Admeto, Rè di Tessaglia

Opéra en trois actes de Georg Friedrich Haendel (version concert) par Concerto Soave (2h15 avec entracte). Direction : Jean-Marc Aymes

Du salon particulier de Haendel jusqu'au King's Theatre de Haymarket, il n'y a après tout que quelques centaines de mètres. C'est là qu'en 1727, le maître saxon, installé depuis 1711 à Londres, donne son Admeto, inspiré de l'Alceste d'Euripide.

Il bénéficie d'une distribution de choix avec le grand castrat Senesino dans le rôle d'Admeto et les deux cantatrices les plus prisées des scènes européennes, Faustina Bordoni et Francesca Cuzzoni, dans les rôles d'Alceste et d'Antigone.

Le succès est total : dix-neuf représentations à la suite pour ce chef d'œuvre qui nous est restitué aujourd'hui sous la baguette précise et sensible de Jean-Marc Aymes. Entre mélodies langoureuses et airs de bravoure à couper le souffle...

En coproduction avec le Cav&ma (Centre d'Art Vocal et de Musique Ancienne de Namur, Belgique) et le Festival Musical de Namur, Belgique.

Distribution

Concerto Soave
Marie Rouquié, Simon Pierre, Laurie Bourgeois, Julie Friez, Amandine Solano, violons
Patricia Gagnon, Myriam Cambreling, altos 
Elsa Papasergio, Sophie Rebreyend, hautbois
Anaïs Ramage, basson 
Cécile Vérolles, violoncelle
Christine Mazeaud, viole de gambe
François Leyrit, contrebasse
Mathieu Valfré, clavecin
Jean-Marc Aymes, direction et clavecin

Samuel Namotte, Ercole
Caroline De Mahieu, Admeto
Julie Vercauteren, Alceste
Morgane Heyse, Antigona
Logan Lopez Gonzalez, Orindo
Rémy Bres,Trasimede
Philippe Favette, Meraspe
Direction Jean-Marc Aymes

TNM La Criée
Le mardi 10 mars 2020 à 20h
12/35 €
www.marsenbaroque.com
30 quai de Rive Neuve
13007 Marseille
04 91 54 70 54

Article paru le mercredi 4 mars 2020 dans Ventilo n° 442

Festival Mars en Baroque

Fauteuils d’orchestre

 

La dix-huitième édition du festival Mars en Baroque nous convie, dans les salons d’Ancien Régime, à prendre notre part d’un art de vivre gagé sur la civilité, la littérature et les beaux-arts. Ne faites pas antichambre, entrez !

