon. Sous leurs doigts s’agiteront les courants mystérieux de cette considération réciproque qui a réuni les deux géants du baroque flamboyant en nous laissant rêveurs quant aux fruits imaginaires d’une influence plus complète : le pur fantasme d’un opéra italien de Bach... (le 20). Enfin, Paul Goussot interprètera sur l’orgue de l’Abbaye Saint-Victor ses adaptations de grands airs d’opéras du XVIIe et XVIIIe siècles qui déjà en leur temps faisaient l’objet de transcriptions (parfois parodiques) destinées à populariser leurs plus beaux élans auprès d’un large public ; ainsi que la gravure, véhicule commode, diffusait les plus célèbres peintures dans toute l’Europe (le 26). Alternance de récits et d’airs aux métriques variées, la cantate partage nombre d’ancêtres communs avec l’opéra dans l’arborescence des généalogies formelles. L’ensemble Amarillis et la soprano Hasnaa Bennani suivront le fil thématique des saisons et des âges de la vie pour rendre perceptible la fantaisie créatrice que les compositeurs français de la première moitié du XVIIIe siècle apportèrent à ce genre lyrique. Aux derniers fastes solaires du Grand Siècle se mélangent les vapeurs d’un baroque automnal en nous laissant une image attachante de cette « France Louis XV » qui vit, au travers d’un art hédoniste, sa dernière saison d’agrément. À découvrir, les saveurs vives ou plus nacrées d’un Philidor, d’un Boismortier ou d’une Jacquet de La Guerre (le 8). Héritage de l’écriture polyphonique médiévale, le contrepoint joue le rôle psychanalytique du « père sévère » pour les compositeurs voulant s’affranchir du stylus anticus. Ses rébus nous seront révélés comme autant de devinettes amusantes par l’ensemble Coclico, spécialisé dans la musique vocale de la Renaissance. Règles rigoureuses et combinaisons infinies s’appliqueront à des improvisations sur des thèmes les plus « farfelus ». Pas de complexe : second degré requis et public participatif pour une séance de contrepoint qui s’annonce bien fleurie (le 30).  

... au ciel

Cette technique d’écriture conservera une présence substantielle dans la musique sacrée où elle rivalise avec la mélodie accompagnée pour peindre les mouvements de l’âme dans le miroir des passions du cœur humain ainsi que Concerto Soave le suggère en associant l’Arianna d’Alessandro Scarlatti avec le Salve Regina de Pergolèse dans un concert baptisé De la Terre au Ciel. Ces évocations du tragique féminin, où le profane et le religieux font assaut de douceur et d’élévation, seront interprétées par Maria Cristina Kiehr, dont le timbre et le phrasé incarnent ces qualités à leur plus haut degré de sensibilité. La soprano nous transportera, comme le peintre dans une perspective plafonnante, sur des nuées où volent des figures légères. Le chant napolitain dans son expression la plus transcendante (le 15). La maniera vénitienne sera également mise à l’honneur. Une conférence de Patrick Barbier nous présentera les cadres musicaux de la Sérénissime au travers du destin parallèle d’Antonio Vivaldi et d’Antonio Caldara (le 22). Le chœur de chambre Les Eléments dirigé par Joël Suhubiette, accompagné de Concerto Soave, célèbrera la figure mariale avec le Magnificat de Vivaldi et celle de Marie-Madeleine avec l’oratorio que Caldara lui a consacré. Maria Cristina Kiehr prête sa voix à la pécheresse repentie avec une onction qui touche au sublime, confer son enregistrement avec René Jacobs chez Harmonia Mundi (le 23). Les Fêtes Vénitiennes, opéra-ballet d’André Campra donné en version concert à la Criée (le 9), constitueront certainement l’hommage majeur à cet art de vivre qui s’attarde comme un été indien sur les bords de la lagune et dont l’Europe aspire à imiter les fantasmagories. L’occasion d’une dédicace à la mémoire du compositeur provençal monté à Paris pour s’illustrer avec une réussite fulgurante que nous a contée le musicologue Jean Duron (le 26 février). Bien d’autres œuvres du temps jadis seront mises à notre portée dans cette dix-septième édition du festival Mars en Baroque ; mettons-nous à la leur en pénétrant dans le laboratoire intime de ceux qui les ont conçues, le plaisir n’en sera que plus entier.  

Roland Yvanez

 

Festival Mars en Baroque : jusqu’au 31/03 à Marseille. Rens. www.marsenbaroque.com

Le programme complet du festival Mars en Baroque ici