  La musique des XVIIe et XVIIIe siècles ne s’inscrit pas forcément dans les cadres publics de l’Église et de la Cour, mais adopte également les espaces domestiques réservés à l’épanouissement interpersonnel et au loisir amateur. Les salons, théâtres mondains du goût et laboratoires de sensibilités nouvelles, contribuent à l’expansion et à la diffusion des formes de la musique de chambre. L’éclat des plus illustres d’entre eux ne doit pas occulter la diversité des réseaux de sociabilité parmi lesquels artistes et penseurs peuvent développer de multiples affiliations selon leur talent et leur notoriété pour s’adonner au culte des muses en aimable compagnie ou se saisir du champ esthétique pour mener des combats à plus large visée, ainsi que l’atteste la riche mosaïque de la programmation Mars en Baroque 2020. Même si l’on a moqué les « précieuses », des femmes ont pu tenir un rôle intellectuel de premier plan dans ces cénacles proches de la sphère privée ; deux concerts en témoigneront. L’ensemble Le Concert de l’Hostel Dieu a choisi de promouvoir à son Parnasse des compositrices qui, exceptée Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729), n’ont pu percer l’espace des possibles qui leur était assigné et ont sombré depuis dans l’injuste amnésie des siècles (le 5 aux Archives Départementales) ; contrairement à la brillante et sulfureuse cantatrice vénitienne Barbara Strozzi((Le « cas Strozzi » est particulièrement éclairant sur les difficultés et les opportunités d’accès à la professionnalisation des femmes artistes dans et hors le cadre de la succession paternelle.)) (1619-1667) dont l’Ensemble Le Stelle fera dialoguer les compositions personnelles avec la poésie contemporaine d’Erri de Luca (le 17 au Temple Grignan). Le festival s’ouvre également à d’autres périodes de l’histoire de la musique. Nous fréquenterons ainsi les salons de la Renaissance où les peintres Brueghel et Raphaël s’inviteront pour partager une danse ou un air de luth avec des compositeurs flamands ou italiens, tandis que la soprano Maria Cristina Kiehr illustrera de toute la richesse de sa palette expressive la vitalité artistique du siècle d’or espagnol (Week-end Renaissance du 13 au 15). Le Tombeau de Gesualdo proposé par l’ensemble vocal Musicatreize (le 20) mettra en résonnance la musique d’aujourd’hui et celle du mélancolique et tristement célèbre madrigaliste italien qui, comme un crâne posé sur la table d’une peinture de vanité, a braqué son regard sur un néant des choses humaines qui ressemble peut-être à son arrière-conscience. Attachés à la restitution de la vérité sonore de leur répertoire tout autant que leurs collègues baroques, les musiciens de l’ensemble instrumental L’Armée des Romantiques mettront le cap sur un baroque en crue, débordant le tournant du XIXe siècle jusqu’au salon de Brahms habité par le spectre du grand Bach dont nous pourrons entendre le lendemain le premier livre du Clavier bien tempéré interprété par les étudiants des Conservatoires de Paris et Lyon (les 27 et 28 à la Salle Musicatreize). Trois propositions spectaculaires rompront avec l’atmosphère de salon. Admeto, un opéra de Haendel dont la version concertante nous révèlera l’histoire de ce roi sauvé par le sacrifice de sa femme, l’occasion d’émouvantes déplorations mêlées de parallèles cocasses dans la pure tradition italienne du genre (le 10 à la Criée). Nous aurons le privilège de découvrir le légendaire Miserere de Gregorio Allegri (1582-1652), propice aux méditations éthérées et aux parenthèses suspendues, dans une version restaurée par les soins de Jean-Marc Aymes et du Chœur de Chambre de Namur (le 21 à l’Abbaye Saint-Victor). Les intentions de Monteverdi dans ses Vêpres à la Vierge de 1610 conservent encore beaucoup de mystères et laissent un champ d’investigation ouvert aux expérimentations chorales qui rend excitante la proposition des quarante jeunes musiciens du Département de Musique Ancienne de Lyon (le 29 à l’Église Saint-Théodore). Ces trois évènements viendront exalter, dans de grands sujets mythologiques et sacrés, l’amour, profane ou mystique, l’amour toujours, d’où ne s’excluent ni la douleur ni l’espérance dans une fusion des contraires qui submerge le poète, le musicien et la sainte en extase. Nous serons nous aussi les victimes consentantes et déjà fébriles de ce « plaisir des larmes » dans lequel les arts baroques aimèrent à s’abandonner avec une théâtralité si désarmante. Parce qu’il participe d’une éducation généralement héritée, le goût pour ces émotions aussi subtiles que démonstratives reste un marqueur particulièrement distinctif. Ainsi les actions de sensibilisation au long cours menées par l’équipe de Jean-Marc Aymes auprès des scolaires ou des publics empêchés prennent-elles tout leur sens dans une transmission conduite, comme un acte de foi, avec cette allégresse imaginative et communicative devenue au fil du temps le sceau de Concerto Soave. Une passion magistralement illustrée par la conférence inaugurale de Patrick Barbier le 29 février dernier, avec toute la conviction et l’art incomparable du partage qu’on lui connaît, inspirée de son dernier ouvrage Pour l’amour du baroque.  

Roland Yvanez

 

Festival Mars en Baroque : jusqu’au 31/03 à Marseille.

Rens. : 04 91 90 93 75 / www.marsenbaroque.com

   

Retour sur la soirée inaugurale

 

Le salon indien

  En nous transportant au Bengale en lever de rideau de sa nouvelle édition, le festival Mars en Baroque nous a offert un préambule insolite dont l’intuition s’est imposée avec une force d’évidence immédiate. Au-delà de sa relation éponyme, Le Salon de musique de Satyajit Ray a fait apparaître, dans le cadre particulier de cette rencontre (le 29/02 à la Salle Musicatreize), les intimes corrélations qui peuvent relier les expériences sensibles entre des sphères esthétiques éloignées dans le temps et l’espace. Envoûtant comme une leçon de ténèbres, le film indien nous a entraînés dans une austère et somptueuse méditation sur la mort, la vanité et l’ivresse de l’art, qui rejoint dans son interrogation intemporelle et universelle les memento mori et les crucifixus à grand spectacle des artistes baroques. Ce goût de la danse, la beauté du chant orné hindoustani qui baignaient ce chef-d’œuvre cinématographique ont trouvé ensuite leurs vivantes incarnations avec la danseuse Maïtryee Mahatma et la chanteuse Madhubanti Sarkar qui rivalisèrent d’expressivité, chacune avec les moyens de son art, accompagnées de Nazar Khan au sitar et de Nabankur Bhattacharya aux tablas. Le corps de la danseuse inscrivait la musique dans l’espace avec un élan dionysiaque (que Shiva me pardonne !) auquel le percussionniste, figure de proue de la musique indienne phocéenne, communiquait son ardente mathématique. Les postures allégoriques codées par la tradition Kathak se déchiffraient comme autant de repères expressifs de la narration sacrée mais que le pur ravissement des formes chorégraphiques excédait tant l’interprétation de Maïtryee Mahatma, par la plénitude de son talent, touchait à l’essence polysémique de son art. Là, dans les multiples triangulations entre les raffinements de la voix, la pulsation instrumentale et les volutes colorées de la danseuse, se sont célébrés des prestiges au zénith du méridien baroque.  

Roland Yvanez

 

Le programme complet du festival Mars en Baroque ici